Maintenant que les conclusions sont rendues, quel est votre bilan du Groupe à Haut Niveau sur les politiques vitivinicoles européennes ?
Ludovic Roux : C’était déjà une très bonne chose que ça se fasse. Nous sommes très satisfaits que cela accouche d’une direction qui va dans le bon sens. De nombreux points intéressants sont à acter, pour l’instant on parle seulement d’une direction donnée, qu’il faut rapidement concrétiser. Il est important de conforter les moyens de gestion du marché avec le retour clair du mot arrachage et la possibilité d’aides d’État simplifiant le processus. Il faut des actes dans les prochains mois pour pouvoir mettre en œuvre l’arrachage définitif s’il y a des besoins. Je ne dis pas qu’il faut arracher de nouveau en France, mais qu’il faut en avoir la possibilité selon les cas. Le marché est aujourd’hui compliqué et selon les bassins viticoles les situations sont très différentes en termes de stock. Accéder à l’arrachage avec des fonds d’État est aussi important pour d’autres pays, comme l’Espagne et l’Italie.
Le fait d’écrire l’utilisation possible de fonds européens pour financer l’arrachage dans la future Politique Agricole Commune (PAC) est aussi important pour pouvoir déployer des sommes plus importantes et avoir une action au niveau européen (permettant de mieux maîtriser son usage territorial). Pouvoir mettre à 0 % les demandes d’autorisations nouvelles de plantation dans une zone où l’on arrache permet également de réintégrer de la gestion. Comme le prolongement à 5 ans des autorisations de replantation. Il y a eu un vent de libéralisme à Bruxelles, on a même dû sauver les autorisations de plantation, mais on revient à une vraie gestion. Il y a aussi de la flexibilisation budgétaire avec la possibilité de basculer une enveloppe inutilisée un année sur la suivante et des facilités de mise en œuvre de la gestion des risques climatiques et géopolitiques.
Même si ce n’est pas dit comme ça, il y a une ouverture sur la moyenne olympique, ce qui est central pour l’adaptation au changement climatique. Je note aussi l’évocation du renforcement des agriculteurs dans la chaîne de valeur. Il est dit et écrit qu’il faut renforcer les Organisations Professionnelles (OP) et les coopératives. Le fait d’acter que les caves coopératives puissent être considérées comme des PME est très important. On ne peut pas demander d’un côté de structurer les caves coopératives pour gagner en compétitivité et de l’autre supprimer l’accès à certaines aides comme nous serions de grosses entreprises… Une cave coopérative reste une association de petits exploitants. Nous demandons à avoir accès aux fonds, ni plus ni moins que les autres.
Ce renforcement des OP et ce classement en PME des coops fait tiquer les Vignerons Indépendants et le négoce…
Cela a toujours été un sujet compliqué avec le négoce. Pour les Vignerons Indépendants, il y a une crispation comme ils ne veulent pas que les OP donnent accès à des aides supplémentaires. Nous ne voulons pas d’aides supplémentaires, nous voulons que les OP renforcent la chaîne de valeur avec des outils flexibles et efficaces. Il faut un acte juridique fort pour que nos positions qui ne sont pas différentes soient garanties.
Concernant la demande d’arrachage temporaire que vous portez depuis des années, est-ce mort pour 2025 ?
Mort non, mais difficile oui. L’outil d’arrachage temporaire comme on le souhaite ne sera pas exactement possible. Mais il peut y avoir des orientations permettant d’aller vers cet outil. Avec le rallongement de la durée de vie des autorisations de replantation de 2 à 5 années entre le moment où l’on arrache et celui où l’on replante, on donne de la latitude (avec 8 années avant l’entrée en production). L’Allemagne demande dans ce cadre que la personne qui arrache s’engage à ne pas replanter avant 5 ans, et cultive la parcelle avec des semis où d’autres cultures puissent être rémunérées avec des aides publiques à définir. Ce n’est pas tout à fait l’arrachage temporaire que l’on souhaite (en ne touchant pas dès le départ l’argent lié à l’arrachage, mais en ayant des aides sur plusieurs années), mais il faut travailler le sujet. Cela paraît possible d’obtenir une solution. Nous commençons déjà à discuter avec l’administration pour trouver des solutions permettant d’arriver au résultat recherché : que les vignerons puissent souffler en arrachant temporairement une partie de leur propriété sans perdre de capital. Il serait possible de ne pas pénaliser ceux ne replantant pas ces parcelles.
Quels sont vos regrets dans les conclusions du Groupe à Haut Niveau ?
On peut regretter qu’il n’y ait pas eu de position sur l’eau et les investissements nécessaires. On peut regretter une certaine ambiguïté sur la promotion, qui est liée dans le texte à la santé : ça nous inquiète, il faut faire attention. J’avais peur que l’on reste au milieu du gué, mais si on va au bout de ce qui est proposé par le Groupe à Haut Niveau, on avancera pour la filière. Tout n’est pas parfait et il y a des manques, mais c’est la bonne direction.
En France, avec le gouvernement démissionnaire, la situation reste bloquée pour soutenir une filière en crise qui demande 40 millions € de solde pour l’aide à l’arrachage définitif, le déploiement rapide des dispositifs de prêts à court-terme et de restructuration de l’endettement bancaire, un nouveau fonds d’urgence viticole, une aide à la restructuration des caves coopératives, le soutien face aux tensions géopolitiques (taxes chinoises sur le Cognac ou nouveaux droits de douanes promis par le président américain Donald Trump et tous les dispositifs fiscaux négociés (sur le GNR, l’emploi saisonnier, la transmission familiale des vignobles)…
Tous les sujets restent posés sur la table ! On considère que dès que le nouveau gouvernement sera nommé il ne faudra pas repartir de zéro sur tous les dossiers, mais les reprendre là où ils en étaient pour aller plus loin. Nous attendons les premiers discours du premiers ministre et de son ministre de l’Agriculture pour connaître leurs engagements.