rand oral de rentrée ce mercredi 11 septembre à Bruxelles pour les représentants de la filière intervenant devant les membres décisionnaires de la Commission Européennes et des administrations nationales formant pour la première fois le Groupe à Haut Niveau portant sur les politiques vitivinicoles. L’occasion pour les premiers de partager leur vision de la crise viticole actuelle et d’avancer leurs propositions de solutions aux seconds, le Groupe à Haut Niveau devant rendre en début d’année 2025 ses conclusions pour lancer des actions rapides d’adaptation de la filière et pour prévoir la prochaine Politique Agricole Commune (PAC 2027) et son Organisation Commune du Marché (OCM).
Accords et désaccords
Pendant son intervention, chaque organisation vitivinicole a porté des priorités pour renforcer la filière, avec des propositions se recoupant souvent, comme sur un étiquetage ne stigmatisant pas le vin, mais pas toujours comme avec la réduction du potentiel de production viticole. La Confédération Européenne des Vignerons Indépendants (CEVI) a ainsi demandé, via sa présidente Matilde Poggi, des simplifications administratives, un soutien aux ventes en Europe et à l’export… Représentée par l’eurodéputée sortante Anne Sander, l'Assemblée des Régions Européennes Viticoles (AREV) a défendu l’innovation avec les drones ou les Nouvelles Techniques Génomiques (NTG), la simplification administrative (par exemple pour la vente de vin entre pays européens), mais affirme dans un communiqué son « opposition à une politique massive d'arrachage, en préconisant des outils permettant d'adapter la production à la demande tout en évitant la délocalisation de la viticulture vers d'autres continents ».
Intervenant par son secrétaire général, Ignacio Sánchez Recarte, le Comité Européen des Entreprises du Vin (CEEV) indique que s’il faut « mieux gérer le potentiel de production pour améliorer l'équilibre entre production et demande », le négoce estime que « la vendange en vert devrait être la seule mesure "corrective" utilisée et en déconseillant fortement l’introduction d’un mécanisme d’arrachage généralisé. Si des fonds publics devaient être alloués à de telles actions, des conditions strictes doivent être appliquées. » Par la voix de son président, Riccardo Ricci Curbastro, la Fédération Européenne des Vins d'Origine (EFOW) est moins tranchée en demandant plus généralement « des mesures de marché pour soutenir les opérateurs en difficulté, assorties de conditions ».


Prenant la parole en tant que vice-président du groupe vin de la Copa-Cogeca, Ludovic Roux pointe que toutes les organisations de la filière se sont consultées en amont pour partager leurs positions et arriver avec des propositions cohérentes voire consensuelles. « Evidemment avec des nuances » reconnaît le vice-président Europe des Vignerons Coopérateurs de France, qui porte à Bruxelles les sujets français de l’arrachage, définitif et temporaire et note une base d’accord avec le négoce européen : « le Comité vin dit que l’arrachage n’est pas une solution à long terme pour piloter la filière vin. S’il suffisait d’arracher pour que demain ça aille bien, ça se saurait. Mais l’arrachage est un outil obligatoire : il y a des situations de faillite. Nous devons appeler un chat un chat. Il faut trouver des solutions pour sortir ces vignes. »
Alors que les vendanges témoignent d’un malaise croissant dans le vignoble français, « il y a un besoin urgent d’avoir une réponse sur l’arrachage » pointe le viticulteur des Corbières, notant que le volet définitif est en discussion directe entre la France et la Commission (avec l’objectif d’une mise en œuvre pour le 15 octobre), alors que l’arrachage temporaire est un sujet évoqué lors du Groupe à Haut Niveau (avec des intérêts exprimés par la France, l’Espagne et l’Italie). « Il ne faut pas opposer les deux systèmes, ils n’ont pas la même optique » indique Ludovic Roux, alors que l’arrachage définitif serait un outil français d’urgence et que l’arrachage temporaire semble s’orienter vers une intégration à la PAC. Pour le viticulteur, « il n’y a pas eu d’oppositions fermes. Des pays en sont plus friands que d’autres. Cela peut être un outil de flexibilité. »


Portant les trois axes de propositions du Copa Cogeca*, Ludovic Roux les résume par des mots clés : « flexibilité, agilité, innovation et rentabilité ». Ce dernier terme étant le « maître mot. Tout l’objectif est de retrouver de la rentabilité. Quand ce sera fait, ce qui est possible, on pourra reprendre des parts de marché que l’on a perdues. La consommation de vin baisse dans le monde, mais celle d’alcool continue à monter. Ce n’est pas l’alcool qui est le sujet, c’est l’adaptation de nos vins aux consommateurs. » Alors que Cognac propose son propre outil de renforcement de la rentabilité par un rendement différencié, « ça peut être solution dans certains secteurs, mais ce n’est pas duplicable partout » pointe Ludovic Roux, soulignant que « dans le grand Sud, on est à un petit 50 hl/ha » (bien éloigné des 95 hl/ha prévus dans le vignoble charentais pour le millésime 2024 réduit). Pour le coopérateur, « il y a une multitude de solutions qui peut être envisagée, mais a aucune n’est duplicable partout. C’est pour ça qu’il faut de la flexibilité. »
Autre proposition innovante travaillée en Occitanie et portée à Bruxelles par Ludovic Roux : une évacuation de la surproduction de vin en cas de crise par des usages industriels (sucres, sirops, pépins…) dont la moindre rentabilité serait compensée par un fonds de mutualisation dédié (géré par bassin avec de l’argent public et une cotisation de solidarité de la filière). « Quand il y a surproduction, l’idée est d’agir vite pour envoyer ces volumes vers des marchés évitant de dévaloriser les vins » explique le viticulteur du Midi, pour qui « mieux vaut vendre un petit volume de sa production à petit prix pour conserver la valorisation du reste, plutôt que de voir tous les prix s’effondrer. »
Avec toutes ces analyses et propositions, « les pouvoirs publics ont du grain à moudre » résume Ludovic Roux, qui appellent à des réponses rapides et fortes alors que les craintes pour la pérennité des exploitations touchent jeunes comme anciens. « Il y a un énorme problème de rentabilité » conclut-il.
* : Les propositions du Copa Cogeca portent d’abord sur l’adaptation au changement climatique (par exemple avec le renforcement de l’assurance, qu’il s’agisse de pertes de récolte, de risque géopolitique…), ensuite sur la meilleure rémunération (un partage de la valeur touchant au droit sensible de la concurrence) et enfin la relance de la consommation (avec plus d’innovation sans ).