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"Les consommateurs sont prêts à mettre ce qu’il faut si le vin sans alcool a vraiment bon goût"
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Exemple britannique
"Les consommateurs sont prêts à mettre ce qu’il faut si le vin sans alcool a vraiment bon goût"

Des origines de Dry January à l’explosion de l’offre no-low, Laura Willoughby, fondatrice de Club Soda à Londres, retrace l’évolution de la modération et de la sobriété au fil des ans. Et explique pourquoi le mouvement n’est pas près de s’essouffler…
Par Sharon Nagel Le 15 janvier 2025
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Abstinente depuis une décennie, Laura Willoughby n’est pas en croisade contre l’alcool mais souhaite plutôt que les boissons alcoolisées et non alcoolisées puissent coexister au bénéfice de tous. - crédit photo : Club Soda
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orsque « l’establishment » des vins en Grande-Bretagne se lance avec enthousiasme dans la catégorie des boissons sans alcool, c’est qu’une mutation profonde des habitudes est en train de s’opérer. Juste avant les fêtes, Berry Bros & Rudd, plus ancien marchand de vins et spiritueux du pays (17ème siècle), a lancé son thé effervescent, emboîtant le pas à son pendant du monde de la gastronomie, Fortnum & Mason. Si les chiffres peuvent paraître pour le moment relativement modestes – le marché britannique des boissons sans alcool est estimé en 2024 à 380 millions £, soit 452 M€ – la croissance est promise.

En effet, d’ici 2028, l’IWSR chiffre la valeur supplémentaire générée par la catégorie à 800 millions £ (950 M€), ce qui pousse enseignes et grandes marques à s’engouffrer dans la brèche. Casillero del Diablo, marque phare du géant chilien Concha y Toro a lancé en décembre son Casillero del Diablo Zero, un effervescent désalcoolisé issu de chardonnay, tandis que la chaîne de magasins Majestic, où les ventes de boissons sans alcool ont fait un bond de 600% sur trois ans, inaugure une gamme de 9 produits dans ses 212 magasins à travers le pays, gamme où figure la marque française Moderato.

 

La découverte comme mot d’ordre

Cette sélection et bien d’autres sont l’œuvre de Laura Willoughby, figure de proue du mouvement de modération et de sobriété en Grande-Bretagne sous le nom évocateur de Club Soda (ou eau gazéifiée). En dix ans, elle a réussi à réunir une communauté de plus de 100 000 membres pour qui la sobriété est devenue un leitmotiv. « 90 % des adultes britanniques essaient de limiter leur consommation d’alcool d’une manière ou d’une autre, faisant écho à ce qui se passe au niveau mondial », précise Laura Willoughby, récompensée du titre honorifique de MBE pour services rendus à la nation. Décrivant l’année 2017 comme un tournant dans l’évolution de la modération – « Heineken a lancé son 0.0 % » - la militante sociale de formation a lancé la même année son premier festival sans alcool. En 2022, ce festival annuel s’est transformé en magasin sans alcool éphémère, fin du Covid oblige, ouvrant la voie à l’ouverture d’un magasin au très fréquenté Covent Garden en plein centre de Londres. Conçu comme un espace de découverte, à la fois pour les professionnels et les consommateurs, le magasin propose également des formations gratuites pour les professionnels.

 

Des origines peu connues

« Le marché britannique des boissons sans alcool a été le premier à s’afficher en mode croissance », rappelle Laura Willoughby. « C’est pour cette raison que beaucoup d’initiatives sont nées ici, mais depuis, cette tendance s’est propagée à de nombreux pays dans le monde entier. Un magasin de boissons sans alcool s’ouvre chaque semaine aux Etats-Unis, et la France affiche aujourd’hui le plus fort taux de croissance du sans alcool en Europe ». Si l’organisme Alcohol Change UK a initié il y a une quinzaine d’années la première campagne « Dry January » - « dont ils ont déposé le nom » - c’est la Finlande qui a été à l’origine du premier mois de janvier sans alcool dans les années 1970. « Le choix de ce mois est logique : les gens se fixent des objectifs en matière de santé pour l’année, ils veulent compenser les excès après les fêtes et ont tendance à rester à la maison pour ne pas dépenser de l’argent. Traditionnellement, c’est un mois très calme pour le secteur CHR, et donc un moment particulièrement propice pour amplifier le message de la modération ». Encore fallait-il l’étincelle pour que ces envies puissent réellement se concrétiser au-delà des premiers jours de l’année. « En tant que campagne, Dry January n’a véritablement pris de l’ampleur qu’avec l’avènement d’une vraie gamme de produits. Désormais, le mois de janvier correspond à celui de la découverte de nouvelles boissons », pointe Laura Willoughby, qui précise toutefois que les ventes du mois de décembre dépassent celles de janvier dans le magasin Club Soda.

 

Le magasin de Covent Garden référence aussi bien des vins entièrement désalcoolisés que des "mid-strength" à 6% d'alcool

Un manque à gagner colossal en CHR

Outre la multiplication des produits proposés, les réseaux sociaux ont beaucoup contribué au développement du marché des no-low. « Les jeunes parlent beaucoup de la sobriété et de la modération sur les réseaux sociaux, ayant pour effet de les normaliser, même si la tendance touche toutes les générations ». La peur d’être filmé en état d’ébriété n’y est pas étrangère non plus, incitant les opérateurs du secteur CHR à se mettre au diapason du mouvement. « Les pubs et les bars proposent désormais une très bonne gamme de produits. Il y a encore des progrès à faire du côté des restaurants et des magasins de détail, mais on s’approche de ce qu’on appelle un marché mature, où les consommateurs s’attendent à ce qu’on leur propose des alternatives sans alcool quel que soit l’établissement qu’ils fréquentent. De plus, la stigmatisation autrefois liée aux boissons sans alcool a commencé à disparaître et le langage utilisé a considérablement évolué en très peu de temps », détaille Laura Willoughby, qui insiste sur le fait que « la restauration perd 800 millions £ par an en refusant de proposer autre chose que de l’eau du robinet à ses clients qui ne souhaitent pas boire de l’alcool ».

 

Il y a tellement de potentiel pour innover avec les raisins 

Faisant le parallèle entre la crise viticole des années 80, qui s’est soldée par l’arrivée de vins accessibles à toute la population britannique – et pas uniquement aux gens les plus fortunés – et les possibilités offertes à la filière par les boissons sans alcool aujourd’hui, la militante incite les professionnels à se lancer dans la catégorie. « Si vous êtes en mesure de proposer des boissons qualitatives à base de raisins, vous devriez l’envisager », conseille-t-elle. « Il y a tellement de potentiel pour innover avec les raisins ». Et de citer les investissements colossaux consentis par la filière vitivinicole australienne dans la recherche et le développement des vins sans alcool et faiblement alcoolisés, « que l’Europe devrait suivre comme exemple ». Et c’est bien l’innovation, et les progrès qualitatifs, qui dynamisent la catégorie, comme en témoignent les retours précieux des clients de la boutique de Covent Garden. « En général, les gens me disent qu’ils savent que les bières sans alcool sont bons, mais est-ce qu’on peut leur proposer de bons vins sans alcool, surtout des rouges ». Si le développement initial des effervescents a permis de réduire la sensation sucrée, les vins tranquilles sont plus problématiques : « Les consommateurs recherchent des vins sans alcool secs, à l’instar de leurs équivalents avec alcool, ce qui a toujours été compliqué. On nous pose tout le temps la question du sucre ».  

 

Le frein des professionnels

Si l’innovation dans le segment des vins en est à ses balbutiements, la premiumisation est indéniablement en marche, à l’image de "French Bloom", commercialisé à 110£ outre-Manche. « Les consommateurs sont prêts à mettre ce qu’il faut si le vin sans alcool a vraiment bon goût. Il ne faut jamais sous-estimer l’importance de l’inclusion sociale, ni de la transition de nos sociétés vers une culture axée de plus en plus sur l’expérience elle-même. Puis, la santé représente un secteur énorme et très lucratif où les gens sont disposés à débourser des montants considérables ». Ne serait-ce donc pas le secteur lui-même qui freine le développement des no-low ? « Dans une étude que nous allons publier fin janvier, il ressort que sur 50 marchands de vins spécialisés au Royaume-Uni, seuls 3 d’entre eux proposent une offre de produits sans alcool aux opérateurs du secteur CHR. Celui-ci veut en référencer davantage mais leurs fournisseurs contrôlent l’accès au marché ».

 

Les mots ont-ils leur importance ?

La formation et l’éducation, des professionnels comme des consommateurs, sont également des aspects clés : « A la fin des années 80, début des années 90, il a fallu informer tout le monde sur la qualité, le prix, le terroir et les cépages pour que le marché puisse se développer. Il en est de même aujourd’hui pour les vins sans alcool », insiste Laura Willoughby qui souligne la transition d’une offre générique – rouge, blanc, rosé – vers une segmentation par cépages et par origines, et exhorte les professionnels à surmonter leur attachement à certains termes. « Je crois que la filière va devoir mettre de côté ses préoccupations sur ce qui constitue un vin et ce qu’on ne peut pas appeler vin. C’est comme pour les gins : les professionnels sont très contrariés lorsqu’on parle de gin sans alcool, mais au final le consommateur n’y prête aucune importance ». Cela, d’autant plus que le terme sans alcool s’applique aussi bien à des boissons affichant 0.0% qu’à des produits dont la teneur en alcool peut atteindre 2,3% selon les pays et la structure du marché local.

 

Les principes à respecter

Enfin, en guise de conseils aux producteurs et exportateurs, la spécialiste insiste sur la nécessité de conserver les codes du vin : « Un vin sans alcool remplit les mêmes fonctions qu’un vin alcoolisé, notamment son alliance avec la gastronomie, là où les cocktails par exemple ne conviennent pas ». Ce qui ne signifie nullement que le goût des deux doit être comparé : « Il faut que les vins sans alcool soient considérés sur leurs propres mérites et pas comme des succédanés aux versions alcoolisées ». Encourageant les entreprises à expérimenter avec des ingrédients comme le thé – « aussi complexe que le vin »  - Laura Willoughby prône une politique focalisée à 100% sur la qualité : « Vous devez être absolument convaincu de la qualité de votre produit et de son processus d’élaboration. Si votre niveau qualitatif ne rivalise pas avec les meilleures références du marché, votre investissement et votre temps n’auront servi à rien. Au final, les vins qui se vendent comme des petits pains chez nous ne sont pas les entrées de gamme, mais les cuvées plus chères dont la qualité est exceptionnelle ».

 

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