’est la question à 40 millions d’euros que la filière vin pose à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard depuis la fermeture des demandes d’arrachage ce 13 novembre : « qu’allez-vous faire du solde entre les 110 millions € utilisés pour l’arrachage définitif et les 150 millions € promis le 31 janvier par votre prédécesseur, Marc Fesneau ? Qu’allez-vous faire des 40 millions € de fonds destinés à la filière vin ? Nous souhaitons le savoir et avoir des réponses concrètes » pose Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui n’aura pas de réponse lors du salon Vinitech, la ministre ayant annulé sa venue ce 26 novembre*. Suscitant le vif intérêt de la filière, ces fonds restants étaient évoqués avant la clôture de l’arrachage par Annie Genevard ce 6 novembre devant la commission des affaires économiques du Sénat : « si la somme de 120 millions d'euros [NDLR : l’enveloppe notifiée par l’Etat à l’Union Européenne] n'était pas consommée en totalité sur l'arrachage, je ne verrais a priori pas d'obstacle à en convertir une partie sur des instruments structurels, mais je ne peux pas trop m'avancer à ce stade. En outre, j'ai pris le parti que ce soit à la profession de dire quelles orientations elle souhaite. »
Maintenant que les équilibres budgétaires sont connus, « je ne lâcherai vraiment rien. La filière avait négocié ses fonds après la manifestation de Narbonne, la rencontre de Marc Fesneau au salon Sitevi, des négociations et un déplacement dans l’Hérault » rappelle Jérôme Despey. Un budget dédié a été annoncé et doit être honoré martèle le premier vice-président de la FNSEA : « je souhaite que les engagements et la continuité de l’Etat soient respectés. Cette parole de l’Etat doit se traduire dans les faits. L’agriculture manifeste actuellement pour des annonces qui ne se sont pas concrétisées. La crédibilité de la parole publique en dépend »
4 aides prioritaires
Concrètement, ces 40 millions € pourraient appuyer le plan stratégique de la filière vin pour Jérôme Despey, qui évoque quatre priorités à financer. D’abord la création d’un fonds d’urgence au bénéfice des vignerons installés dans la décennie et n’ayant connu que des crises (climatiques, économiques, géopolitiques…). Ensuite une aide à la restructuration et au regroupement des outils économiques de la filière, en particulier les caves coopératives (fusions, synergies…). Puis une aide aux pépiniéristes mis en difficulté par les vignes mères de porte-greffes qui ne trouvent plus de débouchés. Enfin, l’appui à la promotion et à l’œnotourisme pour accompagner les investissements commerciaux. Ce dernier point ressemblant à un geste vers le négoce. « Mon rôle de président du conseil spécialisé est d’équilibrer les demandes selon les aides obtenues (arrachage, aide au stockage, distillations, fonds d’urgence…) » reconnait Jérôme Despey.


Qui a une autre urgence en tête pour la ministre : avancer rapidement sur l’intégration du vin dans le cadre d’Egalim. « Le point primordial actuellement, avec les négociations commerciales, est d’éviter le prix de prédation de certains négoces et de la Grande Distribution. On ne peut pas perdre 10 millions d’hectolitres de production nationale et faire comme si de rien n’était » s’agace Jérome Despey, qui appelle à « intégrer les coûts de production dans les prix payés aux producteurs et éviter les prix abusivement bas. Aujourd’hui, ce n’est pas décent. On aura beau trouver les meilleurs dispositifs d’accompagnement, la solution sera un prix rémunérateur » conclut-il. C’est la solution à plusieurs millions d’euros.
* : Dans un communiqué les Jeunes Agriculteurs de Gironde « regrettent l’annulation de la venue de la ministre de l’Agriculture sur le salon Vinitech » tout en « comprenant évidemment la raison de cette absence étant donné son agenda auprès de l’assemblée nationale » (le débat et le vote sur le Mercosur) », mais rapportant qu’« une rencontre de la ministre en Gironde portant sur les sujets de la filière viticole est nécessaire de manière urgente ». Le syndicat souhaitant réduire la durée de 20 ans de jachère/boisement pour le volet renaturation de l’arrachage sanitaire, l’application d’Egalim au prix des vins, la création d’une organisation de producteurs en Gironde… « Sans ces échanges indispensables, le syndicalisme et la filière bordelaise plus largement s’enfoncera encore plus dans la crise avec une cristallisation et un durcissement sur le terrain » pointe le communiqué. Ce rendez-vous manqué doit être seulement reporté pour Jérôme Despey, qui demande à la ministre de se rendre prochainement dans le vignoble bordelais. « La situation économique est difficile à Bordeaux, qui a alerté en premier sur le besoin d’arrachage » relève le viticulteur languedocien, notant que « force est de constater que les premiers signaux remontés par les vins de Bordeaux se sont généralisés aux vignobles spécialisés dans les vins rouges : Côtes-du-Rhône et Languedoc. Les mauvaises conditions conjoncturelles sont devenues structurelles. »