ésolé d’avance pour nos lecteurs estimant que la filière vin chouine sans fin. Il leur est conseillé de passer cet édito, qui ne dira rien à ces opérateurs visiblement épargnés par les tensions de trésorerie, l’inflation des coûts de production, les aléas climatiques à répétition, la déconsommation en grande distribution, la crainte de récession à l’export, les difficultés de recrutement… Pour eux, tout va très bien madame la marquise. Pour les autres, c’est une autre paire de manches alors que les vendanges/vinifications s’achèvent.
En passe d’être crevé dans les vignobles concernés, l’abcès des besoins conjoncturels de distillation de crise et structurels d’arrachage primé n’est pas en mesure d’apporter des solutions immédiates aux impasses économiques qui plombent trop d’acteurs de la filière vin (caves coopératives, vignerons, négociants, courtiers, fournisseurs…). Que cela soit bien clair : rien n’est acquis à date pour la distillation des surplus de stocks (notamment liés à la baisse du pouvoir d’achat depuis la guerre en Ukraine), rien n’est acquis pour l’arrachage primé des vignes excédentaires (dont l'origine est surtout la déconsommation des vins rouges d’appellation). Dans les deux cas, les discussions s’annoncent ardues en termes technico-juridiques, et âpres en matière de financements (européens, nationaux, régionaux…).
Au-delà des outils devant rééquilibrer l’offre et la demande à court-terme, tout le défi pour la filière vin est de se projeter vers l’avenir. En la matière, le constat du dernier recensement agricole alarme : la moitié des exploitants viticoles ont plus de 55 ans en 2020, dont un grand nombre n’ayant aucun projet précis de (suc)cession. Un nécessaire renouvellement de génération des propriétaires, mais aussi des salariés : dans les deux cas, le bât blesse sur l’attractivité. Pour y répondre, le diagnostic du ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, est pertinent : augmenter la rémunération du travail agricole pour soutenir la valorisation des métiers, la transmission des métiers et la transition des pratiques. Reste à transformer les bons mots en belles actions pour débloquer les situations difficiles, où les seules solutions sont l’abandon, la concentration ou l’industrialisation. Tout l’inverse de l’image d’Épinal d’un vignoble français artisanal et familial. Le changement de main devra aussi passer par un changement de vin pour s’adapter aux marchés futurs. De la désalcoolisation aux crus, en passant par la diversification de l’encépagement.
Et si l’on parlait finalement d’arrachage et de distillation de crise démographique ?