rises viticoles et politiques ne font pas bon ménage. Sans gouvernement stable, le gouvernail de l’exécutif semble bloqué pour la filière vin fasse du surplace. Des ronds dans l’eau déjà mal vécus après la dissolution de l’Assemblée Nationale (de juillet à septembre) et relancés après la motion de censure (adoptée ce 4 décembre). Réclamée par les récentes manifestations de l’ensemble du monde agricole, la mise en action urgente par le gouvernement de Michel Barnier des promesses de soutien du précédent exécutif de Gabriel Attal revient d’autant plus fort que tout ce qui était négocié et prévu dans les projets de loi budgétaires (PLF et PLFSS) vient de passer par pertes et profits, remettant les compteurs à zéro pour l’exonération sur la main d’œuvre agricole saisonnière (TODE), la défiscalisation de la Déduction pour Épargne de Précaution (DEP), la mise en œuvre des prêts de court-termes attendus mi-décembre et le dispositif de de restructuration de la dettes à long-terme pour le début 2025…
« Si nous avions le plus rapidement possible un(e) premier(e) ministre, je lui demande de s’engager pour que les annonces faites et les outils négociés avec le gouvernement, les parlementaires et les organisations professionnelles soient gravées dans le marbre » plaide Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France. Pour qui « il n’y a plus de démonstration à faire de la situation et de son urgence. Les outils ont été validés et coconstruits par le gouvernement et les parlementaires. Le scanner a été fait, le diagnostic est posé, il n’y a plus que le traitement à mettre en place. Si l’on change de médecin, gagnons du temps comme ce seront les mêmes remèdes. On ne peut pas aujourd’hui se payer le luxe de faire table rase de tout ce qui a été réalisé. J’ai le sentiment que beaucoup [dans le vignoble] ne passeront pas les mois qui arrivent alors que tout a été mis en œuvre en un temps record : c’est désolant. »


Cette motion de censure, « c’est le ciel qui nous tombe sur la tête, même si l’on voyait arriver le mur » résume Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs, partageant « une forme de dépit. Les bras nous en tombent. La liste de nos attentes est connue, mais notre préoccupation est d’avoir un interlocuteur avec un peu de stabilité devant nous. » N’ayant même pas eu le temps d’avoir un échange dédié avec la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, depuis sa prise de fonction fin septembre, la fédération des caves coopératives ne cache pas sa déception : « on traîne des dossiers depuis la fin 2023 et le début 2024. Mais au fil des échéances électorales, rien ne bouge à la fin. Sauf sur le terrain, où l’urgence est exacerbée dans beaucoup d’endroit. Les gens sous assistance respiratoire seront bientôt dans un mauvais état. Mais n’avons plus aucun interlocuteur pour répondre à nos appels, si tant est qu’il y en ait eu un avant. »
Tensions charentaises
« Notre filière est dans une situation d’urgence absolue » abonde le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), alertant que « les mesures antidumping imposées depuis début octobre par la Chine impactent désormais de façon majeure notre filière et notre région. L’ouverture de négociations pour supprimer ces taxes injustes est plus urgente que jamais. » Alors que les présidents français et chinois, Emmanuel Macron et Xi Jinping, annonçaient, ce 19 novembre lors du G20 de Rio, la visite début 2025 du premier ministre français en Chine pour résoudre ce conflit commercial, la motion de censure du gouvernement de Michel Barnier pourrait faire dérailler le début de retour à la normale diplomatique esquissée entre Paris et Pékin. « Le prochain Premier ministre doit comme prévu se rendre en Chine en début d’année prochaine » demande le BNIC, qui porte également une proposition d’adaptation des rendements selon les arrachages réalisés : « les mesures d’adaptation de notre vignoble devant permettre à nos viticulteur d’amortir partiellement le choc créé par cette situation doivent entrer en vigueur de façon rapide. Pour cela elles nécessitent impérativement l’adoption de textes réglementaires dans les prochains jours. »
Alors qu’il appelait encore récemment à la responsabilité de la classe politique, Jean-Marie Fabre ressent une forme de déconsidération dans les débats parlementaires actuels : « on parle d’une loi spéciale pour rassurer tout le monde, mais je n’ai pas entendu ceux qui ont actionné la censure évoquer la difficulté dans laquelle nous nous trouvons et comment y répondre. La loi spéciale reprendrait le budget 2024 pour 2025, sans les dispositions négociées. » Demandant que tous les dispositifs prévus pour soutenir le monde agricole soient actionnés dès la fin d’année, le président des Vignerons Indépendants demande la signature de la convention avec la BPI pour ouvrir des prêts à court-terme mi-décembre, ainsi que l’engagement des banques pour la consolidation à long-terme d’ici la fin de l’année.
« De grâce, allons vite. On ne peut plus se payer le luxe de tergiverser » poursuit le vigneron languedocien, regrettant que s’effondre « l’espoir qui se dessinait de mettre en œuvre les bons outils dans les semaines à venir pour se projeter sur le long terme. Tout a été sacrifié sur l’autel du jeu de la politique politicienne des différents partis. » Même regret pour Joël Boueilh, qui note que « les députés de bon nombre de régions viticoles ont voté la censure. C’est terrible. Je me demande s’ils se rendent compte de ce qui se passe dans leurs circonscriptions. » Désormais, « l’urgence de notre situation doit être pleinement prise en compte et tout doit être mis en place pour garantir la continuité des actions engagées, qui doivent absolument aboutir au plus vite » plaide le BNIC.