e n'est pas pour rien que Boisset Effervescence a participé deux ans de suite à la mise au point du dispositif autonome de pressurage Ampelos de Della Toffola. « En 2018, nous avons planté 60 ha de vignes destinées à produire des vins de base pour effervescents en vin de France, dans le cadre du projet de vignes à haut rendement porté par l'Anivin de France. Le projet global porte sur 240 ha. Il nous fallait donc un nouveau vendangeoir, distinct de celui des crémants de Bourgogne, récoltés manuellement », déroule Christophe Barbe, directeur technique de cette entreprise basée à Nuits-Saint-Georges, filiale du groupe Boisset. Plutôt que des pressoirs pneumatiques classiques, Boisset Effervescence souhaitait « un système qualitatif de pressurage en continu, d'où cette démarche aux côtés de Della Toffola, en 2020 et 2021, pour mettre au point et installer Ampelos », ajoute-t-il.
Christophe Barbe
Ampelos est constitué de trois pressoirs d'une capacité de 100 hl, gérés par un logiciel, « afin qu'il y ait toujours un pressoir disponible pour le chargement des raisins, le deuxième en phase de pressurage et le troisième en vidange nettoyage », détaille Christophe Barbe. Plus généralement, de la réception de la vendange à l'évacuation des marcs, tout est dimensionné et piloté pour fonctionner en continu.
« Nous récoltons dans des polybennes de 10 tonnes, détaille Christophe Barbe. Chaque polybenne peut être vidée en une seule fois dans le conquet de réception. Ensuite, les raisins sont transférés dans le pressoir par une pompe qui charge les pressoirs en axial. Il ne faut que 20 minutes pour vider un conquet et réceptionner la polybenne suivante. Chaque pressoir est rempli en 1 h 15. À plein régime, le système nous permet de traiter 30 tonnes par heure en continu. »
Lors du remplissage des pressoirs, l'algorithme d'Ampelos fait la part belle à l'égouttage. Si bien « qu'il n'y a plus que 12 tonnes dans le pressoir lorsque le pressurage est prêt à démarrer alors qu'on l'a rempli avec 40 tonnes de vendange », assure Christophe Barbe. Pour optimiser l'égouttage et le chargement du pressoir, le logiciel d'Ampelos fait basculer la cage pour répartir la masse de vendange dans le pressoir, en tenant compte des mesures faites par les pesons placés sous les pieds des pressoirs.
Un ensemble de débitmètres mesure les flux d'entrée et de sortie, mais le point d'orgue du dispositif repose sur le capteur de colorimétrie des jus écoulés, qui permet de les séparer selon les critères du responsable de chai. « Ce n'est pas un simple capteur colorimétrique, explique Yacine Amami, responsable R & D vin et process chez Della Toffola. C'est un œil artificiel qui mesure la colorimétrie, la turbidité et l'état sanitaire des jus. Cet œil est relié à un réseau de neurones, pour prédire ce que sera le jus une fois débourbé. »
Sur un nuancier numérique de l'interface d'Ampelos, le responsable de chai sélectionne la gamme de couleurs qu'il juge acceptable pour les jus de goutte et pour les jus de presse. « Une fois mes spécifications précisées, le système sépare automatiquement les jus tout au long de la journée d'apport. Avant, nous les sélectionnions selon les paliers de pression et l'observation visuelle. Beaucoup de jus qui avaient le potentiel qualitatif de goutte se retrouvaient ainsi dans les tailles, plus oxydées », rapporte Christophe Barbe qui programme également le niveau attendu d'assèchement des marcs.
La séparation de ces jus est gérée par des électrovannes commandées par Ampelos, « tout en maintenant un cycle de pressurage le plus doux et le plus rapide possible, ajoute Yacine Amami. Avec Ampelos, seuls les jus oxydés se retrouvent dans les tailles ».
Côté architecture, les pressoirs sont à membrane centrale et à cage ouverte dans une "sur-cage" fermée pour une évacuation des jus à 360°. « Cette grande surface d'évacuation, couplée au pilotage des paliers de pression, divise par deux le temps de pressurage », reprend Christophe Barbe. Pour gagner encore plus de temps, Della Toffola est allé jusqu'à installer des pompes à vide, qui accélèrent le dégonflement de la membrane entre deux paliers de pressurage. Autre point essentiel dans la quête du gain de temps, les pressoirs se vident par deux portes. « Le marc est évacué à chaque demi-tour », souligne le responsable technique de Boisset Effervescent. Chaque pressoir est vidé en 7 minutes, selon le fabricant.
Durant la journée, les pressoirs sont rincés avec 200 litres d'eau avant tout nouveau remplissage. En fin de journée, ils sont lavés à fond et en cycle fermé. Ce lavage nécessite 1 200 litres d'eau pour les trois pressoirs. Pour économiser cette ressource, « l'eau utilisée est entièrement récupérée ce qui permet de réaliser cinq rinçages le lendemain qui, eux, se font en eau perdue », détaille Yacine Amami. Les autres rinçages sont réalisés avec de l'eau claire. Les lavages à la soude caustique ou à la solution dérougissante sont également automatisés.
Chez Boisset, deux cavistes suffisent à faire tourner ce nouvel atelier. « L'un d'eux est préposé à la réception des raisins, aux sulfitages et à la surveillance du pressurage, quand l'autre travaille en cuverie », relève Christophe Barbe.
Outre la fiabilité et la rapidité d'Ampelos, Christophe Barbe apprécie la qualité du pressurage avec ce système. « Deux tiers des jus n'ont plus besoin d'être débourbés, les autres sont traités directement en flottation en sortie de pressoir », explique-t-il. Cerise sur le gâteau : l'amélioration continue du système. L'algorithme d'Ampelos fonctionne en auto-apprentissage. « Le système apprend des différents cas de figure rencontrés pour ajuster des micromodifications de cycle. Tous les dispositifs actuels et futurs installés dans le monde sont reliés au serveur central Della Toffola en Italie, afin que les évolutions enregistrées chez les uns soient mises à disposition de tous », apprécie Christophe Barbe. Pour lui désormais, « difficile de retourner en arrière, tant cette intelligence artificielle se montre plus fiable que l'humain ».
Dimensionné pour traiter 30 tonnes de raisins par heure, Ampelos coûte près 650 000 €, prix incluant les trois pressoirs de 100 hl avec tous les automatismes. Outre Boisset Effervescence, seule une cave sud-africaine est équipée de ce système, destiné aux entreprises qui traitent des volumes importants.