C’est plus que de l’inquiétude. C’est de la déprime ». Alors que les vendanges tirent à leur fin, Christophe Mangeard, directeur des caves Molière, notamment sur Abeilhan et Pézenas, dans l'Hérault, s’alarme de la dégradation du moral de ses adhérents. Jean-Philippe Guiraudou, président de la coop, n’est pas plus optimiste. « Nous avons pris la sécheresse et la canicule de plein fouet. En année normale, nous récoltons 120 000 hl sur nos 2 000 ha. Cette année, nous atteindrons tout juste 70 000 hl. Nous avons un déficit aussi fort qu’en 2021, l’année du gel. Il va y avoir de la casse. Les gens sont découragés. »
À la cave de Montaud, au nord de Montpellier, Brice Marquet, le directeur, est tout aussi préoccupé. Cette année, le mildiou a amputé 30 % de sa récolte. « On ne rentrera que 25 000 hl, contre 38 000 hl en année normale. Après le gel de 2021, la sécheresse de l’an dernier et l’augmentation des coûts de production, les trésoreries sont au plus bas. Qui plus est, le marché n’est pas porteur. Certains de nos acheteurs ne se sont même pas positionnés et ceux qui l’ont fait ont réduit leurs réservations de 10 à 15 %. Je ne sais pas trop comment nos adhérents vont passer l’année. Pour le moment, ils touchent les acomptes de la récolte précédente mais à partir de février-mars, il y aura un coup de ciseau. »
Dans le Gard, la situation est très contrastée d’une cave à l’autre. À Durfort, François Mandon, directeur des Coteaux Cévenols, s’attend à la pire récolte de sa coopérative. « Nous avons subi une sécheresse exceptionnelle, puis la canicule a séché les raisins, indique-t-il. On accuse 30 à 40 % de perte par rapport à l’an dernier, qui était une petite récolte. En année normale, on rentre 38 000 hl, cette année ce sera 24 000 hl. »
Compte tenu de la conjoncture, cette coopérative ne devrait pas manquer de vin. « Nous avons eu de grosses coupes dans nos réservations et il nous reste 4 000 hl de rosé en stock, précise-t-il. Je ne suis pas inquiet pour la commercialisation de cette récolte. Mais nos adhérents vont souffrir de la diminution de leurs acomptes. »
À l’est du département, dans les Costières de Nîmes, la situation est tout autre à la cave de Pazac, petite coopérative qui compte huit adhérents pour 300 ha de vigne. « Nous avons une plus belle récolte que l’année dernière, confie Jean-Louis Boyer, le directeur. Les températures caniculaires de la semaine du 20 août nous ont fait perdre des volumes, mais on s’en tire plutôt bien. » Côté marché, cette petite coop tire son épingle du jeu. « Notre caveau marche bien, nous vendons 40 % en conditionné, explique-t-il. Pour le reste, on vend très bien nos costières en rosé et en rouge. Nous avons même manqué de rouge pour fournir notre client. En revanche, le marché est difficile pour l’IGP Pays d’Oc rosé. Nous passons des volumes en IGP Pont du Gard, qui est plus demandée. »
À Moussac, aux Celliers des Trois Tours, la récolte s’avère moyenne – 46000hl – alors qu’elle s’annonçait comme celle du siècle. « Il y avait une très belle sortie, mais la sécheresse a douché nos espoirs, concède Éric Mathieu, président de la cave . Le merlot est particulièrement affecté. Nous l’avons récolté précipitamment car les raisins séchaient. » Mais ce qui l’inquiète le plus, c’est le marasme du marché. « Nos acheteurs ont réduit leurs réservations de 10 à 15 %. Et nous avons encore 20 000 hl en cave : 10 000 hl en attente d’enlèvement, le reste sans réservation. »
Dans l’Aude, l’ambiance est tout aussi morose. À la cave La Vendémiaire, à Fleury-d’Aude, la récolte est pourtant jolie. Une grande partie du vignoble étant irriguée, la coopérative s’estime heureuse de pouvoir rentrer 75 000 hl, ce qui correspond à une année moyenne. Mais son président Thierry German s’alarme de la situation du marché. « Aux vendanges, l’an dernier, 50 % de nos volumes étaient réservés, mais ces réservations n’ont pas toutes été honorées. Nous n’avons vendu que 60 % de notre récolte. Il y a eu un gros coup de frein sur les rouges. Et cette année, nous n’avons que 15 % de réservations. On ne sait pas où on va. »
Gilles Trémèges, directeur des Vignerons du Triangle d’Or, n’est pas plus serein. « Ce qui est sûr, c’est que les acheteurs ne prendront que les vins qui auront le profil fixé. Il nous reste 5 000 à 6 000 hl de la récolte précédente qui ne sont pas vendus, sans compter les vins réservés qui n’ont pas été enlevés. » Une ambiance bien morose en cette période des vendanges, qui clôture une année de travail.