ifficile de faire son choix parmi l’offre en levures acidifiantes présentes sur le marché. Pas moins de douze souches – dont trois nouvelles – sont disponibles cette année : dix Lachancea thermotolerans et deux Saccharomyces cerevisiae. Ces deux espèces présentent des métabolismes différents et n’acidifient pas dans les mêmes proportions. Pour choisir l’une ou l’autre, mieux vaut bien connaître leurs propriétés respectives.
Les Lachancea thermotolerans produisent de l’acide L-lactique à partir des sucres fermentescibles (glucose et fructose). « Cette capacité de bio-acidification varie d’une souche à l’autre, rappelle Anthony Silvano, chef de produits levures Lallemand. On apprend à domestiquer cette espèce, comme on l’a fait avec Saccharomyces par le passé. Certaines produisent quelques grammes d’acide lactique, tandis que d’autres peuvent en produire jusqu’à 20 g/l dans des conditions idéales. »
Comme son nom l’indique, L. thermotolerans supporte des températures relativement élevées, si bien que plus les moûts sont chauds, plus cette espèce produit d’acide lactique. Mais l’optimum de température dépend des souches. En revanche, cette levure n’apprécie pas le SO2. « Moins on sulfite, plus la levure s’implante, plus elle produit d’acide lactique », prévient Nicolas Dutour, œnologue-conseil aux Laboratoires Dubernet.
En parallèle de la production d’acide lactique, L. thermotolerans démarre une fermentation alcoolique. Certaines souches supportent seulement 6° d’alcool tandis que d’autres peuvent produire jusqu’à 10° avant que leur métabolisme ne s’arrête. Leur emploi nécessite donc l’inoculation d’une Saccharomyces cerevisiae pour achever les fermentations alcooliques. « Le moment d’inoculation du moût en Saccharomyces joue un rôle important sur la production d’acide lactique », explique Nicolas Dutour. En effet, cette production sera d’autant plus élevée que l’on retardera la seconde inoculation.
Enfin, d’autres paramètres sont cruciaux : taux d’inoculation, pH initial, nutriments… « Il faut absolument un accompagnement technique et éviter de suivre certaines préconisations commerciales !, s’agace Nicolas Dutour. Avec certaines levures, attendre 48 heures et ensemencer en Saccharomyces ne suffit pas. L’année dernière, il y a eu beaucoup de bêtises de faites, notamment à Bordeaux où des vignerons se sont retrouvés avec des cuves à 8 g/l d’acide lactique en plein milieu de la FA ! Certains vins rouges ont même perdu le bénéfice de l’appellation car la fermentation malolactique n’a pas pu avoir lieu. » En effet, passé le seuil de 3 g/l d’acide lactique, difficile voire impossible de réaliser la malo correctement…
Compte tenu de leurs propriétés, ces levures s’emploient soit sur l’ensemble des lots qui manquent d’acidité, soit pour produire quelques lots très acides à travailler en assemblage : quelle que soit la méthode retenue, mieux vaut être accompagné.
Il existe également parmi les Saccharomyces cerevisiae des souches qui acidifient les vins. Mais contrairement aux L. thermotolerans, elles produisent de l’acide malique et non de l’acide lactique. Ce faisant, elles se distinguent de la majorité des souches disponibles sur le marché, lesquelles consomment de l’acide malique – à hauteur de 20 % en moyenne. Ces levures sont bien plus simples d’emploi que les L. thermotolerans. « Les Saccharomyces cerevisiae acidifiantes ne nécessitent qu’un seul levurage contrairement aux Lachancea, rappelle Joana Coulon, responsable R et D microbiologie chez BioLaffort. Leur emploi ne nécessite pas d’accompagnement puisqu’elles fermentent comme n’importe quelle autre Saccharomyces. »
Avec ces souches, on peut espérer une production d’acide malique de l’ordre de 0,3 à 0,5 g/l, ainsi qu’une baisse de pH de 0,1 point. « La Zymaflore Klima fait également baisser le TAV de 0,3 à 0,5 % vol. », précise Joana Coulon.
« On dispose donc désormais de plusieurs outils de bio-acidification, détaille-t-elle. Ainsi, si l’on souhaite vraiment jouer sur l’acidité des vins, il est possible d’associer des Lachancea thermotolerans et des Saccharomyces cerevisiae malicantes, voire aller plus loin en y associant des Oenococcus oeni qui dégradent très peu l’acide citrique, préservant ainsi l’acidité totale. » Des outils qui, à la veille de la réforme de l’étiquetage, pourraient se démocratiser.