près de longs mois de silence, apparemment moins diplomatique que technocratique, la Commission européenne réagit ce mardi 8 octobre aux annonces de surtaxes chinoises provisoires de 34,8 % sur les brandies européens dès ce vendredi 11 octobre (sous la forme de cautions imposées aux importateurs chinois) en réaction apparente au vote européen du vendredi 4 octobre sur des taxes européennes visant les voitures électriques chinoises (l’enquête antidumping chinoise sur les eaux-de-vie de vin étant opportunément apparue comme levier de pression sur la France).
Sans parler de mesures de rétorsion dans sa réaction, Bruxelles remet en cause les fondements de l’enquête antidumping à l’origine des surtaxes et annonce porter la contestation auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) : « l’Union Européenne prend avec la plus grande gravité toute utilisation déloyale des instruments de défense commerciale à l’encontre de tout secteur de notre économie ». Évoquant la possibilité d’aider les filières affectées par ces mesures de rétorsion, Bruxelles indique dans sa communication « identifier et évaluer attentivement toutes les possibilités d'apporter un soutien approprié aux producteurs confrontés à l'impact négatif de cette décision injustifiée du gouvernement chinois (outils répondant à des situations de perturbation du marché ou de menace de perturbation du marché) ».
Des annonces qui ne sont pas les réponses attendues par les vignerons et négociants charentais qui ne demandent qu’à sortir de ce conflit les prenant en otage. « La priorité absolue est d’éviter les taxes » martèle Raphaël Delpech, le directeur du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC), expliquant à Vitisphere qu’« une action devant l’OMC n’aboutirait à rien avant des années, elle ne nous prémunirait pas de l’immense gâchis qui s’annonce pour nos opérateurs et nos régions ». En témoignent les vins australiens, taxés par Pékin de 116 à 218 % de mars 2021 à mars 2024 à cause de propos de Canberra sur l’origine de la crise covid, et ayant perdu leur leadership sur le marché chinois (passant de 1,21 million d’hectolitres en 2020 à 14 000 hl en 2023).


Quant à la perspective d’aides européennes, « évoquer d’éventuelles compensations ne peut pas exonérer nos autorités d’une action de protection concrète, maintenant » poursuit Raphaël Delpech, notant que « pour compenser le dommage qui vient, dû à la perte brutale d’un débouché essentiel pour nous, il faudrait injecter plusieurs centaines de millions d’euros par an, qui manqueront à nos filières et ne reviendront plus dans nos territoires. Est-ce de cela qu’il est question ? Nous voulons une action sur le réel. Le sujet aujourd’hui, dans les tous prochains jours, c’est d’éviter ces taxes et de nous sortir d’une histoire à laquelle nous n’aurions jamais dû être mêlés. »
« La filière avait prévenu du risque rétorsion » lance le sénateur Daniel Laurent (Charente-Maritime, Les Républicains) ce 8 octobre en séance, à la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, lui répétant que « c’est urgent […] attendez-vous à de fortes mobilisations dans les territoires si rien n’est fait ». « La question du Cognac est un sujet de préoccupation majeure, liée aux mesures de rétorsion chinoises » lui répond Annie Genevard, reconnaissant que « la France est placée devant un choix des plus difficiles : il y a la préservation de sa filière automobile électrique et il y a aussi le souci de préserver l’un des fleurons de l’agriculture française, le cognac (l’armagnac étant moins exposé me dit-on) ». Annonçant recevoir ce lundi 14 octobre les représentants de la filière Cognac, la ministre annonce soutenir la démarche européenne de contestation des droits chinois devant l’OMC et les travaux du BNIC sur « des mesures activables pour anticiper l’impact d’éventuelles mesures chinoises » (notamment un rendement modulable en fonction des surfaces).
« La Commission européenne et le gouvernement français ne peuvent pas purement et simplement nous abandonner, après nous avoir dit que tout était sous contrôle » analyse Raphaël Delpech, le directeur du BNIC notant que « cela fait des mois que la catastrophe est annoncée et que nous alertons sur la réalité de la menace qui pèse sur nos secteurs, sans être écoutés. Nous sommes maintenant au pied du mur. » D’autant que ce conflit commercial n’est ni le premier, ni le dernier, à prendre en otage les vins et spiritueux français. Cette « situation n’est pas sans rappeler la taxe Trump, dont le moratoire finira en 2026 et sans solution pérenne à l’aube des élections américaines » alerte le sénateur Daniel Laurent.