’est une relation de cause à effet évidente pour Frédéric Charrier, ingénieur et Å“nologue pour l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) : « à partir de 2005 et la mention obligatoire des sulfites, les étiquettes sans SO2 apparaissent. Avec la mention des allergènes, il y a la chute de la caséine… Les itinéraires techniques vont évoluer » avec l’obligation d’indiquer les ingrédients des vins après le 8 décembre 2023. Une obligation réglementaire de plus en plus proche, suscitant un vif intérêt dans la filière, comme en témoigne une conférence du salon Vinitech, ce 30 novembre à Bordeaux.
Il faut dire que la dernière modification des règles de l’étiquetage remonte à novembre 2005 (pour les allergènes : sulfites, lait, Å“ufs…) rappelle Pierre Genest, le délégué général adjoint de l’Union des Maisons de Vin (UMVIN), pointant un changement d’approche difficile à appréhender pour les négociants. Qui doivent « passer d’une traçabilité ciblée et par catégorie à une traçabilité systématique, spécifique et exhaustive », ce qui les pousse à « rationnaliser les pratiques Å“nologiques : adapter, voire limiter l’usage d’additifs, réorienter vers des pratiques physiques » esquisse Pierre Genest.
Techniquement, il est possible de supprimer les additifs dans le vin pour s’affranchir des obligations en matière d’étiquetage indique Frédéric Charrier, qui pointe la nécessité de concevoir un itinéraire d’élaboration adapté (selon le type et le site de production, ainsi que le coût et l’empreinte environnementale). L’Å“nologue liste ainsi des alternatives biologiques, comme des levures pour acidifier (Lachancea thermotolerans) ou assurer une bioprotection (non-Saccharomyces), les traitements physiques, par exemple pour acidification (par électrodialyse à membrane bipolaire et résine échangeuses d’ions) ou stabilisation tartrique (par électrodialyse ou traitement par le froid) ou stabilisation microbiologique (microfiltration tangentielle, flash-pasteurisation, filtration frontale, UV-C…).
À chaque fois, ces techniques alternatives présentent intérêt et efficacité, mais avec des limites venant d’effets collatéraux (pilotage imprécis pour les levures d’acidification, consommation d’énergie et/ou d’eau pour les traitements physiques…). Car « les additifs Å“nologiques allient l’efficacité technologique, la simplicité d’utilisation, le faible impact environnemental à l’emploi, un coût modeste… » souligne Frédéric Charrier, pour qui « le contexte réglementaire et les attentes des consommateurs constituent une opportunité pour s’interroger sur les itinéraires de production des vins ». Mettant à part les sulfites, l’Å“nologue estime que « des alternatives aux additifs existent : les processus d’élaboration des vins vont évoluer », avec l’évocation de combinaisons innovantes de procédés technologiques, d’itinéraires retournant à l’essentiel…
Une seule certitude actuellement : via un QR Code, les bouteilles de vin produites après le 8 décembre 2023 devront lister en ligne leurs ingrédients. Soit les additifs « utilisés dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présent dans le produit fini, éventuellement sous une forme modifiée. Les résidus ne sont pas considérés comme des ingrédients » définit Ignacio Sánchez Recarte le secrétaire général du Comité Européen des Entreprises Vins (CEEV). Si des éléments sont encore à préciser (voir encadré), le périmètre des ingrédients Å“nologiques est déjà bien délimité. Parmi les 99 substances décrites dans le code international des pratiques Å“nologiques, 23 sont autorisés en tant qu’additif* pour l’élaboration des vins indique Stéphane La Guerche, le directeur général de l’association des fournisseurs de produits Å“nologiques Oenoppia.
Alors que la gestion des ingrédients préoccupe la filière, « je ne veux pas inquiéter, mais après l’étiquette nutritionnelle, on aura demain l’affichage environnemental » prévient Frédéric Charrier.
* : Il s’agit pour les conservateurs de l’acide L-ascorbique, du dioxyde de soufre, du bisulfite de potassium, du métabisulfite de potassium, du sorbate de potassium, de lysozyme, de diméthyldicarbonate (DMDC). Pour les régulateurs d’acidité on trouve l’acide citrique, l’acide malique (D,L- et L-), l’acide lactique, l’acide tartrique (L(+)-) et le sulfate de calcium (pour les vins de liqueur). Pour les stabilisants sont utilisables la gomme arabique, l’acide métatartique, les mannoprotéines de levure, la carboxyméthylcellulose, le polyaspartate de potassium et l’acide fumarique. Pour les gaz d’emballage sont notés l’argon, l’azote et le dioxyde de carbone. Deux autres additifs sont listés : la résine de pin d’Alep (vin grec retsina uniquement) et caramel (vins spéciaux uniquement).
Ignacio Sánchez Recarte indique un projet avancé de règles spécifiques poussées par la filière vin pour ses listes d’ingrédients : indiquer le raisin comme la référence à la matière première (même quand le fabricant a utilisé des moûts), indiquer Moût Concentré à la place de MCR (Moût Concentré Rectifié), préciser les substances allergéniques (pour les sulfites, les Å“ufs, le lait…), indiquer « peut contenir » pour les correcteurs d’acidité et stabilisants (avec la liste), substituer la mention « mise en bouteille sous atmosphère protectrice » au lieu des noms de gaz (argon, azote, gaz carbonique…), ne pas indiquer les constituants des liqueurs de tirage et d’expédition (pour préserver « le secret de fabrication »).