atience, le mot n’est pas usurpé pour cette nouvelle catégorie de vins blancs issus de l’appellation Picpoul de Pinet qui a su se faire attendre avant de se lancer dans le grand bain de la commercialisation. Ni véritable marque déposée, ni hiérarchisation de cru officiellement régie par un cahier des charges, Patience est plus le fruit d’une démarche collective entamée en 2018 par les vignerons de l’appellation pour distinguer un style de vins de garde au sein de leur production, « mais sans jamais passer le bois ! », clament en chœur les vignerons proposant un vin de ce calibre.
Annoncée depuis le début d’année, cette gamme Patience vient enfin de voir son lancement officialisé pour proposer au secteur CHR (café-hôtel-restaurant) « une offre de vins blancs premium marquée par plus de complexité, de gras et un élevage plus long », défend Laurent Thieule, président de l’AOP Picpoul de Pinet. « Avec ce profil de vins, nous allons sur des marchés différents de nos Picpoul classiques, en proposant une alternative aux grandes appellations de blancs, avec un rapport qualité-prix remarquable », abonde Stéphane Roques, directeur de la cave Florès à Florensac, qui fait partie des 9 producteurs (4 coopératives, 5 particuliers), sur les 28 de l’appellation, proposant une cuvée Patience à l’occasion de ce lancement. Alors que le prix moyen d’une bouteille de Picpoul de Pinet oscille entre 5 et 7€, les producteurs intégrés dans cette démarche Patience ont convenu d’une tranche indicative entre 12 et 20€ (prix caveau). Une bouteille syndicale spécifique fabriquée par Verallia sera utilisée pour cette gamme Patience.
Produisant en moyenne 85000hl par an (environ 12 millions de bouteilles), l’appellation Picpoul de Pinet représente 80% de l’exportation des vins blancs du Languedoc. Un tiers des volumes de Picpoul exportés sont destinés au marché britannique, où l’appellation a affiché « une progression de 16%/an depuis 5 ans », souligne Laurent Thieule, « mais Patience s’inscrit évidemment dans une stratégie de moindre dépendance vis-à-vis de ce marché ». Cyril Payon, directeur de la cave l’Ormarine, poids lourd produisant 40000 hl de Picpoul AOP, se réjouit de la force de vente de cette appellation sur le marché britannique, « car nous sommes tous très attentifs à notre positionnement prix qui doit rester en rapport avec la qualité proposée, mais nous devons être prêts à nous adapter si ce marché vient à évoluer différemment ». Très populaire à l'export, l'appellation Picpoul de Pinet entend d'ailleurs se recentrer vers son bassin local de Sète et Montpellier pour ancrer encore son identité et son terroir. "La restauration locale doit être un débouché naturel de nos Picpoul classiques et de Patience", défend Laurent Thieule.
Pour l’heure, seuls 550hl par millésime depuis 2018 ont suivi le processus d’éligibilité à cette gamme (élevage d’au moins 6 mois sans bois, traçabilité, 3 dégustations obligatoires de validation par jury de sélection) pour des vins qui développent un volume et une complexité qui n’empêchent pas de conserver la trame acide et le caractère salin du cépage piquepoul. « C’est un cépage de 3ème époque qui vient encore de montrer tout son intérêt cette année en conservant son acidité. Ajoutée à son amertume naturelle, ce cépage présente toutes les caractéristiques essentielles pour un vin de garde blanc », défend Claude Jourdan, vigneronne du domaine Félines-Jourdan. L’élevage sur lies semble faire l’unanimité chez tous les producteurs qui se sont lancés dans l’aventure Patience, convenant bien au maintien des marqueurs forts du Picpoul pour ces cuvées plus élaborées. « Entre la trame acide et l’élevage en conditions réductrices, les vins ne penchent jamais vers des notes oxydatives ou d’évolution. Au contraire, le caractère salin garde toute son identité, couplé à une opulence et un une complexité aromatique remarquables », apprécie Benjamin Baudry, directeur d’exploitation du domaine de Bellemare.