éforme de la Haute Valeur Environnementale (HVE), acte 2. Après la proposition avortée ce début d'année de la Commission Nationale de Certification Environnementale (CNCE), le ministère de l’Agriculture lance ce printemps un groupe de travail pour étudier la rénovation de son label agroécologique. « Cela fait quasiment dix ans que ce référentiel existe. Il y aurait sans doute des évolutions qui seraient souhaitables pour assurer un niveau d’ambition environnemental toujours plus élevé » indique-t-on au cabinet du ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Toutes les pistes sont sur la table : l’arrêt de la voie B, la question des produits phytos classés Cancérigènes Mutagènes et Reprotoxiques (CMR), la comparaison à la moyenne régionale des Indices de Fréquence de Traitement (IFT)… « Il y aura un travail en profondeur pour voir les options retenues » indique-t-on rue de Varenne.
Plébiscitée par le vignoble (79 % des certifiés au premier juillet 2020), la certification HVE devait s’implanter auprès des agriculteurs et consommateurs avant d’être révisée selon le ministre de l’Agriculture. « Nous nous sommes vraiment attachés à développer cette certification en assurant une stabilité pour les producteurs qui s’engageaient. Parce que changer un référentiel en plein développement c’est compliqué. Nous sommes rentrés dans une phase d’évolution avec cette étude qui vient d’être lancée » indique le cabinet du ministre de l’Agriculture.
« Sur le fond, nous sommes complétement ouverts à la réflexion pour ne pas rester figés. La seule chose est de ne pas faire douter les gens qui sont en ce moment en train de se faire certifier et ceux qui ont fait l’effort de s’améliorer » estime Jean-Jacques Jarjanette, le président fondateur de l’association pour le développement de la HVE, qui demande comme préalable à toutes modifications d'ampleur la mise à niveau des filières en retard sur le label (comme l’arboriculture et le maraîchage qui ne bénéficient pas encore de modalités de calcul de leurs IFT). « Une évolution et pas la révolution » résume Jean-Jacques Jarjanette.
Devant aboutir d’ici la fin 2021 ou le début 2022, ces réflexions doivent permettre à la certification HVE d’être mise à jour pour 2023 et l’entrée en vigueur de la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC 2023-2027). Par rapport à un projet initial de modifications en 2021, « nous aurions préféré nous donner plus de temps, mais 2023 est un rythme plus acceptable que ce qui était demandé par certains » réagit Jean-Jacques Jarjanette, pour qui « aujourd’hui, la priorité des priorités est de mener une communication sur fonds publics pour le logo HVE. Sans ça, il n’y aura pas de création de valeur et de différenciation "made in France" (par rapport à l’import et non au bio). Sans ça, le label disparaîtra, ce qui en arrangerait certains... »
Clairement visibles depuis la fin 2020, les tensions entre la HVE et la bio sont en effet ravivées ce printemps avec les débats actuels sur la PAC. Déclinées en Plan Stratégique National (PSN), les subventions européennes aux agriculteurs vont mettre en place un éco-régime à deux niveaux. Dont le plus élevé sera accessible aux certifiés HVE. Et aux certifiés bio. Soit une égalité de traitement qui ne manque pas d'agacer la Fédération Nationale d'Agriculture Biologique (FNAB). L'organisation demande dans un communiqué « la réouverture des arbitrages et qu’une différence nette soit faite entre l’agriculture biologique et la certification HVE ». Et de s’appuyer sur un récent article du Monde qui rapporte que la HVE « ne présente, dans la grande majorité des cas, aucun bénéfice environnemental » selon un rapport de l’Office Français de la Biodiversité (OFB).
Au cabinet du ministre de l’Agriculture, on indique que si la note citée restera interne, elle alimentera la réflexion sur la future « HVE rénovée ». Continuant de désamorcer toute opposition entre les labels agroenvironnementaux*, on précise rue de Varenne que la logique de l’éco-régime n’est pas proportionnelle aux efforts environnementaux, mais incitative afin de dépasser certains niveaux d'actions environnementales. « A l’heure actuelle, l’agriculture biologique a accès au paiement vert, mais on n’a jamais dit que l’AB avait le même niveau d’exigences que le paiement vert » indique un conseiller. « On estime que la certification HVE est une certification environnementale qui pousse les exploitations vers la transition agroécologique » renchérit une autre source ministérielle.
« La HVE est aujourd’hui le seul signe officiel de qualité qui parle de biodiversité » indique regretter Jean-Jacques Jarjanette, qui défend avec sa certification l'opportunité de mettre en avant un sigle made in France, environnementalement vertueux et en complémentarité avec la démarche bio. Il ne reste plus qu'à placer l'acte 2 de la relation entre HVE et bio sous un autre signe que celui de l'antagonisme.
* : Ce 21 mai, lors d’une visioconférence de presse sur le PSN, Julien Denormandie l’affirme à nouveau : « le bio ne saurait s’opposer au HVE. C’est un non-sens. Cette guerre fratricide entre bio et HVE est un non-sens. Que le bio dénigre le HVE, que le HVE dénigre le bio, c’est un non-sens. On a de la place pour les deux dans notre pays, donc il faut les accompagner. » Julien Denormandie précise que dans la future PAC, « l’écorégime permettra d’avoir accès au niveau supérieur à la fois quand il y a une certification bio, une certification HVE 3. Dans la voie de certification, nous construirons également une certification dite CE2+ qui reste à construire. » Avec des obligation de résultats, ce nouveau label intermédiaire doit permettre d'accéder au niveau de base de l’éco-régime.
Dans le cadre des tensions sur l’éco-régime, la FNAB appelle à la manifestation ce mercredi 2 juin à midi aux Invalides pour protester contre la future PAC, estimant une perte de 66 % des aides en moyenne. Le ministère de l’Agriculture réfute, en indique que les aides à la conversion bio vont augmenter (à 340 millions €, +30 %) et que les taux d’éco-régime ne sont pas encore négociés (la PAC étant actuellement dans une impasse).