a consigne aura rarement aussi bien portée son nom. Annoncé par la secrétaire d’État à l’Écologie, Bérangère Couillard, le « réemploi du verre » dans les magasins de la grande distribution va s’appuyer sur « des expérimentations qui vont se mettre en œuvre l’an prochain, et une généralisation du réseau d’ici à deux ans », du moins dès l’achèvement d’un « cadre juridique avant la fin de l’année » rapporte le Télégramme. Ces déclarations restant pour l’instant des annonces, leur mise en pratique reste floue pour la filière vin. D’autant plus que le cadre réglementaire était déjà ambitieux, avec un objectif pour 2027 de 10 % d’emballages réemployés (ménagers, industriels…) fixé en 2020 par la loi Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire (loi AGEC).
Alors que la loi climat de 2021 avait mobilisé le vignoble, inquiet d’une obligation de réemploi, ces annonces de consigne obligatoire inquiètent les Vignerons de France. « Au vu de l’importance de la commercialisation en bouteille pour nos entreprises, et de leurs réseaux de distribution, nous sommes toujours perplexes quant à la pertinence généralisée de la consigne et du réemploi, car cela pourrait s’avérer pour beaucoup d’entre elles contraire à l’objectif recherché (poids de la bouteille, export, transport, etc.) » indiquent à Vitisphere les caves particulières, rappelant qu’en 2021, « la loi climat prévoyait préalablement au lancement de tels dispositifs [de réemploi] la réalisation d’une étude démontrant que le système de consigne présente un bilan environnemental positif, étude qui n’est pas encore parue à notre connaissance. C’est un point important pour nous, avant de parler de généralisation, il faut en mesurer les impacts d’un point de vue environnemental, économique, etc. »


Mêmes précautions pour les Vignerons Coopérateurs. Leur directrice générale, Anne Haller, souligne que le sujet du réemploi fait réfléchir un « certain nombre d’opérateurs, comme le verre pèse dans le bilan carbone et que l’approvisionnement en bouteille reste un problème ». Mais pour elle, « il faut pousser l’expérimentation : le réemploi demande une organisation de filière qui va au-delà de la fixation d’un pourcentage d’obligation par entreprise. Il faudrait standardiser le type de bouteille, ce qui pose des questions pour les bouteilles syndicales et les formes de bouteilles imposées à certaines appellations. Se posent aussi des questions pour les vins blancs et rosés qui nécessitent des bouteilles transparentes. Le réemploi conduit à de nouveaux types de bouteilles : plus épaisses, alors que l’on allège depuis des années, dans sens contraire… »
Défi pour allier bonne volonté environnementale de décarbonation et réalité économique d’un nouveau circuit logistique, le réemploi s’appuie actuellement sur de nombreuses initiatives locales d’usines de collecte et de lavage (avec dix acteurs régionaux réunis dans le réseau France Consigne). Pour passer à la vitesse supérieure, l’éco-organisme Citeo, qui gère les emballages et papiers ménagers (dont le verre, suivi par Adelphe), développe un programme "ReUse" de réemploi des bouteilles et pots en verre en Grande Distribution (GD). Partageant les objectifs de calendrier du ministère de l’Écologie, Citeo prévoit de premières expérimentations en 2024 sur divers secteurs, dont le vin. Deux formats de bouteilles standards, Bourgogne et Bordeaux, sont en cours de conception, avec des appels d’offre à venir pour les verriers.
Investissant dans le réemploi*, Adelphe « veut construire un futur modèle de réemploi efficient d’un point de vue économique et environnemental » explique Valentin Fournel, directeur éco-conception et réemploi chez Citeo, pour qui "ReUse" va permettre d’essuyer d’inévitables plâtres. « Le premier système [de réemploi] mis en place sera forcément imparfait » indique l’expert, notant la « difficulté de tous premiers modèles est que les premières années le modèle ne sera pas intéressant, d’un point de vue économique, ni environnemental. Parce qu’il faut ajuster, parce que l’on n’aura pas tous les centres de lavage répartis sur le territoire, parce que l’on n’aura pas tous les standards qui permettent de ne pas renvoyer les bouteilles à l’autre bout de la France… » Sachant que l’Analyse de Cycle de Vie (ACV) menée par Citeo sur le verre réemployé démontre une mieux-disance environnementale par rapport au verre et au plastique à usage unique.


Pour optimiser le système du réemploi, Citeo explique travailler sur l’offre produits, le parcours consommateur, le retour de l’emballage, les opérations et la logistique, les solutions techniques et l’adhésion des consommateurs. « On sait que le réemploi ne fonctionnera que si le consommateur y adhère complétement » précise Valentin Fournel, pour qui « on est dans le moment charnière : 2023-2024 sera clé pour mettre en œuvre ces dispositifs de réemploi. Et tous les changements derrière de manière de faire et de penser pour tous les acteurs, opérateurs, metteurs en marché et consommateurs. »
* : En application de la loi Agec, Citeo investit 5 % de ses contributions dans l’incitation au réemploi des opérateurs. Soit 4 millions € pour Adelphe en 2023 (avec une enveloppe de 28 millions € jusqu'en 2029).