es domaines de Christophe Braun à Orschwihr dans le Haut-Rhin et de Philipp Rieger à Buggingen, dans le pays de Bade se situent au piémont des Vosges pour le premier, au pied de la Forêt noire pour le second. Une trentaine de kilomètres séparent leurs deux vignobles conduits en biodynamie.
Christophe Braun a un encépagement basé sur les sept cépages autorisés par le cahier des charges Alsace, plus le chardonnay utilisé pour élaborer du crémant. Pinot noir, gewurztraminer, riesling et pinot gris couvrent 12,5 de ses 17 ha, plantés historiquement à 5 000 pieds entre 1,10 et 1,80 m. Depuis 2005, il a opté pour 6 000 pieds et 1,60 m.
Philipp Rieger est fidèle à une densité de 5 000 pieds plantés à 2 m pour ses 25 ha où il a planté pas moins de dix-huit cépages ! « La liste autorisée en comporte quelque 200 ! » relativise-t-il. Chez lui, chasselas, pinots gris, blancs et noir, chardonnay dominent. « Depuis 2003, il n’est pas rare que les vendanges démarrent fin août. Cette année-là, j’ai rajouté merlot et cabernet-sauvignon. Ce dernier est mûr début ou fin octobre selon le millésime. Ces cépages fonctionnent très bien » indique Philipp. En 2018, il s’est lancé avec du sauvignon blanc, du viognier et du cabernet blanc. Il a opté pour des cépages résistants dès 2001 en plantant du solaris. Il a récidivé en 2019 et 2021 avec du souvignier gris, et, en 2023, avec du satin noir. Dans les dix à quinze ans, il prévoit encore de recourir à de tels cépages sur six autres de ses hectares les plus sensibles au mildiou.
Le riesling se contente de 50 ares chez Philipp Rieger. Il ne joue plus qu’un rôle secondaire, car « il n’est pas typique de notre vignoble ». Christophe Braun au contraire, veut l’étendre au-delà des 2,9 ha qu’il occupe actuellement, tout en baissant la part du gewurztraminer. « Le riesling est caractéristique de l’Alsace. Je le travaille pour qu’il restitue le terroir » argumente-t-il. « En 2022, il ne s’en est pas trop mal sorti. En rognant moins, en le vendangeant dans des expositions froides, on en préserve l’acidité. Je crois aussi au pinot noir. Mais je ne sais pas si les variétés résistantes sont une solution. Je ne suis pas certain qu’elles s’adaptent si bien que ça à la sécheresse ».
S’il a complanté une parcelle de 10 ares en riesling, pinot gris et gewurztraminer en 2005, c’est avant tout pour tester l’évolution des maturités dans une telle situation. « Le monocépage est fortement lié à l’identité de l’Alsace et il faut le conserver » soutient Christophe.
Les domaines Braun et Rieger ont en moyenne une bonne trentaine de vins sur leur carte proposés à partir de 8,20 € pour le premier et 16 € pour le second. Dans les deux cas, l’écrasante majorité annonce moins de 5 g/l de sucre. « Parfois, je me dis que dix vins ce serait plus simple. Mais il y a la joie d’expérimenter et ici chaque opérateur a sa spécialité de niche. Cela attire le client et répond à des marchés. Entre la grande surface et la restauration, chaque circuit veut un vin que l’autre n’a pas » explique Philipp Rieger, qui écoule 60 % de ses volumes via des grossistes, 20 % en restauration et 20 % auprès des particuliers.
« Mon chiffre d’affaires progresse un peu chaque année. Le haut de gamme se vend de mieux en mieux. Le 27 février j’ai organisé sur le domaine un salon auquel ont participé douze domaines alsaciens et badois. Nous avons été débordés par le public et l’intérêt manifesté par nos gammes. Cela m’encourage dans mes choix ».
Christophe Braun est tout aussi confiant, même si son activité traditionnellement forte de décembre a accusé un léger coup de mou. « 2021 n’a donné que 40 % d’une récolte normale. Je dois passer le sylvaner, le muscat, les pinots blanc et gris sur le millésime 2022. Mes ventes s’articulent essentiellement entre 60 % de particuliers et 35 % d’export. Mon ambition est de davantage développer le marché des professionnels ».
Philipp Rieger échangerait-il son domaine avec son équivalent en Alsace ? « Il y a du pour et du contre ! » sourie-t-il avant de remarquer : « au pays de Bade, l’hectare se négocie entre 50 000 et 100 000 €. En Alsace ; c’est plutôt 500 000 €… ». L’avenir du vignoble badois est un sujet de préoccupation. « Les frais de production s’élèvent à quelque 9 000 €/ha. Beaucoup de surfaces sont livrées par des doubles-actifs à des coopératives qui leur règlent entre 3 800 et 10 000 €/ha pour des vins que le consommateur peut trouver à 1,99 € la bouteille chez les discounters. Le danger que de nombreux hectares ne soient bientôt plus exploités est réel. C’est un désastre ! ».