L’umami, c’est le goût « savoureux » ou « délicieux » selon le Japonais Kikunae Ikeda qui l’a défini pour la première fois au début du XXe siècle. Il est naturellement présent dans certains aliments comme les bouillons, les produits fermentés ou les fromages affinés. C’est la cinquième saveur après le sucré, l’acide, l’amer et le salé, celle qui approfondit ou renforce les autres. Souvent, elle est apportée par la présence de glutamate de sodium qui est un exhausteur de goût.
Difficile à dire. Pour Axel Marchal, professeur en œnologie à l’Université de Bordeaux, « l’umami est une saveur assez méconnue dans les vins dont on ignore la contribution à leur équilibre gustatif ». Gilles de Revel, doyen de la faculté d’œnologie de Bordeaux et expert en analyse sensorielle, est tout aussi prudent : « Je serai modeste, voire dubitatif quant à la présence du goût umami dans le vin. En revanche, quand j’interroge mes étudiants et des collègues japonais, qui utilisent ce descripteur depuis leur enfance, ils m’affirment qu’ils trouvent l’umami dans toutes sortes de vins, tout comme ils peuvent le percevoir ou non dans une soupe, par exemple. »
Comme le souligne Gabriel Lepousez, chercheur à l’Institut Pasteur et spécialiste de la perception sensorielle : « Dans le vin, il y a à la fois des saveurs, des arômes, des couleurs, des textures… et, parfois, le cerveau se perd un peu dans tout cela. »
Selon Gabriel Lepousez, l’umami dans le vin provient principalement de la libération d’acides aminés, de peptides, de nucléotides et d’acide succinique, au cours de la fermentation et de l’élevage sur lies. L’acide succinique, produit par les levures et les bactéries lactiques, joue un rôle clé car on le trouve souvent à plus de 2 g/l dans les vins, bien au-dessus de son seuil de perception qui est autour de 0,5 g/l.
Ces différents composants interagissent entre eux en synergie et amplifient la perception de l’umami. Ainsi, le glutamate, les nucléotides et l’acide succinique ne sont pas perçus isolément, en tant que tels, mais ensemble et agissant de concert pour renforcer l’intensité de la saveur umami, un phénomène que les chercheurs explorent encore.
C’est l’objet d’une thèse qui a débuté récemment. « On sait que les polyphénols du thé peuvent participer au goût umami en s’hydrolysant. On cherche à savoir s’il en est de même pour les polyphénols et les tanins du bois », explique François Litoux-Desrues, directeur R & D chez Chêne et Cie. Ce tonnelier co-encadre la thèse intitulée « Les impacts d’un élevage long en barrique sur la composition et l’expression umami des vins blancs tranquilles de chenin », menée par Renata Villalobos Enriquez à l’ESA d’Angers.
Cette chercheuse travaille sur les vins de différents domaines du Val de Loire comme ceux d’Éric Morgat (Savennières) ou de François Chidaine (Montlouis-sur-Loire). Ronan Symoneaux, chargé de recherche en évaluation sensorielle à l’ESA et codirecteur de la thèse, explique que son objectif est double : d’abord doser les molécules porteuses du goût umami en fonction des conditions expérimentales comme la provenance et la maturité des raisins, les barriques utilisées, la durée de l’élevage, le fait de bâtonner ou non, et ensuite soumettre ces vins à des jurys entraînés pour détecter et évaluer le goût umami.
D’après ce chercheur, une des difficultés majeures réside dans le manque de références partagées et dans la complexité même de la notion d’umami. « Il existe peut-être plusieurs dimensions de l’umami, mais on n’est pas encore à ce niveau de sensibilité », suppose-t-il. La quête ne fait que commencer.