éro droit à l’erreur. « Les vignerons qui veulent vinifier des vins sans sulfites doivent établir un itinéraire extrêmement calé », assène d’emblée Patrice Merle, Å“nologue consultant pour Vigne et Vin Conseil, à la Chapelle-de-Guinchay, en Saône-et-Loire. Tout commence au chai, où l’hygiène doit être irréprochable. « Cuves, sol, carrelage, tuyaux, tout doit être nickel, insiste l’Å“nologue. De même, les caisses de ramassage doivent être nettoyées à l’issue de chaque récolte. »
« Si la vendange n’est pas de bonne qualité, il ne faut même pas y penser !, affirment de leur côté Estelle Dessup et Anne-Élyse Montador, Å“nologues-conseils chez Ensemble de la Vigne au Verre (EVV), à Fronsac, en Gironde. Les baies doivent être dans un parfait état sanitaire. » Les deux expertes suggèrent d’encadrer le process en pulvérisant des levures non-Saccharomyces sur le matériel de récolte et sur les raisins. « Ces levures limitent le développement des flores d’altération », justifient-elles.
Nicolas Lhotellier et Guenhaël Kessler, respectivement directeur et Å“nologue à l’IOC, à Courthézon, dans le Vaucluse, conseillent pour leur part de ne pas ramasser de raisins trop mûrs. « Les degrés élevés favorisent les Bretts », observent-ils. Mieux vaut aussi privilégier les cépages réducteurs, tel que la syrah dans la vallée du Rhône ou le cabernet-sauvignon en Gironde. Et s’attaquer aux rouges plutôt qu’aux blancs et aux rosés, plus sensibles à l’oxydation.
Durant les vendanges et lors des opérations préfermentaires, les températures ne doivent pas excéder 15 °C. Dès l’arrivée au chai, la vendange doit être protégée de l’oxydation. « Tous les transferts doivent être réalisés à l’abri de l’air », insistent Anne-Élyse Montador et Estelle Dessup.
Au moment des vinifications, les Å“nologues conseillent l’interventionnisme. « Il faut ensemencer les moûts à l’aide de levures sélectionnées ou avec un levain maison pour enclencher rapidement la fermentation alcoolique », soulignent ainsi Nicolas Lhotellier et Guenhaël Kessler. Le temps de latence entre fermentation alcoolique et fermentation malolactique doit être le plus court possible. « Dans les chais où les malo tardent, mieux vaut employer des bactéries sélectionnées », précise Patrice Merle.
Une fois la fermentation malolactique achevée, les vins doivent être surveillés de près. « Si les volatiles grimpent, il faut filtrer, centrifuger ou flash-pasteuriser », estime Nicolas Lhotellier. « La fin de la malo est la phase la plus critique vis-à -vis des goûts de souris, complète Erwan Guével, Å“nologue-conseil au laboratoire Natoli & associés, à Saint-Clément-de-Rivière, dans l’Hérault. Il faut soutirer dans les quatre à cinq jours afin d’éliminer les premières lies. Un nouveau soutirage quinze à vingt jours plus tard est souhaitable. Il peut être accompagné d’un collage visant à accélérer la clarification, avec comme objectif une mise en bouteilles dans la foulée. »
Les différents Å“nologues rencontrés sont unanimes sur ce point : les mises doivent intervenir l’année même de la récolte, idéalement précédées d’une filtration stérile. Et au préalable, ces vins doivent être surveillés de près. Les sans sulfites exigent toutes les attentions.
Tous les millésimes ne sont pas propices à l’élaboration des vins sans sulfites. « En 2020, les vendanges ont eu lieu en Gironde dans des conditions quasi-tropicales, se remémore Anne-Élyse Montador, Å“nologue-conseil chez EVV, à Fronsac, en Gironde. Les degrés et les pH des raisins ont monté en flèche. Les vinifications sans sulfites se sont avérées compliquées ; il y a eu des Brettanomyces. Étant donné le réchauffement climatique, produire des vins sans sulfites devient difficile. En 2022, on a vu davantage de déviations liées aux bactéries lactiques, des accidents qui auparavant concernaient le Sud-Est. »