e bonheur des uns… Sur le premier semestre 2023, les groupes verriers annoncent des résultats financiers insolemment bons, diamétralement opposées aux situations connues par les opérateurs du vignoble qui se serrent la ceinture pour suivre la cherté des matières sèches en général, et des bouteilles de verre en particulier. Le groupe Vidrala annonce ainsi un profit net de 128,7 millions d’euros sur le premier semestre 2023, en hausse de 129 % par rapport aux six premiers mois de 2022. Malgré « un contexte de demande plus modeste au cours du premier semestre, les niveaux de rentabilité de nos activités ont maintenu une solide trajectoire de reprise qui résulte de l'amélioration des coûts opérationnels » analyse le groupe espagnol. Même satisfecit pour le groupe Verallia, qui dévoile un résultat net de 311 millions d’euros, en hausse de 79 %.
« Les résultats du premier semestre sont excellents et témoignent de notre capacité à continuer à améliorer période après période de façon pérenne notre profitabilité » se réjouit dans un communiqué Patrice Lucas, le directeur général de Verallia, pointant sa « capacité à générer un spread d’inflation positif en toutes circonstances » (soit la différence entre les prix de vente et les coûts de production). Et le groupe français d’indiquer que « l’inflation des coûts de production constatée au premier semestre 2023 est inférieure aux estimations initiales. En conséquence Verallia a procédé au deuxième trimestre à des baisses de prix modérées et ciblées en Europe, par rapport à la hausse de prix passée en début d’année 2023. »


Clairement, tous « ces chiffres sont indécents » s’étrangle Jean-Marie Fabre, le président des vignerons indépendants de France, qui reproche à ces fournisseurs, à défaut de partenaires, de la filière de ne se préoccuper que de ses marges et de ne pas répercuter les baisses de ses coûts de production aussi vite que les augmentations ont été passées ces dernières années (entre tension sur les approvisionnements post-covid et inflation de l’énergie à la suite de l’invasion russe de l’Ukraine). Après des hausses mensuelles à deux chiffres, « les baisses qui nous sont accordées depuis un trimestre sont au maximum de 7 % » reproche Jean-Marie Fabre, qui garde en mémoire les résultats 2022 des verriers : « ils n’avaient pas contribué à l’effort de guerre en nous faisant payer 100 % de leurs augmentations de coûts de production. Et même au-delà de 100 % : nous avons payé leurs actionnaires et réduit leurs dettes. »
Face à « la provocation » de ces résultats économiques insolents, Jean-Marie Fabre en appelle à l’intervention du ministère de l’Économie (déjà demandée ce début d’année par la filière). « Leur profitabilité n’est pas réalisée sur une augmentation de la compétitivité, mais sur le dos des clients historiques, dont le secteur viticole. C’est scandaleux de voir un fournisseur faire porter le coût de ses bénéfices à ses clients » explique le vigneron de Fitou (Aude), qui résume : « il y a un mouton qui se fait tondre depuis 2 ans et quand on voit l’état de nos trésoreries, il ne restera bientôt plus de laine, mais on connaîtra le tondeur »


Incertaine, la situation économique des prochains mois ne semble pas trop peser sur le moral des verriers, qui s’attendent à de nouvelles performances pour Verallia et Vidrala. De quoi relever les projections d’EBITDA (Bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement), et ce même si « les volumes de vente au niveau [de Verallia] sont en léger retrait sur le premier semestre, principalement du fait de la faiblesse constatée dans la bière en Europe depuis le début d’année, ainsi qu’un recul des ventes de vins tranquilles. Des effets de stocks dans la chaîne de valeur peuvent expliquer en partie cette tendance. » Pour Vidrala, « malgré un ralentissement récent qui reflète principalement la base de comparaison élevée de l'année précédente, les impacts de facteurs macroéconomiques et des effets de déstockage temporaires », le groupe confirme ses « prévisions pour l'ensemble de l'année 2023 à deux chiffres. Une croissance des revenus, une marge d'EBITDA supérieure à 25 % par rapport aux ventes ». De quoi satisfaire les actionnaires, mas pas les clients des verriers.
« Nous venons de traverser quatre années de tension. D’après notre dernier sondage en juin, l'augmentation des charges enregistrée par les vignerons indépendants représente plus de 30 % de notre chiffre d’affaires » alerte Jean-Marie Fabre. Le malheur des autres…