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Crédits : Marc Ginot (Chambre d’Agriculture de l’Hérault)

Jérôme Despey
Vignes de l’Hérault et héraut de la vigne
 

S’il existait un bureau pour réunir toutes les revendications économiques et politiques de la filière vin, on y verrait des dossiers urgents s’empiler toujours plus vite sur des classeurs restant ouverts faute d’être conclus. Président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, Jérôme Despey est aux premières loges des mobilisations incessantes pour aider le vignoble et ses metteurs en marché à faire face aux défis actuels. Il partage aussi la frustration de voir des demandes péricliter, comme les aides aux trésoreries tendues depuis la crise covid (avec un report souhaité des remboursements des Prêts Garantis par l’Etat, PGE) ou la résolution définitive du conflit aéronautique transatlantique (seul un moratoire suspend les taxes Trump sur les vins et spiritueux français).

D’autres dossiers avancent sans arriver à leur terme. En 2022, Jérôme Despey s’est mobilisé pour finaliser les aides suivant le gel 2021 (notamment les rachats de franchise, la prise en charge de cotisations sociales…), pour boucler la réforme assurance récolte (avec l’application d’omnibus et un seuil d’activation de 50 % de dégâts pour la filière vin, mais une réforme de la moyenne olympique à mener), pour suivre la réforme de la certification Haute Valeur Environnementale (HVE, qui a viré au revers face au manque de concertation du ministère de l’Agriculture*), tout en participant aux réflexions de la filière pour gérer les déséquilibres structurels et conjoncturels entre offre et demande exacerbés depuis l’invasion russe de l’Ukraine (avec des besoins de distillation de crise, aide au stockage privé, arrachage primé…).

Cet échantillon de mobilisations en témoigne : depuis 2019, la filière vin fait face à une succession d’aléas qui semble pour le moins inédit. Ne se résignant pas, Jérôme Despey affirme sa détermination à défendre les intérêts de la filière grâce à son ancrage dans le vignoble : à la fois sur son exploitation et sur le terrain qu’il parcourt depuis des décennies. Implanté à Saint-Geniès-des-Mourgues avec 10 hectares de céréales (blé dur) et 25 ha de vignes (70 % en IGP Pays d’Oc, 20 % AOC Coteaux du Languedoc et 10 % IGP département), le viticulteur héraultais reprend l’exploitation familiale en 1987, à 18 ans après une formation accélérée en viticulture pour que le domaine de ses grands-parents ne soit pas abandonné. Ses premiers pas dans le syndicalisme arrivent avec les Jeunes Agriculteurs de Castries, qui le soutiennent et l’aident à gérer son installation. « Ce que j’ai reçu, je veux le rendre » relate Jérôme Despey, qui prend d’abord la présidence des Jeunes Agriculteurs de l’Hérault, avant de devenir président national de l’organisation de 2002 à 2004.

Une fonction qu’il quitte pour s’impliquer dans le local, ayant fait la promesse à sa famille d’être plus présent. S’il prend la présidence de la cave coopérative de Saint-Geniès-des-Mourgues (qui fusionne avec la cave de Montpellier), il est détourné de sa bonne résolution locale par Jean-Michel Lemétayer, le président de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricole (FNSEA), qui lui demande d’être candidat au conseil d’administration du premier syndicat agricole en 2005. L’enjeu étant de créer du lien avec la filière viticole, dont les relations ne sont pas particulièrement fluides avec la FNSEA. « On ne peut pas dire qu’il y avait un amour fou entre la FNSEA et les organisations viticoles à l’époque » pointe Jérôme Despey.

Déjà membre de l’Office National Interprofessionnel des Vins (Onivins), Jérôme Despey prend, au départ de Denis Verdier, la présidence de Viniflhor (fusion de l’Onivins et de son équivalent pour l’horticulture en 2006), avant de présider le conseil spécialisé vin du nouvellement créé établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer, créé en 2009). Avec un engagement répété par Jérôme Despey : « ne pas faire à la place de, mais avec. La FNSEA ne veut pas remplacer les syndicats viticoles et organisations de métier, mais être dans la complémentarité. » Prenant des fonctions croissantes dans la FNSEA (devenant secrétaire général adjoint sous la présidence de Xavier Beulin puis secrétaire général sous la présidence de Christiane Lambert), il quitte la tête de sa cave coopérative pour prendre la présidence de la Chambre d’Agriculture de l’Hérault en 2013 (suite au départ de Jacques Gravegeal).

Ce dernier mandat lui permet de garder un lien au territoire avec de nombreuses réunions et rencontres de terrain, tout en restant accessible aux sollicitations vigneronnes (tombant souvent les week-ends, ce qui ne ravit pas sa famille). Certains le surnomment ainsi le président de l’Hérault, mais pour lui, c’est surtout sur le terrain « que j’entends parler de HVE, de gestion des aléas, de durabilité, de prix… » glisse-t-il, notant que cela lui permet de « relayer les informations devant les ministères, en s’appuyant sur ce que vivent les agriculteurs et viticulteurs ». Soulignant remplir les missions qui lui sont confiées, Jérôme Despey reconnaît qu’il est peu sur son exploitation, ayant l’assistance d’un salarié de confiance pour le travail quotidien. Plus présent pour les vendanges et urgences, il note que s’il perdait ses mandats il retournerait sur son exploitation : « quand vous êtes élu, du jour au lendemain vous pouvez être amené à revenir à 100 % sur votre exploitation, la mienne le permet » indique-t-il.

Se préparant aux défis de 2023, le président du conseil spécialisé vin a pour cap de mieux structurer la filière afin de mieux encaisser les difficultés. Le sujet capital pour lui est de segmenter filière pour en réduire la volatilité, tout en soutenant l’innovation, l’adaptation et l’atténuation du changement climatique.

* : Lors du vote consultatif du 30 juin 2022 sur le référentiel HVE en Commission Nationale de la Certification Environnementale (CNCE), l’abstention de la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FNSEA) est expliquée par Jérôme Despey par le souhait de ne pas voter contre (aux côtés d’associations environnementales opposés à la HVE), sans voter pour un référentiel ne lui convenant pas (une abstention partagée par les Jeunes Agriculteurs et les Chambres d’Agriculture).


Alexandre Abellan