atente depuis des années, la guerre de chapelle entre les vins certifiés bio et Haute Valeur Environnementale connaît un regain ce début 2023, avec l’attaque en justice du label HVE par des associations de l’Agriculture Biologique et de consommateurs pour tromperie. Et les répliques des conventionnels en agroécologie sur le bilan carbone ou l’usage de cuivre des bio. Se tenant à Montpellier, le salon Millésime Bio n’échappe pas au débat. Si l’on trouve dans les allées des opérateurs bio vent debout contre la HVE, il y en a aussi qui affichent la double certification et ne se retrouvent pas dans cet affrontement fratricide : parlant d’améliorations croisées plus que de compétition frontale. « Il n’y a aucun label qui soit parfait aujourd’hui » pose Marion Mathelin, la responsable commerciale du château Haut-Blanville (60 hectares en Languedoc Grès-de-Montpellier, à Saint-Pargoire dans l’Hérault), soulignant que la démarche « HVE apporte un point de vue plus global, pouvant être approfondi, mais avec un regard sur les parcelles prises comme un écosystème qu’on ne retrouve pas dans le cahier des charges bio. Les deux labels ont à prendre chez l’autre pour aller plus loin. Les labels ne sont pas finis : les cahiers des charges sont des étapes. »
Plus exigeant techniquement, « le cahier des charges bio est perfectible, on n’y parle pas d’enherbement par exemple » ajoute le vigneron Charles Bénard, des champagnes Laurent Bénard (3,5 ha en bio à Marueil-sur-Aÿ, Marne). Ayant choisi la certification pour anticiper de possibles obligations réglementaires (et suivre la tendance donnée par les instances de Champagne, avec la démarche Viticulture Durable en Champagne), le jeune vigneron confirme que « ce qu’il y a de bien dans HVE, et qui manquerait dans la bio, c’est la notion de ressource en biodiversité, qui permet d’identifier ce qui manque dans certaines parcelles. La HVE demande au moins ça. Il y a aussi la notion d’azote dans la fertilisation pour contrôler les amendements. » Mais globalement, la marche n’est pas haute pour additionner la HVE quand on est bio : la protection et le développement de la biodiversité étant souvent déjà inclus dans la vie des domaines.


Concrètement, « quand on est en bio, être HVE n’est pas problématique du tout. Il y a quelques facteurs en plus, mais la durée de contrôle et le niveau d’exigence n’est pas le même : le bio est plus pointu » souligne Laurent Blouin, du domaine de Hardières (25 ha en Anjou à Saint-Lambert-du-Lattay, Maine-et-Loire). « Je côtoie nombre de vignerons qui sont HVE et s’en font une montagne : on peut être HVE sans avoir 19/20, la moyenne suffit… » ajoute le vigneron du val de Loire. « Quand on est bio, il est facile d’aller vers HVE. C’est plus léger au niveau des pratiques, mais c’est plus complémentaire » affirme Marion Acquaviva, du domaine A Rocca (20 ha à Calenzana, en Haute-Corse). Ayant eu des demandes de certification HVE lors du précédent salon Millésime Bio, la vigneronne insulaire juge que « Bio et HVE sont assez complémentaires. Le cahier des charges bio c’est la vigne, HVE c’est une vision d’ensemble. »
Passer à la HVE quand on est bio, « ça fait regarder les pratiques un peu différemment, ce qui est intéressant. Le mieux pour voir un label, c’est d’y adhérer » pointe le vigneron Guillaume Guérin, du château Moulin de Rioucreux (en AOC Blaye Côtes de Bordeaux et Côte de Bourg à Saint-Christoly-de-Blaye, Gironde), notant qu’il s’est certifié pour répondre à la demande commerciale d’un négoce : « c’est juste une clé d’entrée en cas de besoin ». Notamment demandée pour accéder au marché des Grandes et Moyennes Surfaces (GMS), la certification HVE n’est plus si courue que ça note Virginie Labuzan, la directrice commerciale de Bordeaux Vineam (275 hectares de vigne à Bordeaux et en Bergerac), pour qui « on en revient de HVE. Il y a de moins en moins de gens qui recherchent le label. Cela pèse moins que le bio. Être certifié Demeter, Vin Méthode Nature et Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) est plus porteur. » Le label HVE n’est ainsi pas affiché sur l’étiquette de ses vins, comme c’est le cas pour la majorité des exposants visités, indiquant miser sur le logo bio, plus connu, et éviter de se disperser, alors que la demande de clarté est forte auprès des consommateurs et des metteurs en marché.
Parmi les rares propriétés affichant les deux logos sur leur contre-étiquette (voir ci-dessous), on trouve le domaine du Cinquau (14 ha de vignes en Jurançon, à Artiguelouve dans les Pyrénées-Atlantiques). Mais « comme le label HVE est moins contraignant, il a moins de signification commerciale » que celui bio note Marine Delmon, la responsable commerciale de la propriété familiale, expliquant que « HVE étant plus facile à obtenir, il y a moins de reconnaissance auprès des consommateurs. Ce qui demande plus d’explications et parle moins aux gens, que le bio. Les consommateurs ne savent pas forcément ce que veut dire le bio, mais il développe un imaginaire respectueux de la nature. Être bio simplifie le discours. »


Alors que le cahier des charges HVE vient d’être mis à jour (avec la fin de la voie B "comptable", l’arrêt des phytos CMR1… mais aussi des enjeux sur la fertilisation), « il était temps que ça change. Le cahier des charges était léger. Ce renforcement est une avancée » note le vigneron alsacien André Vielweber (6 hectares à Hunawihr, Haut-Rhin), qui s’est mis à la HVE pour répondre à la demande d’acheteurs de la cave coopérative à qui il confie une partie de ses raisins. « Sinon, je ne sais pas si je l’aurai fait. C’est un double paiement de certification… » souligne André Vielweber, qui note qu’avec les termes "Haute Valeur Environnementale", « HVE fait miroiter niveau d’engagement qui ne se retrouve pas dans les faits. On fait croire à plus qu’il n’y en a… » regrette-t-il, concluant cependant que « plusieurs labels peuvent exister ». En témoignent les allées du salon Millésime Bio où se côtoient vins vegans, Terra Vitis, nature, Bee Friendly, Vignerons Engagés… A priori sans heurts.