es échanges que Gilles Salva a eu avec plusieurs vignerons lui laissent penser que la baisse de 13% de vendange annoncée ce 8 octobre par les Services de la Statistique et de la Prospective du ministère de l’Agriculture par rapport à l’« année record » de 2023 est encore un peu sous-estimée. « Je ne serai pas étonné que l’on atterrisse sur du -15 ou -17% au moment des déclarations de récolte, avec de grosses hétérogénéités d’une parcelle à une autre », indique le directeur du pôle végétal du Centre de recherche viticole corse (CRVI).
Le vignoble corse n’a pas souffert comme le continent de gel, de coulure, de millerandage, de mildiou, ou d’orages de grêle mais plutôt de la sécheresse estivale, « particulièrement le cépage sciaccarello », pointe Gilles Salva.
Les vendanges ont commencé bon train début août avec une semaine d’avance sur 2023. Le rythme s’est calmé en septembre sous le double effet de la succession d’épisodes pluvieux et des attaques de la cicadelle africaine. « L’état sanitaire ne s’est pas dégradé mais la maturation s’est bloquée. A la fin des vendanges, les raisins ne prenaient plus que 0,1 degré par semaine contre 0,5 en temps normal. Vers Ajaccio, la Balagne, et Patrimonio, les derniers sont rentrés début octobre avec une semaine de retard », retrace Gilles Salva.
Dans les caves, Antoine-Michel Guagnini a constaté de grandes différences entre les raisins blancs et rosés rentrés avant d’être dilués et les rouges. « Après les avoir complémentés en azote, les vignerons n’ont eu aucunes difficultés avec le vermentino, le sciaccarello et les premiers grenaches. Les fermentations n’ont pas été très rapides mais comme les degrés alcooliques sont modérés elles sont allées au bout sans peiner, et les vins sont aromatiques et bien équilibrés malgré le faible niveau d’acide malique, avec un pH avoisinant les 3,4 », décrit l’œnologue-conseil de la Chambre d’agriculture de Haute-Corse. Les rouges n’ont en revanche pas atteint leur pleine maturité phénolique et ont demandé plus de travail pour corriger les verdeurs et les amertumes. « 2024 ne sera pas un millésime de garde, plutôt un millésime à boire dans sa jeunesse, sur le fruit, avec des teneurs en alcool modérées », annonce Antoine-Michel Guagnini, qui attend désormais le déclenchement des fermentations malolactiques.