J’avais dit que je reviendrai... ». A son arrivée, la première phrase de Marc Fesneau résonne de sa promesse tenue lors de sa visite de novembre dernier à l’occasion du Sitevi. Réuni avec les représentants de la filière ce 2 février sur le site de Cournonsec de la cave coopérative de Montagnac La Domitienne, le ministre de l’Agriculture a énuméré la liste et le détail des mesures annoncées depuis une semaine pour la filière viticole. Le fonds d’urgence tout d’abord, confirmé à hauteur de 80 millions € sera piloté par les préfets « pour procurer plus d’agilité dans sa mise en œuvre », apprécie le président de FranceAgriMer et vice-président de la FNSEA Jérôme Despey. Comme annoncé, le dépôt des dossiers pour ce fonds d’urgence débutera « dès la semaine prochaine », valide Marc Fesneau, « le préfet pouvant ainsi apprécier chaque situation individuelle », selon les territoires et départements, pour un dispositif qui « concernera l’ensemble de la région Occitanie, la région Paca, les départements touchés en Nouvelle-Aquitaine et en vallée du Rhône, pour couvrir l’ensemble des zones en crise », appuie le ministre de l’Agriculture.
Cette aide de 80 M€ sera fléchée pour aider la trésorerie « en complément des 200 M€ pour la distillation dont la moitié est déjà arrivée sur les comptes des viticulteurs », poursuit Marc Fesneau. Cette aide conjoncturelle du fonds d’urgence sera échelonnée de 5 000 à 20 000€, selon les situations, lorsque le chiffre d’affaires et la production ont diminué. « D’un côté, le dispositif lié à l’aspect sanitaire et climatique pourra, à l’appréciation de chaque département, comparer la perte de récolte de 2023 avec la meilleure récolte entre 2018 et 2022 », prend le temps de détailler Jérôme Despey, « de l’autre côté, l’année blanche permettra au viticulteur de reporter ses annuités en fin de tableau auprès de sa banque, avec les frais et intérêts pris en charge par le fonds d’urgence ». Le cumul de ces deux dispositifs ne pourra pas aller au-delà de 20 000€ par exploitation, avec une gestion départementale pour correspondre aux spécificités du terrain. « Que ce soit dans le cadre d’une perte de récolte liée aux aléas ou d’une perte de chiffre d’affaires ou d’excédent brut d’exploitation, ce sera un minimum de 20% de pertes pour entrer dans le dispositif », renseigne encore le président des Vignerons indépendants de France Jean-Marie Fabre.
Côté structurel, le ministre confirme son engagement sur la mesure d’arrachage différé et affirme qu’aux 150 M€ apportés par l’Etat viendront s’ajouter aux 250 M€ destinés à la restructuration du vignoble (fonds OCM), « pour près de 100 000 ha en France qui pourraient être concernés », confirme Marc Fesneau. « Ces 100 000 ha représentent l’estimation faite par notre profession comme vignes à arracher dans le court terme », précise Jérôme Despey. Ce financement s’étalera sur deux ans pour un arrachage qui sera conditionné à une replantation dans les 6 à 8 ans (encore à définir), « ou la diversification vers d’autres cultures agricoles », note le ministre. Les modalités de départ définitif ne sont pas encore définies « mais on y travaille », resitue Marc Fesneau.
C’est donc une prime de 4 000€/ha qui est annoncée ce jour pour les départs définitifs, même si des négociations restent à mener auprès de l’Union Européenne. « Evidemment que ça ne suffira pas pour certains cas, mais c’est une belle avancée, avec un travail à poursuivre pour que d’autres collectivités puissent aider aussi pour ceux qui doivent sortir le plus dignement possible », précise le président des Vignerons coopérateurs d’Occitanie Ludovic Roux. « Nous voulons aller chercher des crédits nationaux de co-financement pour aider encore plus fortement ceux qui veulent arracher définitivement », appuie également Jérôme Despey. Vice-président du groupe vin du Copa-Cogeca, Ludovic Roux s’estime « confiant sur le fait que la Commission européenne valide la mesure d’arrachage définitif, en travaillant avec le ministère de l’agriculture ».
A destination des caves coopératives, qui s’étaient considérées comme « les grandes oubliées » des mesures annoncées jusqu’à présent pour la filière, le ministre confirme le travail mis en route pour les intégrer sur le sujet de l’étalement des PGE en prêts bonifiés, ainsi qu’un travail au niveau européen sur l’aide au stockage privé. « L’aide au stockage privé, nécessite une notification à l’échelon européen, tout comme l’aide aux entreprises de l’aval, qui pourrait être prise sur le fonds Ukraine. Cela peut prendre du temps, mais nous souhaitons que ce soit effectif dans ce premier trimestre, avant les prochaines élections européennes », relève Ludovic Roux. Enfin, les préfets auront la main pour attribuer, « au cas par cas, une part du fonds d’urgence pour les caves coopératives en très grande difficulté », souligne encore Jérôme Despey.