Accueil / Gens du vin / Attaquant la légitimité du négoce bordelais, le collectif des viticulteurs est-il bien exemplaire ?
Attaquant la légitimité du négoce bordelais, le collectif des viticulteurs est-il bien exemplaire ?
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Arroseur arrosé
Attaquant la légitimité du négoce bordelais, le collectif des viticulteurs est-il bien exemplaire ?

Entre porte-parole vendant son domaine et figure montante devant encore s’installer, le collectif des viticulteurs girondins a-t-il la représentativité pour donner des leçons à l’interprofession et au négoce ?
Par Alexandre Abellan Le 05 mai 2023
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Attaquant la légitimité du négoce bordelais, le collectif des viticulteurs est-il bien exemplaire ?
Bastien Mercier (à gauche) et Didier Cousiney (à droite) sur la place des Quinconces lors de la manifestation vigneronne de la fin 2022 à Bordeaux. - crédit photo : Alexandre Abellan (manifestation vigneronne du 6 décembre 2022 à Bordeaux)
Q

uand on monte à l’arbre, il faut avoir les fesses propres : c’est un proverbe bien connu en politique, dont on entend actuellement des échos dans le vignoble bordelais. Reformé l’an passé pour répondre à la crise économique des vins rouges de Gironde, le Collectif Viti 33 appelle, dans une récente lettre au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, à sortir du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) les négociants « réalisant moins des deux tiers de leur chiffre d’affaires consolidé en Bordeaux [pour qu’ils] ne prennent pas part aux décisions concernant ceux qui vivent et travaillent à Bordeaux ». Une attaque sur la représentativité du négoce qui en a fait rire jaune certains, relevant que cette leçon vient d’un collectif pas si représentatif faute de viticulteurs mis en avant. Car son porte-parole, Didier Cousiney (65 ans), vient de signer* la vente de son domaine au groupe de Jean Merlaut (négoce Ginestet, crus classés Gruaud-Larose, Haut Bages Libéral, Ferrière…), et que sa figure montante, Bastien Mercier (35 ans), travaille comme ouvrier agricole dans le domaine appartenant à son père, Daniel Mercier (64 ans).

À ces échos, Didier Cousiney répond par un autre proverbe imagé : « il n’y a pas besoin d’être curé pour dire la messe » s’amuse le maire du Pian-sur-Garonne (sans étiquette). « Je ne suis plus viticulteur, je suis liquidateur de stock et je suis toujours dans le circuit » ajoute-t-il, confirmant pour lui qu’il y a des négociants qui n’ont plus leur place à l’interprofession.

Je ne veux pas seulement brailler

« Le collectif défend aussi les retraités » ajoute Bastien Mercier, maire de Camiran (Les Républicains), qui indique s’être rapproché de la Chambre d’Agriculture pour devenir Jeune Agriculteur depuis 2019 avec la future reprise du château Boutet Mercier : « la crise covid a ralenti le projet, je serai chef d’exploitation en 2024, comme quatrième génération vigneronne. Je sais de quoi je parle avec 60 heures de travail par semaine, avec le tracteur, la comptabilité... » Et les difficultés économiques, le château Boutet Mercier étant un redressement judiciaire. Pour rebondir, Bastien Mercier monte un guinguette cet été pour trouver de nouvelles façons de commercialiser ses vins : « je ne veux pas seulement brailler, je veux aussi montrer que d’autres choses sont possibles ». Bref, face à ces échos sur sa légitimité : « ce n’est pas un argument, et je fais de la politique depuis assez longtemps pour le savoir » réplique Bastien Mercier, effectivement candidats malheureux à de récentes élections (départementales et régionales en 2021, puis législatives en 2022).

7 600 ha à arracher en 2030 ?

Pour sa part, Didier Cousiney « rassure tout le monde je ne suis pas intéressé par un poste ! » mais martèle sa demande de prise de conscience de l’ampleur de la crise bordelaise auprès des instances professionnelles. Alors que le collectif militait pour une aide à l’arrachage immédiat de 15 000 ha en Gironde, le dispositif d’arrachage sanitaire récemment négocié par l’interprofession avec le gouvernement vise le retrait de 9 500 ha sur les hivers 2023-2024 et 2024-2025. Mais les tendances commerciales ne sont pas rassurantes en l'état, et des besoin de nouvelles réductions du potentiel de production de vins rouges sont déjà calculés. D’après une récente projection du service économique du CIVB consultée par Vitisphere, les mises en marchés de l’AOC Bordeaux rouge continueraient de se replier sur la décennie en France, sans trouver de développements majeurs à l’export. Ce qui représenterait une baisse supplémentaire de 426 000 hectolitres entre 2022 et 2030, avec les ventes de l’AOC tombant globalement à 1,22 million hl. Pouvant nécessiter un arrachage faute de marchés d’avenir, l’excédent peut être estimé de 7 600 ha (sur la base d’un rendement moyen de 50 hl/ha).

Depuis un an

L’objectif affirmé par le collectif est de « faire en sorte que gens qui quittent la profession partent dignement et que ceux qui restent puissent poursuivre correctement » indique Didier Cousiney, pour qui « la distillation c’est reculer pour mieux sauter : quand je le dis, tout le monde est d’accord. Alors pourquoi on n’y met pas un terme ? » Et le jeune retraité de conclure : « on n’est pas là pour prendre une place, mais pour dire ce qui ne va pas. Depuis un an on apporte quelque chose : qui a fait manifester 1 200 viticulteurs en décembre ? Qui rassemble 300 à 350 vignerons à chaque réunion ? La base est en train de se mobiliser autour de nous. » Une mobilisation qui peut s'accompagner d'un conseil proverbial : si vous avez du beurre sur la tête, surtout n’allez pas au soleil.

 

* : La signature portant sur une promesse unilatérale d’achat et non l’acte définitif, le groupe Jean Merlaut indique à Vitisphere ne pas commenter.

 

 

Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (5)
Albert Le 08 mai 2023 à 09:47:26
J'étais alors un gamin. Je me souviens que pour mon père, un repas festif ou familial ne pouvait pas être accompagné avec un autre vin qu'un "petit" Bordeaux. Dans sa bouche, ce terme n'était absolument pas dépréciatif, au contraire, car, je m'en souviens, il renvoyait au "plaisir" où à la promesse de goûter un bon vin sans qu'il soit nécessaire de regarder du côté des "grandes" bouteilles (pour mon père, le must accessible était un Haut-médoc). Les années ont passé. L'offre est devenue pléthorique. Je ne suis pas persuadé qu'il y ait eu la sagesse à vouloir tenir un cap en terme qualitatif (par exemple, une tentative de définition du profil du "bon petit Bordeaux"). Résultat : faire le choix d'acheter un "Bordeaux" a pour conséquence d'être confronté à une gamme de breuvages (de 3? à 15? la bouteille) dont on ne sait pas grand-chose hormis qu'il y a du cabernet-sauvignon et du merlot à la base. Et possiblement une touche de boisé (pourquoi maquiller le raisin sur un vin non destiné à vieillir ?). Ma route s'est écartée du vignoble girondin de masse.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Vigneron Le 07 mai 2023 à 16:06:12
Il y a une crise a Bordeaux. Le négoce qui représente une grosse partie des volumes n'est plus capable d'absorber les volumes produits. On ne peut pas dire que les négociants ont aides à faire connaître l'appellation générique Bordeaux complètement en déclin. Ils n'ont encourage que les grands châteaux! Qui n'avaient pas trop de problème d'argent. Si les petits vignerons sont en colère, ils ont raison! Il y a plus d'obligations quand on est vigneron que négociants! Tout les trafics qu'il y a eu n'ont pas redoré l'image de Bordeaux! Ni les petits vins de Bordeaux vendus en GD qui sont tout juste buvables, juste bon pour encourager l'alcoolisme.
Signaler ce contenu comme inapproprié
Dominique Le 06 mai 2023 à 12:28:06
Dans chaque famille de vignerons, tout le monde est au boulot. Mais vu l'état de la couverture sociale pour les "exploitants", on peut parfois préférer prendre un statut de salarié. Quand cette profession ne sera plus promise à la paupérisation, on pourra ensuite critiquer le choix de tel ou tel statut. Pour finir, il aurait été plus digne et courageux de critiquer directement et pas par un journaliste (qui ne fait que son travail ).
Signaler ce contenu comme inapproprié
Renaud Le 06 mai 2023 à 09:31:01
Force est de constater que lorsque le sage montre le ciel l?imbecile regarde le doigt. La fronde que représente le collectif n?est que le résultat d?une gestion inefficace. Mais la lame de fond qu?il représente sera d?autant plus puissante que malgré le naufrage annoncé la capitainerie continue à faire jouer l?orchestre?.. faudra t il qu?il y ait confluence des luttes entre les régions pour que table rase du passé se fasse? Faudra t il entendre encore des Mirabeau à la Bastille pour que ça bouge? Malheureuse inertie ou chaque jour la cheville ouvrière agonise quand nos élus font salon. De quelle côté est réellement la vrai violence?
Signaler ce contenu comme inapproprié
vignerongladiateur Le 05 mai 2023 à 23:42:52
Joli travail journalistique. Ces 2 personnes sont le reflet exact de la réalité de la viticulture du bas à Bordeaux. On survit comme on peut. Cette situation gravissime est le fruit d'une gestion de dirigeants historiques élus, mais qui ont perdu leur légitimité par leur incompétence. Couverts de honte, ils devraient démissionner. vigneron gladiateur = morituri te salutant
Signaler ce contenu comme inapproprié
vitijob.com, emploi vigne et vin
Var - CDD SCEA CHATEAU DE JASSON
Loir-et-Cher - Alternance/Apprentissage EI DOMAINE DES CHAMPS GONNEAU - BOUTIN-JEAN-MARIE
© Vitisphere 2023 - Tout droit réservé