près un an de négociations, de revirements, d’impatience et de déception, le dispositif d’arrachage se concrétise : « la Commission [européenne] autorise un régime d'aides français de 120 millions d'euros visant à soutenir les viticulteurs dans le contexte de la guerre menée par la Russie contre l'Ukraine » annonce Bruxelles ce 3 octobre. Prenant la forme d’une aide directe de 4 000 €/ha pour l’arrachage définitif*, « la Commission a conclu que le régime était nécessaire, approprié et proportionné pour remédier à une perturbation grave de l'économie d'un État membre ». En validant la note des autorités françaises du 19 septembre dernier, Bruxelles permet au dispositif en gestation depuis la fin 2023 dans le Sud (après la manifestation de Narbonne, le coup de pression du salon Sitevi, les annonces de février, des mois d’échange entre la France et la Commission…).
« Ça y est, c’est officiel ! » s’exclame Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui attend désormais la publication du dispositif finalisé pour que puisse s’ouvrir la téléprocédure de demande d’arrachage définitif. D’après les éléments communiqués par l’administration lors du conseil spécialisé du 2 octobre, l’outil de télédéclaration doit ouvrir mi-octobre pour fermer le mercredi 13 novembre midi. Le délai étant court pour notifier les aides aux candidats avant la date butoir du mardi 31 décembre 2024, conformément au dispositif Ukraine. Les travaux d’arrachage devront être achevés le jeudi 15 mai 2025. De quoi imaginer des paiements rapides pour les vignerons retenus.
Devant avoir un numéro de Siret et de Casier Viticole Informatisé (CVI) pour demander l’arrachage, les exploitants pourront sélectionner leurs parcelles en portefeuille qu’ils souhaitent arracher, sans critère sur la couleur ou l’âge des vignes pouvant postuler. Les vignerons pourront déposer une demande d’arrachage de la totalité des surfaces de leurs exploitations viticoles, actant l’aide à la fin de carrière de cet arrachage tenant du plan social face à la déconsommation (de vins rouges notamment). Si certains se demandent si l’arrachage doit être sollicité par le propriétaire ou le fermier d’une parcelle, l’administration répond en l’état par l’option de l’exploitant, le détenteur d’un numéro de CVI. Sachant que l’esprit de la demande française et de la validation européenne écarte les vignes en friche : « il est dit que ce sont les vignes en production qui sont concernées. L’objectif étant de réduire le potentiel de production. Il y aura un plan de contrôle pour vérifier la véracité de la déclaration » précise Jérôme Despey.


Le mystère reste entier sur le volume de demandes d’arrachage (un sondage estimant à 15 400 ha les surfaces potentiellement intéressées, alors que la filière table sur 100 000 ha de vignes excédentaires), et donc sur la consommation totale ou non des 120 millions € (soit 30 000 ha), sachant que le montant peut être augmenté de 20 % (à 150 millions €, comme promis en début d’année par le précédent ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau). « En cas de dépassement, le premier combat que je mènerai avec la filière viticole sera d’aller chercher des crédits supplémentaires pour éviter un coefficient stabilisateur » explique Jérôme Despey, notant que si le besoin dépasse la rallonge à 150 millions € (soit 37 500 ha), « il faudra négocier avec la France sur de nouveaux budgets nationaux ».
Dans l’immédiat, la décision d’ouverture de la téléprocédure d’arrachage par FranceAgriMer devra inclure un mécanisme de coefficient stabilisateur par principe. La filière souhaitant que les vignerons souhaitant arracher la totalité de leurs vignes soient exemptés de cette réduction au prorata des demandes, pour que ceux souhaitant quitter la profession puissent faire le vide (et éviter des parcelles abandonnées, la gestion des friches restant problématique). N’étant pas soumise aux minimis, cette prime à l’arrachage définitif est cependant limitée à 280 000 € par entreprise selon le dispositif des aides Ukraine. Ce qui plafonne la demande à 70 ha, même pour les arrachages de la totalité de son vignoble.


Le dispositif devra également inclure un régime de sanction, pour éviter des demandes gonflées pour anticiper la réduction par un stabilisateur. Qu’il s’agisse d’un arrachage total ou partiel de son vignoble, si 80 % des surfaces validées ne sont pas arrachées, les contrevenants perdront tout le bénéfice de l’aide et ne pourront plus demander d’aides à la restructuration pendant 6 campagnes. « Le but n’est pas d’augmenter artificiellement l’enveloppe, mais que ceux qui veulent arracher le puissent » conclut Jérôme Despey.
* : L’arrachage temporaire demandé conjointement étant discuté à part dans le Groupe de Haut Niveau qui se réunit actuellement à Bruxelles.