nvitée à débattre au Sénat de la crise agricole ce mardi 8 octobre (à la demande du groupe Les Républicains dont elle est issue), la nouvelle ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, déclare d’emblée avoir « été frappée à mon arrivée par la crise que connaissent toutes les filières agricoles : grandes cultures, élevage, viticulture, industries agroalimentaires, tous souffrent. En outre, les agriculteurs ont le sentiment que les promesses de l'hiver dernier n'ont pas encore été tenues. » Depuis sa nomination ce samedi 28 septembre dans le gouvernement de Michel Barnier, « pour la viticulture, j'ai obtenu que l'Union européenne valide un dispositif d'arrachage, à hauteur de 120 millions d'euros » dans la continuité des engagements de son prédécesseur, Marc Fesneau.
Face à la réduction du potentiel de production, « la viticulture ne doit pas subir le sort de la sidérurgie » alerte le sénateur Sébastien Pla (Aude, Parti Socialiste) citant des vignerons que certains pourront reconnaître : « Ludovic, qui qualifie l'arrachage de "plus grand plan social de l'histoire du Languedoc". Frédéric, qui ne veut pas mettre fin à l'histoire de générations de vignerons. Maxime et Émilie, qui veulent "faire évoluer leur exploitation pour la rendre compétitive" - mais comment investir en période de crise ? Amandine, qui demande comment payer ses charges et ses emprunts quand "tout augmente, sauf le prix du vin". Lilian, qui souligne que l'outil de production n'est utilisé qu'à moitié, mais amorti à taux plein. »


Soulignant que « la viticulture [est] l’un des grands secteurs en crise », Annie Genevard reconnaît qu’avec « l’arrachage, comme le nom l’indique, on arrache quelque chose au terroir de France, on arrache quelque chose à l’identité de notre pays. » Rappelant que « c’est un plan qui a été décidé par la filière elle-même », la ministre tire le diagnostic conjoncturel et structurel conduisant à ce dispositif d’arrachage définitif à 4 000 €/ha actuellement doté de 120 millions € (pouvant concerner 30 000 hectares) : « parce qu’il y a trop de production, une déconsommation (moins de vin rouge, plus de blanc, plus de rosé, plus de boissons alternatives), une entrée de gamme où la France est insuffisamment positionnée et évidemment le changement climatique. Il y a beaucoup de difficulté, beaucoup de souffrance dans les bassins peinant à trouver des marchés. » Au-delà de l’arrachage définitif validé par Bruxelles, « il faut se battre aussi pour l’arrachage temporaire : ce sera le deuxième combat, celui à venir » annonce Annie Genevard. Interpelée par le sénateur audois sur les impacts de la sécheresse, la ministre promet qu’elle viendra en Occitanie.
Interpellée par le sénateur Daniel Laurent (Charente-Maritime, Les Républicains) sur les demandes de simplification administrative, de déploiement du pacte Dutreil pour la transmission des exploitations, de révision de la moyenne olympique pour l’assurance climatique, de maintien d’une fiscalité permettant une consommation modérée de vin, sur la gestion administrative des friches… La ministre Annie Genevard n’a pu répondre, son temps étant arrivé à son terme après un échange sur les taxes chinoises visant Cognac. De quoi frustrer la filière vin qui porte ses sujets depuis des mois… voire des années.
Interpellée par le sénateur Henri Cabanel (Hérault, Rassemblement Démocratique et Social Européen) sur la mise en place de « paiements pour services environnementaux, qui encouragent les agriculteurs à adopter des pratiques vertueuses […] dans la future loi d'orientation, qui manque encore de vision stratégique », Annie Genevard a pu répondre qu’elle est « très favorable à ce qu'on valorise mieux les externalités positives de l'agriculture : stockage du carbone dans les sols, préservation de la biodiversité, aménagement du territoire, entre autres. [Mais] il n'y a pas forcément besoin de la loi : des paiements pour services environnementaux peuvent être déployés par des collectivités ou les agences de l'eau. Il faut faciliter ce déploiement. »
Soulignant que « les braises de la colère ne sont pas éteintes » depuis les manifestations de l’hiver, la sénatrice Marie-Claude Varaillas (Dordogne, groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste – Kanaky) estime que « l'échec des lois Egalim impose de changer de logique. Seul un prix minimum d'entrée garantira un revenu digne pour nos paysans. » Annie Genevard réplique que « sur le prix minimum, nous ne serons pas d'accord : le prix plancher peut être un plafond. Si c'est ce que vous entendez par prix minimum, nous avons là une différence d'approche stratégique. Il faut un prix juste. » Mais « s'agissant du revenu, nous reprendrons les réflexions sur l'évolution du cadre d'Egalim. Avec la sénatrice Laurence Garnier (Loire-Atlantique, Les Républicains), nous étudions la meilleure façon d'y travailler avec vous, en lien avec votre groupe de suivi. » Le Sénat travaillant à des propositions, comme le précise le sénateur Daniel Gremillet (Vosges, Les Républicains).