Viticulture durable
Équipe A ou plan B pour votre certification HVE ?

De plus en plus plébiscité dans le vignoble, le référentiel Haute Valeur Environnementale n’a qu’un seul niveau 3, mais deux voies pour y accéder. Peu évoquée dans la filière, l’alternative comptable à la méthode thématique suscite plus de réserves et moins d’engouement.
Acronyme encore peu connu du grand public, la certification Haute Valeur Environnementale (HVE) semble bien partie pour devenir la prochaine norme des vins français. Ayant le vent en poupe auprès des metteurs en marché (de la grande distribution au grand export), le référentiel agricole HVE est adopté par un nombre croissant de vignerons. Ces derniers représentent 91 % des 1 518 exploitations certifiées au premier janvier 2019, d’après le recensement du ministère de l’Agriculture (qui a créé et promeut le référentiel depuis 2011).
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Il faut dire que ce référentiel a une promesse séduisante pour les producteurs : « la démarche HVE permet de valoriser les pratiques environnementales que vous avez déjà, mais que vous ne quantifiez pas jusque-là, tout en répondant aux futures exigences de vos clients et en accédant à de nouveaux marchés » explique la consultante Clarisse Guériaud, ce 30 juillet à Saint-Emilion, où l’experte forme cinq viticulteurs apporteurs du négoce bordelais Jules Lebègue, qui compte les certifier dès 2019 pour répondre à ses marchés (voir encadré).
S’attendant à découvrir des demandes agro-environnementales pointues et affronter un cadre administratif contraignant, le vigneron suivant une formation HVE découvre surtout l’existence d’un choix inattendu : deux chemins permettant d'accéder à la certification, le niveau 3 de la démarche HVE. « L’option A repose sur quatre thématiques notées : la biodiversité (le pourcentage d’infrastructures agro-écologiques sur l’exploitation, type haies, arbres, fossés, talus…), la stratégie phytosanitaire (calculs de la surface non traitée et de l’indice de fréquence de traitement, mise en place de méthodes alternatives à la lutte chimique, déploiement de mesures agro-environnementales…), la gestion de la fertilisation (réalisation d’un bilan azoté, calcul de la surface non fertilisée, pratique de couverture des sols, utilisation d’outils d’aide à la décision…) et la gestion de l’irrigation (enregistrement des pratiques, utilisation de matériels optimisant l’apport d’eau…) » énumère Clarisse Guériaud.
N’ayant pas à passer en revue une vingtaine d’indicateurs, l’experte est bien plus brève quant à « l’option B, plus comptable, qui demande de regarder deux indicateurs : la part d’infrastructures agro-écologiques sur la surface agricole utile (devant être supérieure à 10 %) et le poids des intrants sur le chiffre d’affaires (ne pouvant excéder 30 %). »
Il est évident que les indicateurs de performances de l’option A sont bien plus lourds que ceux de l’option B, mise en place pour permettre l’accès à un plus grand nombre en cas de difficultés de certification. « L’option B consiste à mesurer le degré d'autonomie de l'exploitation vis à vis des intrants » résume le ministère de l'Agriculture à Vitisphere. L'administration ajoutant que lors de son dernier recensement, l’option A est adoptée par plus de 70 % des certifiés HVE, l’option B étant suivie par les 30 % restants. La certification HVE étant volontaire, on peut supposer que les vignerons souhaitant l’obtenir ont d'abord une volonté d’amélioration continue de leurs pratiques, plus qu'un désir d’obtenir un label jusque là peu valorisé. Les consultants HVE contactés par Vitisphere précise d'ailleurs proposer de manière automatique l'option A, et ne s'orienter vers l'option B qu'en cas de blocages. « Il faut vraiment faire n'importe quoi au vignoble pour que l'option B ne soit pas envisageable » glisse une technicienne. Un auditeur HVE reconnaissant la mauvaise image de cette alternative, dont « il vaut mieux ne pas trop parler... »
Mais l’option B ne doit pas être décriée estime Laurent Brault, le chargé de mission HVE des Vignerons Indépendants de France. « Je sais que l’option B est incomprise par la plupart des techniciens ou producteurs qui préfèrent l’approche technique à l’approche synthétique dans la filière viticole » plaide l’expert. Contacté par Vitisphere, Laurent Braut reconnaît qu’« elle fait l’objet de critiques malvenues liées à la méconnaissance du détail de son fonctionnement », mais il défend un outil synthétique tout aussi pertinent que l’option A.
Concernant la gestion des couverts végétaux, Laurent Brault détaille ainsi qu’« en option B, on identifie très facilement les méthodes de maîtrise de couverts végétaux. Pour les exploitations qui désherbent chimiquement, le poids des phytos est un poste important dans les intrants. Chez les exploitations qui travaillent le sol, on constate un transfert de la charge des intrants sur le poste du carburant et l’entretien du matériel (ce seul poste est multiplié par 3). Les exploitations qui font un enherbement permanent (tonte ou rouleau faka), les postes phyto et GNR sont très faibles, ce qui participe à passer sous le seuil des 30%. »
Que l’on choisisse une option ou l’autre, dans tous les cas, la HVE « n’est pas un changement radical des pratiques comme l’agriculture biologique, c’est une quantification des pratiques » conclut Clarisse Guériaud, rassurant les vignerons en formation.
Cet été, les annonces de labellisation HVE se multiplient dans tout le vignoble français. « Il y a une urgence à être rapidement certifié, pour répondre à la demande des marchés pour des vins plus propres » rapporte Valérie Valmy, la responsable des achats vins de Jules Lebègue (l’activité de négoce d’Antoine Moueix, la filiale bordelaise du groupe Advini). « C’est aussi une question de notoriété, il faut aller de l’avant et plus loin que la Responsabilité Sociétale des Entreprises pour reprendre la conquête des marchés » renchérit Hervé Monthieu, le directeur Qualité, Hygiène, Sécurité et Environnement d’Antoine Moueix.
Alors que les vins de Bordeaux sont en difficulté commerciale, le lancement réussi d’une cuvée bio sans sulfites an dernier « a permis de limiter casse » reconnaît Alban de Belloy, le directeur général de Jules Lebègue. Qui envisage l’adhésion au label Bee Friendly, et compte déployer la certification HVE en 2019 sur ses marques propres et de distributeurs, puis se passer de produits phytosanitaires classés Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques en 2020.