’ICV perfectionne les vignerons au pressurage des blancs et rosés. Aux commandes, Edouard Medina, œnologue-consultant et formateur pour l’ICV, et Jean-Luc Favarel, directeur R&D chez Pera. « Bien pressurer les blancs et rosés c’est éviter l’apparition de notes tanniques et végétales, prévenir l’extraction de trop de couleur et l’oxydation. Mais c’est aussi s’assurer un bon rendement en jus et un travail rapide, résume Edouard Médina. Pour y parvenir, il est primordial de maîtriser le remplissage et l’égouttage ».
La première préoccupation des vignerons est de savoir combien de vendange mettre dans leur pressoir. « Tout dépend du mode de remplissage, leur répond Edouard Médina. Avec un remplissage par la porte, vous pouvez mettre jusqu’à 15 tonnes de vendange égrappée et foulée dans un pressoir de 100 hl. Par contre, lors d’un remplissage axial vous pouvez aller jusqu’à 17 voire 20 tonnes ».
Dans tous les cas, il faut laisser au moins 10 cm de creux dans le pressoir avant de lancer le pressurage. « Sans ce creux, la vendange n’aura pas assez de place pour bouger pendant les rotations. Cela augmentera le risque de colmatage des drains et compliquera l’assèchement du marc».
Pour gagner de la place, il est judicieux d’envoyer les jus extraits au niveau des bennes ou du quai dans une cuve à part. « Cela permet d’économiser jusqu’à 20% d’espace et de mettre 60 tonnes dans un pressoir de 320 hl», estime Edouard Médina. C’est également intéressant du point de vue œnologique, puisque ces jus sont peu qualitatifs.
Lors du remplissage axial, se pose la question des rotations de la cage du pressoir. « C’est un mal nécessaire pour faciliter l’égouttage, mais il faut en faire le moins possible car on risque d’extraire des polyphénols, explique le formateur. Lorsque l’on atteint la moitié du remplissage, tous les drains sont recouverts par la vendange. Du coup, l’air ne peut plus s’échapper et fait monter la pression dans la cage. Pas d’autre choix que de la faire tourner. Mais attention à ne pas enclencher trop de rotations. Edouard Médina déconseille d’en faire plus d’une toutes les cinq minutes.
A l’idéal, il faudrait piloter les rotations selon l’écoulement des jus. S’il reste faible après une rotation mieux vaut laisser la cage au repos et fermer les drains pour éviter l’oxydation. En fin de remplissage, la porte du pressoir doit être ouverte pour laisser la pression s’échapper et pour vérifier le niveau de vendange. Lors d’un remplissage par la porte, il n’y a pas de problème de montée en pression. Mais seule la moitié des drains est en contact avec les baies. Pour améliorer l’écoulement des jus, il faut refermer la porte après chaque apport et faire basculer la cage d’un quart de tour.
« Le grand oublié du pressurage c’est l’égouttage », pose Jean-Luc Favarel. Avant de lancer les montées en pression, il faut prévoir 10 à 40 minutes d’égouttage. « L’idée est de laisser couler tout le jus qui ne demande qu’à sortir. C’est essentiel pour obtenir des rosés clairs ». 30 minutes ne sont pas de trop sur un pressoir de 320 hl.
L’enzymage en amont du pressoir est un bon moyen de gagner du temps et d’extraire davantage de jus de goutte. « On peut en gagner jusqu’à 10% », affirme Edouard Médina. Par ailleurs, après un remplissage par la porte, il faut prévoit un temps d’égouttage plus long qu’après un remplissage axial car moins de jus se sont écoulés.
Définir les cycles de pressurage n’est pas évident. « Il ne faut pas monter trop vite ni trop haut en pression, pour ne pas extraire trop de composés phénoliques, ni colmater les drains », détaille Edouard Médina. L’idée est de sortir les jus dans le bon ordre, de l’intérieur de la baie vers la pellicule. « Surveillez, le manomètre et l’écoulement du jus dans la maie. Si l’écoulement démarre quand la moitié de la pression de consigne est atteinte, c’est que le choix du palier de pression est bon », suggère le formateur. Il conseille de commencer par un ou deux programmes séquentiels afin d’extraire le plus de jus possible à basse pression. Un programme séquentiel correspond à une montée en pression douce, en escalier, sans rebêchage entre les paliers. « On peut travailler en séquentiel jusqu’à 0,5 bar environ », précise-t-il.
Entre chaque séquence, deux tours de cage sont suffisants pour effectuer un rebêchage. A la fin de cette séquence à basse pression, on doit avoir extrait environ 80% du jus en rosé, et même davantage en blanc. Les jus suivants, riches en polyphénols, peuvent être envoyés dans une autre cuve. Reste ensuite à assécher le marc, en alternant des montées en pression de plus en plus haute (mais également plus courtes) et des rebêchages. Après 1 bar, 2 à 4 tours sont généralement nécessaires pour bien décolmater la vendange. Inutile de continuer de presser au-delà de 1,7 voire 1,8 bar.
Simple à réaliser, la mesure de la conductivité des jus dans la maie du pressoir donne une bonne photo de la qualité du pressurage. Ce paramètre est corrélé à la teneur en potassium qui augmente en même temps que les teneurs en polyphénols et la couleur. Lorsque le pressurage est bien conduit, la conductivité doit augmenter doucement en début de pressurage, puis décoller durant la phase dynamique de montée en pression. Suivre la conductivité pendant tout un pressurage permet de corriger les programmes. « C'est également un bon repère pour fractionner les jus », explique Edouard Médina. Généralement, il est conseillé de séparer les jus lorsque qu’elle a gagné 20 à 30 %. Sur sauvignon, cela correspond environ à une pression de 1,4 bar. « Sur chardonnay, il faut fractionner les jus avant d’arriver à cette pression, car ils sont alors très riches en polyphénols ». Si vous n’avez pas de conductimètre, vous pouvez utiliser un pH mètre. En revanche, se fier à la dégustation pour séparer les jus n’est pas la meilleure idée. « Le SO2, la turbidité et les particules herbacées peuvent induire en erreur », prévient Edouard Médina.