près des années à mener des essais en France et dans le monde pour obtenir des sauvignons thiolés lorsqu'il était chez Lamothe Abiet, Laurent Chancholle est devenu consultant et accompagne des propriétés et des coopératives du sud-ouest. Il rappelle que c’est au vignoble que tout commence et préconise, bien sûr, l’apport d’azote foliaire à la véraison.
« L’ensoleillement des grappes stimule la production de précurseurs de thiols, ajoute-t-il. Avec le réchauffement climatique, je préconise l’effeuillage côté soleil levant et non plus côté soleil couchant car en cas de coup de chaud, on brûle les raisins. Mais il y a des exceptions, comme en 2024. Quand il pleut et que le botrytis s’installe, il est bénéfique d’effeuiller aussi le côté soleil couchant ». Encore faut-il avoir la main d’Å“uvre pour cela.
Les terroirs les plus favorables à l’expression des thiols sont généralement tempérés à frais. Mais pas toujours. Laurent Chancholle le constate dans le Gaillacois. « La rive droite du Tarn est argilo-calcaire. Ces terroirs sont plus frais que les graves de la rive gauche. De ce fait, on y obtient souvent plus de thiols, sauf les années fraîches où la rive gauche s’en sort mieux », assure-t-il. Une bonne raison de ne pas mettre tous ses Å“ufs dans le même panier.
A l’approche des vendanges, l’Å“nologue conseille de déguster les baies au moins deux fois par semaine. « On perçoit les thiols en fond de bouche. Mais chacun les ressent différemment. Je forme mes clients à ce ressenti », indique-t-il. Lors des derniers contrôles maturité, il conseille de s’intéresser à la couleur des moûts. « S’ils sont verts ou jaunes pâles, c’est bon signe, mais pas s’ils sont bien jaunes ou jaune doré. » Autre outil : le Dyostem. « Il permet de repérer le moment le plus propice pour vendanger des blancs thiolés ».
Le moment venu, « si on n’a pas le bon équilibre sucre/acidité mais que le profil aromatique est bon, mieux vaut ramasser car on pourra toujours rectifier l’acidité ou assembler ces vins à d’autres », conseille-t-il. Erreur à éviter : « assembler une parcelle à faible potentiel avec une autre à fort potentiel, au risque de perdre beaucoup d’arômes ». Mieux vaut vinifier séparément puis faire des essais d’assemblage.
Et quand séparer les jus des presses ? On peut décider en les dégustant ou en observant leur couleur mais pour Laurent Chancholle mieux vaut utiliser un conductimètre pour mesurer la conductivité du moût dans la maie de pressoir. « Dès qu’elle dépasse de 15% le niveau de départ, on sépare les jus », conseille-t-il.
Quid de la stabulation à froid ? « Il faut être à 2-3°C. Avec la stabulation, on obtient un gain aromatique la première semaine, puis il ne se passe plus grand-chose entre 8 et 15 jours après quoi on obtient à nouveau plus d’arômes. » Des longues stabulations à tenter uniquement si le moût et les finances de l’exploitation sont assez saines pour les supporter.
Concernant la fermentation, Laurent Chancholle a son astuce : l’assemblage de levures. « Certaines souches libèrent plutôt la 4MMP (buis) ou le 3MH (pamplemousse) tandis que d’autres révèlent l’A3MH (fruit de la passion). L’assemblage de ces deux types, à hauteur de 10g/hL, chacun est bénéfique du point de vue aromatique. Je conseille aussi l’ajout de 30 g/hL de levures inactivées riches en glutathion ».
« Ce cépage présente un profil aromatique différent d’un colombard ou d’un sauvignon car il développe des thiols et des terpènes, indique Laurent Chancholle. Au nez, on retrouve une bonne base terpénique, sans le côté lourd de certains muscats. Autre avantage : on obtient de très bons équilibres aromatiques dès 10° potentiels, avec de belles acidités et un rapport thiols/terpènes qui correspond à la demande du marché ».