Dans l’urgence, il faut travailler avec les cadres juridiques et techniques qui existent » pose Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, soulignant les besoins d’intervention pour rééquilibrer offre et demande dans de nombreux bassins viticoles (Bordeaux, Côtes-du-Rhône, Languedoc…). « Le vignoble attend des réactions rapides par rapport aux situations connues dans différents bassins viticoles » résume Jérôme Despey, qui plaide pour « un plan d’accompagnement adapté aux préoccupations de chaque bassin. Il faut tout porter en même temps : arrachage, distillation, stockage. »
Appelant à « raison garder », le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault) prévient qu’il n’y faut pas se laisser aller « à l’affolement » : « la récolte nationale est dans la moyenne après une petite vendange 2021. Les stocks sont en baisse, l’export était soutenu en 2021… » Et si des bassins viticoles font grise mine, d’autres portent beau : Bourgogne, Champagne, Cognac, Provence… « Il y a des régions qui vont très bien et doivent aussi être aidées face à la hausse du prix des matières premières, pour leurs trésoreries (avec les Prêts Garantis d’Etat)… Je ne veux pas généraliser sur le plan national » souligne Jérôme Despey.
Pour les bassins en difficulté, l’urgence d’une intervention est partagée malgré les distinctions entre crise conjoncturelle (liée à la guerre en Ukraine, entre baisse du pouvoir d’achat et hausses des coûts de production) et décrochages structurelles (avec la déconsommation accentuée des vins rouges*). Face aux déséquilibres locaux, « il y a urgence. Il faut un traitement le plus rapide possible avec les outils juridiques et techniques qui existent » martèle Jérôme Despey. Concernant la distillation de crise, l’outil est inclus dans le cadre de l’Organisation Commune de Marché vitivinicole (OCM vin). Les représentants des vignobles de France, d’Espagne et d’Italie demandent à la Commission Européenne de financer des aides exceptionnelles, comme lors de la crise covid. Mais les retours de Bruxelles restent pour l’instant de l’ordre de la fin de non-recevoir. Jérôme Despey souligne cependant qu’il existe une alternative pour la distillation : un état membre peut dédier des crédits nationaux au financement de la distillation de crise (avec une valeur plafonnée à 15 % du total de l’OCM vin pour cette aide d’état).
Concernant l’arrachage primé, le dispositif n’est plus intégré à l’OCM vin. Mais le président du conseil spécialisé note qu’il existe encore un moyen d’y recourir dans le cadre communautaire : au titre du Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER). Ce dernier permettrait de mobiliser des fonds européens utilisés par les régions, pouvant être cofinancés par l’Etat, afin de financer un arrachage « permettant de supprimer des vignes. Ces terres n’ayant plus de vocation agricole, mais pouvant être orientées vers de la forêt, des mesures environnementales… » explique Jérôme Despey. « On un cadre réglementaire : il faut le travailler » ajoute-t-il, notant qu’il restera ensuite une négociation budgétaire serrée à mener.


Pour voir aboutir ses demandes, la filière vin demande un nouveau rendez-vous au ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, pour répondre d’un même élan aux différentes difficultés conjoncturelles et structurelles du vignoble. Pour se projeter au-delà de ces défis de court-terme, la filière prévoit notamment une journée de prospective début janvier 2023 sur la "viticulture en 2040" avec FranceAgriMer et l’Institut National de la Recherche pour l’Agriculture et l’Environnement (INRAE). « De nombreuses questions préoccupent le secteur viticole, qui veut être force de proposition » conclut Jérôme Despey.
* : Le conseil spécialisé a enregistré des baisses de 10 % des ventes de vins tranquilles en grande distribution. Avec -15 % pour les vins rouges, -4 % pour les rosés et blancs.