résenté et voté. Ce mercredi 9 avril, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a reçu et validé le rapport d’information sur les stratégies de marché de la filière vitivinicole rédigé par les députés Sylvain Carrière (Hérault, LFI-NFP) et Sandra Marsaud (Charente, EPR). Cette dernière ayant remplacé l’élu champenois Éric Girardin, qui était rapporteur lors du lancement fin 2023 de la première mission, tombée avec la dissolution de juin 2024. Cette dernière ayant coûté son mandat au député Éric Girardin, qui restera le signataire du rapport sur la transmission des exploitations viticoles en 2022 venant tout juste de se concrétiser (partiellement). La filière vin peut espérer que les conclusions des deux rapporteurs mettront moins de temps à se concrétiser, alors que les députés soulignent la « succession de crises » qui frappe le vignoble français « depuis plusieurs années » (aléas climatiques, crise du covid, inflation post-invasion russe de l’Ukraine, tensions géopolitiques en Chine et aux États-Unis, changement de la consommation qui se réduit en volume…).
Aboutissant à 15 recommandations (voir la liste complète en encadré), le rapport touche à de nombreux sujets évoqués par le plan de filière "Cap Vin" (soutien à l’œnotourisme ou observatoire des marchés, adaptation au changement climatique…) porté par le Comité national des interprofessions des vins (CNIV), ainsi qu’à d’autres propositions faisant moins consensus. Ainsi, le rapport a pour toute première préconisation de « développer une filière de réemploi et de consigne des bouteilles de vins tranquilles en France ». Pour les rédacteurs, « il apparaît crucial pour la filière d’investir les nouveaux modes de consommation avec un marketing et des contenants adaptés aux nouveaux usages », comme la réutilisation des bouteilles en verre afin de réduire son coût écologique : « vos rapporteurs soulignent que le réemploi et la consigne des bouteilles de vins tranquilles peuvent constituer un atout commercial pour le marché national à faire valoir auprès des consommateurs sensibles aux enjeux de l’économie circulaire ». Un pari sur l’avenir, ce qui n’effraient pas les deux députés, qui avancent qu’« après le succès de la caisse-outre dite Bag-in-Box (BIB) au cours de ces dernières années, la canette pourrait prendre des parts de marché dans les années à venir » (sur des vins légers pour une consommation nomade).
Divergence
Sur le sujet sensible de l’export, alors que les droits de douane de 20 % annoncés par Donald Trump prennent effet ce 9 avril aux États-Unis, les deux rapporteurs présentent des visions différentes. Comme leurs familles politiques ont déjà eu l’occasion de l’exprimer dans l’hémicycle. Pour la députée Sandra Marsaud, il faut défendre et développer des « accords commerciaux abaissant les barrières douanières » afin d’ouvrir « les marchés en dehors de l’Union européenne ». Au contraire pour le député Sylvain Carrière, il faut miser « sur un protectionnisme social et environnemental » pour « éviter tout dumping » avec des « tarifs douaniers » qui devront « compenser le manque à gagner pour la filière vitivinicole ».


D’une même voix, les rapporteurs appellent à la structuration de la filière autour d’une interprofession nationale des vins. Les députés estiment nécessaire « une évolution du statut et des missions du Comité national des interprofessions des vins afin d’envisager sa reconnaissance en tant qu’organisation interprofessionnelle au niveau national » afin de structurer un pilotage économique plus fin et veiller à ce que « le plan de filière soit effectivement déployé et approprié par les différentes interprofessions régionales ». Pour les députés, « une interprofession nationale pourrait permettre de définir des stratégies collectives et de mobiliser davantage de moyens juridiques et financiers pour les mettre en œuvre ». Sachant que « bien entendu, il ne s’agit aucunement de remettre en cause l’organisation interprofessionnelle en bassins de production, qui restent l’échelon pertinent pour la régulation de la production ».
Sur le sujet crucial des prix rémunérateurs, en suspens depuis les manifestations de l’hiver 2024, le rapport appelle à « la maîtrise de la mise en marché par les producteurs et le négoce afin de mieux valoriser la production et de créer plus de valeur est nécessaire pour renforcer la capacité d’investissement de la filière et mener à bien une stratégie de la production aux attentes du marché ». Ce qui passe concrètement par la contractualisation pour le rapport, qui indique qu’« aujourd’hui, seul un tiers des AOC et IGP sont soumis à la contractualisation écrite obligatoire prévue (Alsace, Champagne, Loire ou Languedoc-Roussillon) ». Les députés posent que « c’est un pour les viticulteurs qui ne parviennent pas à générer un revenu à l’hectare couvrant leurs coûts de revient » de contractualiser, car « lorsque le résultat des tractations entre le négociant et les distributeurs conditionne le prix qui peut être payé au producteur, il n’y a aucune raison pour que ce prix couvre le travail fourni par le viticulteur et les coûts qu’il a engagés ».


Pour avancer, les rapporteurs d’avril 2025 citent la mission d’évaluation de la loi Égalim 2 de février 2025 qui note que « pour la viticulture, aucune interprofession viticole n’a élaboré ou diffusé d’indicateurs pouvant servir d’indicateurs de référence au sens de l’article L. 631‑24 du code rural. La filière craint que la publication d’indicateurs puisse être considérée comme s’apparentant à la diffusion de consignes de prix par l’Autorité de la concurrence ». Pour sortir du statu quo, les députés Carrière et Marsaud proposent d’« inciter les interprofessions régionales à publier des indicateurs de coût de production pertinents dans leur bassin de production en affirmant la conformité au droit de la concurrence de la publication de tels indicateurs ». Sur la rémunération, les députés préconisent aussi de définir « un prix "abusivement bas" au sens de l’article L. 442-7 du code de commerce, le prix d’un contrat dont les critères et les modalités de révision ou de détermination du prix ont pour effet d’empêcher la prise en compte, à un niveau suffisant pour atteindre le coût de revient, des indicateurs de coûts de production indiqués dans le socle de la négociation ». Un sujet au cœur de la condamnation obtenue par un vigneron de deux négociants l’an passé, sachant qu’un appel est en cours.
« 1 – Développer une filière de réemploi et de consigne des bouteilles de vins tranquilles en France.
2 – Renforcer la promotion à l’international des vins et des spiritueux en l’associant à celle de la gastronomie française.
3 – Définir une stratégie nationale visant à permettre au plus grand nombre de producteurs français d’accéder aux marchés étrangers et de se développer à l’international dans une approche collective.
4 – a) Pour Sandra Marsaud : Veiller à ce que l’Union européenne préserve les intérêts de la filière vitivinicole française dans le cadre des négociations avec nos principaux partenaires commerciaux (États-Unis et Chine en particulier) et offre à la filière de nouveaux débouchés à l’international dans le cadre d’accords sectoriels, sans compromettre les intérêts des autres filières agricoles françaises.
b) Sylvain Carrière : Ajuster le niveau de nos tarifs douaniers et utiliser leurs produits pour compenser le manque à gagner pour la filière vitivinicole lié à la hausse des tarifs douaniers imposés par des pays comme les États-Unis ou la Chine, afin d’accompagner la transition de la filière viticole et son adaptation à de nouveaux marchés.
5 – Valoriser les régions viticoles en exploitant toutes les possibilités de communication offertes par le cadre juridique actuel.6 – Doter la France d’une stratégie nationale ambitieuse pour accélérer l’essor de l’œnotourisme et favoriser la coordination de l’ensemble des acteurs.
7 – Concrétiser rapidement la mise en place de l’observatoire national des tendances de marché et mobiliser les moyens pour l’alimenter en données.
8 – Envisager une évolution du rôle et des statuts du CNIV pour en faire une interprofession nationale.
9 – S’appuyer sur l’excellence reconnue des vins français pour mieux conquérir les marchés d’entrée de gamme.
10 – Concevoir des dispositifs d’aide permettant de sécuriser les viticulteurs dans leurs démarches d’expérimentation de pratiques innovantes visant à adapter leurs productions aux conséquences du changement climatique et aux attentes des consommateurs.
11 – Doter l’interprofession nationale d’un outil de prospective réalisant des études d’anticipation des crises afin d’orienter les politiques de restructuration des vignobles.
12 – Renforcer la régulation interprofessionnelle des volumes mis en marché au niveau de chaque interprofession régionale.
13 – Négocier, au niveau européen, la possibilité de modifier la référence à la moyenne olympique pour le calcul du rendement moyen d’une exploitation dans le cadre de l’assurance récolte.
14 – Inciter les interprofessions régionales à publier des indicateurs de coûts de production pertinents dans leur bassin de production en affirmant la conformité au droit de la concurrence de la publication de tels indicateurs.
15 – Prévoir que constitue un prix « abusivement bas » au sens de l’article L. 442-7du code de commerce le prix d’un contrat dont les critères et les modalités de révision ou de détermination du prix ont pour effet d’empêcher la prise en compte, à un niveau suffisant pour atteindre le coût de revient, des indicateurs de coûts de production indiqués dans le socle de la négociation. »