n sait qui l'on quitte, jamais qui l’on prend. Sans être surprise par ce qui était annoncé, la filière vin ne peut manquer d’être stupéfaite par la plongée dans l’inconnu qu’entraîne l’adoption ce mercredi 4 décembre par l’Assemblée Nationale de la motion de censure sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) du premier ministre Michel Barnier. Sans faire de politique, Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui se réunissait ce 4 décembre, pointe que « malheureusement pour l’agriculture, ce n’est pas une bonne nouvelle de ne pas avoir de budget et les dispositions du PLFSS et du projet de loi finances pour 2025 (PLF) sur les retraites, le GNR, l’emploi saisonnier (TODE)... On perd toute la programmation de projet de loi d’orientation pour l’Agriculture (PLOA) et des Etats Généraux de l’Alimentation (Egalim). Tout est suspendu. »
Et tout est plongé dans l’incertitude. Comme les annonces de soutiens bancaires aux trésoreries du vignoble de la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, dont les prêts de court-termes étaient attendus mi-décembre et la possibilité de restructuration de dettes était prévu pour le début 2025. « Les prêts à court-terme devraient arriver. Ce n’est pas encore dit pour ceux à long-terme » avance prudemment Jérôme Despey, pointant que la situation politique va compliquer l’avancée de toutes les demandées par la filière. Comme la demande d’arrachage temporaire portée unanimement par la filière lors de son conseil spécialisé, mais devant être négocié dans le cadre du groupe de Haut-Niveau sur les politiques viticoles européennes (rendant ses conclusions à Bruxelles ce 16 décembre). « La filière s’exprime fermement pour obtenir l’arrachage temporaire et restructurer le vignoble dans un esprit de conquête avec des cépages et profils mieux adaptés aux marchés. Mais il faut à un moment donné le mandat d’un ministre pour le porter au niveau européen » pointe Jérôme Despey*.
A l’arrachage
Si la motion de censure et la démission du gouvernement n’auront pas d’impact sur la mise en œuvre de l’arrachage définitif en 2025 (ses 110 millions € ayant été fléchés), reste en suspens la question des 40 millions € de solde entre les fonds utilisés et ceux promis par le précédent gouvernement. « Toute la filière demande la sanctuarisation des 40 millions € : il y a une unanimité pour préserver les crédits non-utilisés pour l’arrachage » rapporte Jérôme Despey, relevant là encore qu’« il faut un gouvernement pour négocier ». L’obtention, ou plutôt la récupération, de ces fonds permettant ensuite leur utilisation selon les priorités fixées par les représentants du vignoble et du négoce (sont évoquées des aides aux jeunes installés, le soutien à la promotion, l’arrachage pour les vignes-mères des pépiniéristes…).


Cette motion de censure donne l’impression de revenir à la case départ de juillet dernier, et la dissolution de l’Assemblée Nationale entraînant deux mois de gouvernement de gestion des affaires courantes. Un temps suspendu, et perdu, que la filière vin ne veut pas revivre : « nous ne pouvons plus prendre de retard. Nous travaillons comme des malades pour faire rentrer les mesures concrètes dans les corps de ferme (trésorerie, simplification, négociations commerciales avec une nouvelle loi Egalim…) » soupire Jérôme Despey. Le premier vice-président de la FNSEA confirme que les élus de la Nation vont recevoir des visites syndicales pour trouver des solutions concrètes : « il faut que les parlementaires, quel que soit leur bord, sachent la difficulté que cela engendre pour le monde agricole. Dans les prochains jours, nous allons les voir pour avancer : comment fait-on pour répondre aux demandes des agriculteurs formulées et acceptées par le gouvernement ? »
Le prochain gouvernement devant mettre la priorité sur la gestion de la crise agricole pour Jérôme Despey, qui demande au prochain premier ministre « un signal fort dès sa première prise de parole » pour donner des éléments concrets et aller vite. Le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault) notant qu’au-delà de l’incertitude sur la formation d’un nouveau gouvernement, sa durée de vie sera incertaine, étant soumise à l’adoption d’une nouvelle motion de censure faute de majorités stables à l’Assemblée Nationale. Une dose d’incertitude qui pèse d’autant plus que si demandes de soutien n’ont pas de réponses, la situation économique des entreprises vitivinicoles se dégrade très rapidement : les délais réduisant les chances de sauver ce qui peut encore l’être.
* : Pouvant être financé par l’Organisation Commune du Marché Vitivinicole (OCM vin), l’arrachage temporaire n’a pas été intégré dans le prochain budget des appels à projet pour la filière vin de FranceAgriMer. Reconduisant le plan de restructuration pour 2025 (sauf pour le volet irrigation, un appel à projet sécheresse étant mieux-disant), le conseil spécialisé doit former un groupe de travail en février prochain pour étudier les priorités budgétaires de Plan Stratégique National (PSN) afin d’y intégrer le plan stratégique de filière (et potentiellement l’arrachage temporaire).