ne filière au ministère. Ce mercredi deux octobre, les représentants des vins français présentaient à la nouvelle ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, leur plan stratégique et leurs besoins de soutiens politiques aussi urgents que consistants. « L’enjeu aujourd’hui est la survie d’une filière contributrice nette à la balance commerciale française d’une part et à sa dimension culturelle d’autre part » résume un communiqué commun*. Pendant deux heures, les représentants de la filière ont alerté la nouvelle locataire de la rue de Varenne sur les leviers à actionner pour redonner de l’oxygène à une industrie malmenée depuis des années par les crises géopolitiques, sanitaires, climatiques, économiques…
Au nom de la Fédération des Exportateurs de Vins & Spiritueux de France (FEVS), la négociante charentaise Patricia Gaboriau a alerté sur les conflits commerciaux menaçant la filière. À commencer par l’enquête antidumping chinoise visant les cognacs et armagnacs en mesure de rétorsion aux taxes européennes ciblant les voitures électriques venues de Chine. La filière demande au gouvernement français de retarder le vote de la Commission européenne sur la taxation des batteries électriques pour négocier, et éviter, tous droits de douane néfastes aux eaux-de-vie de vin. « La ministre en fera un sujet prioritaire pour éviter un préjudice commercial très impactant pour la filière des spiritueux » rapporte Jérôme Despey, tout juste réélu président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer (l’arrêté de promulgation doit encore être publié).
Déduction du potentiel viticole
Portant le sujet de l’arrachage avec Gérard Bancillon, président de Vin IGP, Jérôme Despey note que la filière attend toujours le retour de la Commission européenne sur la notification des autorités françaises débloquant 120 millions d’euros pour arracher définitivement 30 000 hectares à 4 000 €/ha : la validation de Bruxelles serait imminente. Avec une enveloppe pouvant théoriquement être portée à 150 millions € de prime à l’arrachage (et donc 37 500 ha), mais de grosses incertitudes pesant sur les futures demandes d’arrachage définitif (du plancher de 15 400 ha potentiellement intéressés selon un sondage récent au plafond de 100 000 ha de vignes excédentaires évoquées depuis l’an dernier par les représentants de la filière vin), les représentants du vignoble sont prudents : en cas de demandes supérieures à l’enveloppe, ils souhaitent qu’il n’y ait pas de stabilisateur et que toutes les demandes soient honorées.
Ne s’avançant pas sur le sujet, la ministre a rappelé les contraintes budgétaires avant d’appeler à étudier le bilan du futur appel à candidature. Regrettant que le dispositif d’arrachage temporaire ait été dissocié de celui définitif, Jérôme Despey a demandé à la ministre d’« obtenir d’ici la fin de l’année le dispositif d’arrachage temporaire de la part des autorités communautaires avec le groupe à haut niveau. C’est capital pour accompagner ceux qui veulent rester dans la filière, investir et replanter. Nous l’avons sentie très allante et motivée. » La question de la gestion des friches a également été porté auprès du ministère, par Jérôme Bauer, le président de la CNAOC.
Chasse aux trésoreries
Président des Vignerons Indépendants, Jean-Marie Fabre a porté la demande d’« un pacte de consolidation [des entreprises viticoles] mis sur la table par l’État avec la fédération des banques ». Ayant échangé avec les principales banques, le vigneron pointe un consensus entre filière et groupes bancaires : les opérateurs du vignoble ont besoin d’une consolidation durable des encours bancaires après l’important recours aux Prêts Garantis par l’État (PGE). « Nous demandons évidemment un effort des banques sur les taux des prêts de consolidation et de restructuration de l’endettement. Mais ces coûts de reconsolidation bancaire sont élevés par la prise de garantie sur les marchés extérieurs » souligne Jean-Marie Fabre, demande à ce que l’« État se substitue sur les garanties de prêts, pour réassurer le risque du rachat de la consolidation bancaire » sachant que l’« engagement financier sera nul » si les encours étalés sont dûment remboursés.
La réponse de la ministre à cette demande d’aide à la consolidation bancaire aurait été plutôt favorable, Annie Genevard indiquant avoir conscience que la consolidation bancaire des entreprises leur permet de faire face aux charges du quotidien, aux besoins d’investissement d’avenir… Et d’éviter des impasses économiques ayant un coût pour l’ensemble de la société poursuit Jean-Marie Fabre, qui salue l’écoute de la nouvelle ministre, en poste depuis 10 jours, et sa prise de conscience d’une crise nourrie d’« aléas multifactoriels » . Espérant que cela marque une ministre dans l’action rapide et pas dans l’analyse, alors que d’autres secteurs agricoles connaissent des difficultés de trésorerie (élevage et grandes cultures).


Autre point porté par Jean-Marie Fabre, l’adaptation du vignoble face au changement climatique pour atténuer ses multiples aléas (gel, grêle, sécheresse…). « Le coût de la prévention sera une économie d’échelle forte pour l’État n’intervenant plus autant » plaide Jean-Marie Fabre, qui appelle également à un renforcement du dispositif assurantiel : « nous demandons d’aller vite sur la référence historique. Tous les engagements financiers seront annihilés si l’on n’a pas la capacité de changer la moyenne olympique. » Un sujet de résilience climatique qu’Annie Genevard emporte avec elle pour le prochain conseil européen des ministres de l’Agriculture.
Autre point conjoncturel, la nécessaire restructuration des caves coopératives par rapprochement et fusion avec un plan. « Le programme d’arrachage national aura un impact sur la viabilité de certaines caves coopératives. Il y a nécessité de mettre en place une restructuration régionale des coopératives » porte Stéphane Héraud, le président de l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV), qui plaide pour « le financement d’étude d’accompagnement, le renforcement des bilans par des subventions sur fonds propres des cooperatives absorbantes, le financement de la fermeture de sites suite aux fusions ».


Le viticulteur bordelais souligne que si « les coopératives viticoles sont un modèle résilient qui a permis de traverser les crises à rebondissement depuis cinq ans », elles « sont aussi fragilisées par la dureté de celle que nous traversons ». Ce qui nécessite des mesures d’aide à court-terme : aide au stockage privé (« comme post-covid » en 2020), une aide pour l’aval (« comme pour le gel de 2021 ») et une consolidation des encours bancaires (pour soutenir les trésoreries, dans la lignée du PGE, du fonds d’urgence viticole…). « Ces aides de court-terme ne seraient pas exclusives aux coopératives, toute la filière étant fragilisée » précise Stéphane Héraud.
Plan d’expériences
Sur le volet structurel, Bernard Farges, le président du CNIV, a déployé les quatre axes du plan stratégique de filière (à l’étude depuis 18 mois) avec les enjeux de réduction de la production, de segmentation et de développement export (appuyé par Michel Chapoutier, président de l’UMVIN), le développement de l’œnotourisme, le soutien de la promotion et la relance de la consommation (avec Samuel Montgermont, président de Vin & Société), et d’adaptations techniques s’appuyant sur l’innovation (avec Bernard Angelras, président de l’Institut Français de la Vigne et du Vin, IFV). Ce dernier point étant au cœur d’un précédent plan de filière sur l’adaptation au changement climatique présenté l’été 2021 au ministre d’alors, Julien Denormandie.
* : Soit la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux-de-vie de à Appellations d’Origine Contrôlées (CNAOC), la Coopération Agricole – Vignerons Coopérateurs (VCF), les Vignerons Indépendants de France, la Confédération des Vins IGP (VinIGP), la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA), le Comité National des Interprofessions des Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV) et l’Union des Maisons du Vin (UMVIN).