abitué aux stratégies de long-terme après 4 années au poste de Haut-commissaire au Plan et 2 ans au secrétariat général du Conseil National de la Refondation, le nouveau premier ministre François Bayrou va trouver dans la pile de demandes prioritaires le plan de sortie de crise de la filière des vins français. Succédant ce vendredi 13 décembre au savoyard Michel Barnier, en poste trois mois, le pyrénéen François Bayrou connaît bien le vignoble du Sud-Ouest pour être né dans une famille d’agriculteurs à Bordères (Pyrénées-Atlantiques) dont il a assuré un temps l’exploitation familiale (après l'accident mortel emportant son père), pour avoir été député des Pyrénées-Atlantiques de 1986 à 2012 (ainsi qu’eurodéputé de 1999 à 2002) et pour être le président du Mouvement démocrate (MoDem) dont le premier vice-président Marc Fesneau a été ministre de l’Agriculture de mai 2022 à septembre 2024.
Période pendant laquelle ont été actés les besoins d’arrachage national, dont le volet définitif ne sera pas perturbé pour 2025 (ses 110 millions € ayant été fléchés, même s’il reste en suspens la question des 40 millions € de solde entre les fonds utilisés et ceux promis par le précédent gouvernement…), tandis que la demande d’arrachage temporaire portée unanimement par la filière doit encore être négocié par le groupe de Haut-Niveau sur les politiques viticoles européennes (rendant ses conclusions à Bruxelles ce 16 décembre).


Arrivant ce jour à Matignon, le maire de Pau depuis 2014 (et président de la communauté d’agglomération Pau Béarn Pyrénées) fait face à l’impatience du monde agricole en général et viticole en particulier pour sortir de l’ornière. Les manifestations de début 2024 n’ayant pu complétement se traduire dans la réglementation et le budget (dissolution de juin et motion de censure de décembre obligent), « nous ne pouvons plus prendre de retard. Nous travaillons comme des malades pour faire rentrer les mesures concrètes dans les corps de ferme (trésorerie, simplification, négociations commerciales avec une nouvelle loi Egalim…) » regrette il y a peu Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer.
Attendant désormais de savoir qui occupera le ministère de l’Agriculture, la filière vin espère pouvoir se projeter pour avancer. « La liste de nos attentes est connue, mais notre préoccupation est d’avoir un interlocuteur avec un peu de stabilité devant nous » résume récemment Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs. qui s’alarme de la dégradation économique rapide de la filière entre déconsommation des marchés, dévalorisation des produits et explosion des coûts de production (les aléas climatiques baissant les rendements). « On traîne des dossiers depuis la fin 2023 et le début 2024. Mais au fil des échéances électorales, rien ne bouge à la fin. Sauf sur le terrain, où l’urgence est exacerbée dans beaucoup d’endroit » alerte Joël Boueilh. Partageant le constat d’« urgence de la situation dans le vignoble », Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, ne veut pas que la filière vin se retrouve dans « le no man's land du temps de calage d'un nouveau gouvernement. »
A priori sur le départ, la ministre de l’Agriculture démissionnaire Annie Genevard vient d’acter la mise en œuvre des dispositifs de prêts à court-terme et de restructuration de l’endettement bancaire. Une première étape qui en appelle d’autres pour la filière vin en pleine crise. L'enseignant agrégé de lettres classiques à l’université de Bordeaux, François Bayrou signait en 2012 un ouvrage programmatique, État d’urgence, où « il identifie les causes des difficultés du pays » dont « l’abandon de la production industrielle » rapporte le Modem.
Comme le rapporte la filière vin, il est encore temps de sauver son tissu économique, sans attendre au risque d’avoir perdu une activité capitale sur de nombreux territoires. Le risque de dévindustrialisation est fort. Ce qui nécessite en accompagnement une parole ferme pour ne pas mettre au ban la consommation de vin. Soulignant que « le vin occupe une place à part dans l’agriculture », François Bayrou indiquait à la Revue du Vin de France lors des élections présidentielles de 2012 (il a également été candidat en 2002 et 2007) qu’il ne fallait pas mettre au ban la consommation de vin : « il convient de sortir des hypocrisies. Bien sûr, les enjeux de santé publique sont réels, et l’abus condamnable. Mais arrêtons de stigmatiser une profession et un produit qui font notre fierté et participent à la renommée de la culture française dans le monde entier. Et si certains, par mode ou par opportunisme, ne respectent pas la tradition du vin, je refuse de m’aligner sur eux ! » La parole est donnée, des actes sont désormais attendus pour avoir un Haut-Commission au Plan de sauvetage viticole.