reuve, s’il en fallait une, de la volonté des viticulteurs bordelais de diversifier leur gamme pour satisfaire les marchés : rien que sur le millésime 2024, les Å“nologues des laboratoires Enosens ont aidé près de 40 propriétés à vinifier 5 à 150 hectolitres de vins blancs issus de raisins noirs. Forte de sa propre expérience et des retours de ses collègues, Maryline Bouix, Å“nologue rattachée à l’antenne de Grézillac, donne de précieux conseils à ceux qui souhaitent se lancer.
« Il faut d’abord s’assurer de disposer avant les vendanges de l’équipement adapté : des cuves de bonne taille, un pressoir pneumatique, et un groupe de froid assez puissant pour maintenir les moûts en fermentation entre 15 et 19°C », livre-t-elle. Pour faire un bon blanc de noirs, « blanc, aromatique, et équilibré en bouche », Maryline Bouix recommande d’opter pour le cabernet franc. « Ce cépage est moins coloré et reste frais plus longtemps que le merlot, que les vignerons ont pourtant tendance à privilégier », explique-t-elle. La date de récolte est cruciale. « Si les raisins sont vendangés trop tôt, ils auront un goût végétal. A l’inverse, si la maturité est poussée trop loin ils présenteront des arômes de fruits rouges qui ne sont pas recherchés sur un blanc de noirs. La récolte doit se faire entre les deux, quand les raisins semblent assez neutres à la dégustation mais renferment en fait tous les précurseurs d’intérêt ». Cette fenêtre de tir dure entre 4 et 5 jours. « A ce moment, les raisins ont un taux de sucre modéré et assez d’acidité pour donner des vins frais », rapporte l’Å“nologue. Pour limiter la trituration et la sortie de la couleur, « l’idéal est de vendanger à la fraîche et à la main dans de petites caisses déchargées le plus rapidement possible dans le pressoir, en protégeant les grappes de l’oxygène », continue Maryline Bouix.
Le pressurage doit être rapide, mais doux. « Malgré toutes ces précautions, la décoloration est presque toujours nécessaire pour éliminer la teinte rosée », indique la consultante. A ce stade, la clé de réussite est d’agir vite. « Plus on attend, plus la couleur se stabilise, constate Maryline Bouix. Le plus efficace est de mettre du charbon directement dans la maie du pressoir pour qu’il soit remis en suspension quand le moût est envoyé dans la cuve de débourbage ». Lors du débourbage, la consultante préconise de viser entre 50 et 100 NTU.
Maryline Bouix insiste ensuite sur l’importance du choix de la levure. « Un blanc de noirs ne sera bon que s’il est aromatique ! » En fonction de la typicité qu’il souhaite donner à son vin, au vigneron de préférer une levure révélatrice de thiols, qui devra fermenter autour de 18-19°C, ou une levure productrices d’arômes amyliques ou de fruits exotiques, autour de 15-16°C. Un complémentation en nutriment est souvent indispensable pour permettre à la levure de révéler tout son potentiel.
Comme lors de l’élevage d’un vin blanc classique, le vigneron peut ensuite opter ou non pour un travail sur lies ou boiser sa cuvée pour lui apporter de la structure et du volume.