es vins de 2021 ne sont pas les plus équilibrés. « L'hétérogénéité de maturation a conduit à des vins blancs plus creux et des vins rouges moins expressifs », remarque Francine Calmels, œnologue-conseil d'Œno Boost à Brens, dans le Gaillacois. « Les rouges sont plus acides avec des tanins plus verts », décrit Éric Filipiak, œnologue-conseil à Cahors. « Le manque d’alcool amoindrit le volume de bouche des blancs », ajoute Valérie Badet, œnologue-consultante à l’ICV de Tain-l’Hermitage. Ces trois œnologues ont un remède : l’ajout de mannoprotéines de levures quelques jours avant la mise en bouteille.
Francine Calmels note l’intérêt des mannoprotéines depuis une dizaine d’années: « Les mannoprotéines apportent du velouté en renforçant la structure en bouche. Elles valorisent aussi le nez. Elles sont également intéressantes pour raviver l’aromatique des blancs, rosés ou rouges de vieux millésimes. Leurs effets durent environ une année en bouteille. » Elle conseille un ajout de 5 à 10 g/hl après des essais sur le vin et, surtout, de les incorporer quelques jours avant la mise en bouteille pour que les mannoprotéines ne soient pas retenues au moment de la filtration finale.
C’est la solution qu’a choisie Laurent Caussé, l'un de ses clients, copropiétaire du domaine de Sarrabelle, 45 ha à Lisle-sur-Tarn, dans le Gaillacois. Il a utilisé Ultima Fresh de l'IOC sur certains de ses blancs et rouges. « J’avais essayé ce produit sur le millésime 2017 qui était lui aussi déséquilibré après le gel. Je l’avais trouvé assez efficace », se rappelle-t-il. Cette année, il a ajouté 5 g/hl a son blanc sec – assemblage de muscadelle, loin de l’œil et mauzac –, trois jours avant sa mise en bouteilles courant mars. « Ces mannoprotéines ont apporté du volume et du gras. Elles ont aussi ravivé la fraîcheur et le fruité de cette cuvée de 40 000 bouteilles », décrit le vigneron.
De son côté, Jean-Michel Swartvagher, vigneron-copropriétaire du Château Saint-Sernin, 32 ha à Parnac, dans le Lot, se prépare à utiliser des mannoprotéines sur les vins rouges 2021 qu'il mettra en bouteille. « Je n'ai pas encore choisi les volumes concernés. J’ai gelé et la qualité n’est pas au rendez-vous car les tanins sont verts. Je vais vendre une partie du millésime au négoce », explique ce vigneron qui a produit 770 hl de rouge l'an dernier contre 1 200 hl en moyenne.
En 2017, déjà, il a subi le gel et employé des mannoprotéines. « Elles ont redonné de la structure au vin et ravivé le fruit », décrit-il. Cette année, il espère le même résultat. « Tout se fait à la dégustation. Il n’y a pas de règle. On peut aussi les utiliser sur des millésimes chauds ou anciens pour raviver le fruit. Je les ajoute dix jours environ avant la mise pour avoir le temps de corriger le SO2 et de bien organiser la mise », détaille le vigneron.
Laurent Cassé traitera ses rouges également. « Avec 5 g/hl, on rend les vins moins austères, plus fondus et on révèle les notes de cassis du braucol », constate le vigneron. Vendue 8,50 €, sa cuvée de braucol est son milieu de gamme. « On pense souvent que les mannoprotéines sont réservées aux vins premium. Mais il faut que le consommateur aime ce qu'il déguste. S'il faut, pour cela ajouter des mannoprotéines à mon braucol, le prix à payer reste convenable », juge-t-il. Un calcul à faire en fonction de ses marchés.
Les principaux fournisseurs de mannoprotéines – Laffort, Lamothe-Abiet et l'IOC – conseillent d'employer les poudres entre 5 et 25 g/hl et les liquides entre 2,5 et 15 cl/hl. « Au-delà de 10 g/hl, nos malbecs ont trop de gras », commente Éric Filipiak, qui conseille Ultima Fresh de l'IOC. Valérie Badet préconise plutôt de 15 à 20 g/hl sur les vins blancs de sa région. Elle utilise davantage les Mannofeel de Laffort. « Je mène des essais cette année sur un saint-joseph et un condrieu qui manquent clairement de matière », ajoute-t-elle. Matthieu Rey, œnologue-conseil chez Œnologie Gauthier, en Gironde, conseille Manno'Sense de Lamothe-Abiet entre 0,5 et 3 cl/hl. « Ce produit apporte vraiment un coup de fraîcheur aux blancs et rosés. Je le conseille souvent aux clients qui ont une forte proportion de sémillon dans des blancs secs, plutôt premium », explique l’œnologue. Mais comme les mannoprotéines font partie des produits œnologiques les plus chers du marché, elles sont souvent mises de côté au profit de la gomme arabique.