a gronde en Gironde. Alors que la crise économique des vins rouges sans marchés reste pesante, la tension devient ouvertement politique pour une partie du vignoble bordelais s’exprimant au travers du collectif Viti 33 (composé d’un bureau de 20 viticulteurs). Dans une lettre de demande de rendez-vous adressée ce lundi 24 avril au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, ces porte-paroles du malaise viticole visent notamment la demande de renouvellement des accords interprofessionnels du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « L’assemblée générale du CIVB du 17 avril a abordé le sujet du renouvellement des accords interprofessionnels triennaux pour la période 2023-2026, pour les appellations de Bordeaux. L’interprofession va donc solliciter votre validation pour cette prolongation » indique le courrier (voir encadré), estimant que « la prolongation des accords interprofessionnels, en l’état, nous semble inacceptable et dépourvue de bon sens ». Cette AG ayant validé le financement sur fonds propres et par emprunt d’un tiers des 9 500 hectares de vignes bénéficiaires du futur arrachage sanitaire.
Remonté, le collectif réfute dans son courrier « toute légitimité et toute représentativité » à l’institution paritaire (50 % de représentants de la production et 50 % de négociants) en jugeant « déconnectées » les prises de position exprimées. Notamment lors de la réunion publique du 4 avril à Cadillac, durant laquelle le besoin d’arrachage allait de 30 à 40 000 ha selon les intervenants, quand les représentants de l’interprofession défendaient l’acquis de haute lutte de 9 500 ha. Autre point visé par le collectif, le montant des Cotisations Volontaires Obligatoire (CVO) : il « doit être proportionnel au prix du tonneau, tel qu’il est évalué lors de la fixation des baux ruraux » estiment ces vignerons, demandant ainsi une plus forte participation des AOC les plus valorisées aux frais de fonctionnement de l’interprofession.


Revendiquant un millier de membres*, le collectif estime également que « la place du négoce dans cette interprofession doit être impérativement révisée » alors que « des groupes internationalisés, où les Bordeaux sont quasiment marginaux » conservent des sièges décisionnaires dans les instances. « Nous demandons que des négoces réalisant moins des deux tiers de leur chiffre d’affaires consolidé en Bordeaux ne fasse pas parties de l’interprofession et ne prennent pas part aux décisions concernant ceux qui vivent et travaillent à Bordeaux » milite le collectif dans ce courrier offensif.
Le fossé entre les représentants professionnels siégeant au CIVB et une partie de la base vigneronne était aussi visible qu’audible lors de la réunion publique du 4 avril à Cadillac. Les élus de la filière défendant des avancées obtenues de haute lutte pendant d’interminables négociations avec le gouvernement (notamment l’arrachage sanitaire alors que la réglementation européenne ne prévoit plus d’arrachage primé), les viticulteurs au bout du rouleau demandant des aides rapides et efficaces (pour éviter une nouvelle campagne viticole éprouvant les trésoreries et allant peser sur les stocks de vins rouges).
« Nous saluons les premiers efforts actés, restant cependant insuffisant pour transformer, réorienter, maintenir des exploitations en état de fonctionnement rémunérateur » reconnaît le collectif, qui prévient : « une remise à plat du mode de représentation doit être faite dans les mois qui suivent, faute de quoi le consentement aux taxes ne sera plus chose acquise ». Plus explicite, Bastien Mercier, membre du collectif, indique à Vitisphere que l’objectif reste un arrachage plus massif pour rééquilibrer le vignoble bordelais alors que des vies se brisent. Faute de quoi, pour le maire de Camiran (Les Républicains), « ceux qui sont aux commandes doivent prendre leurs responsabilités et démissionner s’ils ne peuvent pas faire mieux. Aujourd’hui on ne peut plus dire que l’on parle en famille : le lien est coupé avec la base. » Demandant la tenue d’états généraux de la viticulture bordelaise, le collectif attend désormais des retours à sa lettre du ministère de l’Agriculture et des parlementaires girondins qui sont destinataires de la lettre.


Ayant reçu ce courrier, Pascal Lavergne, député de la douzième circonscription de la Gironde (Renaissance), note que sur le volet institutionnel porté par le collectif « toutes les questions sont légitimes. Je souhaite que des réponses dépassionnées soient apportées en écoutant les arguments des uns et des autres. » Concernant le calibrage des aides à l’arrachage, qui n’est pas présent dans le courrier, le parlementaire pointe qu’il n’est « pas surpris », ayant entendu que le plan était insuffisant « au moment même où le ministre annonçait l’enveloppe au salon de l’Agriculture ». L’ingénieur agronome estime qu’il faut d’abord consommer cette enveloppe de 57 millions € avant de se projeter sur des besoins complémentaires : « je serai présent à ce moment-là » répète-t-il.
* : Une estimation se basant sur l’affluence aux réunions publiques, ainsi qu’à la manifestation du 6 décembre 2022 (1 500 participants selon l’organisation, 700 pour la préfecture) et les signatures à sa pétition (935 à date).
Mr Le Ministre de l’agriculture Marc Fesneau
Le 24 avril 2023
Objet : demande de rendez-vous et revendications
Mr Le Ministre,
L’assemblée générale du CIVB du 17 avril a abordé le sujet du renouvellement des accords interprofessionnels triennaux pour la période 2023-2026, pour les appellations de Bordeaux.
L’interprofession va donc solliciter votre validation pour cette prolongation.
Nous responsable du collectif viti 33, tenons à porter à votre attention quelques-unes de nos remarques.
La prolongation des accords interprofessionnels, en l’état, nous semble inacceptable et dépourvue de bon sens.
Lors de la réunion publique du 4 avril dernier organisée par le collectif à Cadillac, les viticulteurs girondins ont eu l’occasion de pouvoir s’exprimer et les représentants de la filière, leur répondre. Nous saluons les premiers efforts actés, restant cependant insuffisant pour transformer, réorienter, maintenir des exploitations en état de fonctionnement rémunérateur.
La crise s’étend encore et toujours en fragilisant de plus en plus les structures ainsi que les dépendants de la filière. Des actes suicidaires et des dépressions commencent à se faire connaître.
Nous lançons des alertes depuis bientôt un an et les dispositifs tardent à se mettre en place.
Les retours des viticulteurs qui nous contactent nombreux chaque jour, nous obligent en toutes responsabilités à vous remonter les revendications et remarques suivantes.
Le CIVB par les prises de positions totalement déconnectées de ce que nous vivons sur le terrain, a de ce fait perdu toute crédibilité, toute légitimité et toute représentativité. Cette institution, en l’état, est en fin de cycle.
Les états généraux de la viticulture réclamés depuis plusieurs mois par notre collectif, nous paraissent indispensable pour pouvoir envisager un avenir serein.
L’adhésion des appellations à l’interprofession doit pouvoir se faire directement et non via la fédération des grands vins de Bordeaux. C’est le cas dans beaucoup d’interprofessions viticoles.
Le montant de la CVO (cotisation volontaire obligatoire) doit être proportionnelle au prix du tonneau, tel qu’il est évalué lors de la fixation des baux ruraux. Actuellement il est de 4.72 €/HL pour un bordeaux bradé et 10.42 €/ HL pour un Pauillac.
Cette disproportion flagrante entre contribution et capacité contributive ne peut durer plus longtemps au travers des difficultés à vendre le vin à un prix rémunérateur.
La place du Négoce dans cette interprofession doit être impérativement révisée.
A la création du CIVB, les négociants étaient ataviquement liés aux appellations de Bordeaux, elles devaient commercialiser des quantités minimales de Bordeaux.
Aujourd’hui, nous avons des groupes internationalisés, où les Bordeaux sont quasiment marginaux.
Nous demandons que des négoces réalisant moins des deux tiers de leur chiffre d’affaires consolidé en Bordeaux ne fasse pas parties de l’interprofession et ne prennent pas part aux décisions concernant ceux qui vivent et travaillent à Bordeaux.
Une remise à plat du mode de représentation doit être faite dans les mois qui suivent, faute de quoi le consentement aux taxes ne sera plus choses acquises.
Nous restons dans l’attente de réponses à la hauteur de la gravité de la situation et d’une entrevue avec vous, Monsieur le Ministre de l’Agriculture.
Je vous prie, Monsieur le Ministre, d’agréer l’expression de mes remerciements anticipés.
Le porte-parole du Collectif Viti 33
Didier Cousiney