près la cuisine fusion, l’assemblage entre nations. Allant à l’encontre de la pyramide des valeurs de la filière vin, où plus le vin est cher plus il est ancré dans un terroir et une histoire, la maison Wessman dynamite les règles du vin premium en développant une cuvée La Folie qui pioche dans des vins bien éloignés de ses vignobles français de Bergerac (75 hectares en Dordogne) et de Limoux (30 ha dans l’Aude). « Cet événement est unique. J’espère » pose Róbert Wessman, milliardaire islandais investissant depuis 2016 dans le vignoble et ouvrant cette opération d’assemblage menée ce 21 juin avec la presse et des sommeliers internationaux au domaine des Verdots (Conne-de-Labarde, Dordogne).
« Aujourd’hui il n’y a pas de règle : on va faire la folie » pose l’expert suédois Andreas Larsson, le meilleur sommelier du monde 2007, orchestrant l’assemblage qui se base sur des vins blancs de Limoux, des vins rouges de Bergerac (merlot, cabernet sauvignon, cabernet franc… en monocépage ou assemblage), de Provence (syrah), tempranillo de la Rioja (Espagne), cabernet et merlot de Toscane ainsi que sagrantino et sangiovese d’Ombrie (Italie)… Le tout avec des millésimes, vinifications et élevages différents. « Nous créons les nations unies du vin : dans l’amour, la paix et l’harmonie » s’amuse Andreas Larsson.


« Nous sommes ici sur l’assemblage de vins internationaux. Ce n’est pas la même chose qu’un assemblage de propriété. Là il s’agit d’essayer d’associer des identités différentes » expose l’œnologue bordelais Julien Viaud, le président des laboratoires Rolland & Associés (Pomerol, Gironde). Réalisant en retirant un cépage ou en accentuant le poids d’un autre comme « on ajoute du sel ou du poivre », le vinificateur précise que « le projet de la folie n’est pas de proposer un vin de lieu. Nous ne sommes pas dans la philosophie de l’identitaire d’un terroir. Dans ce projet, que l’on peut aimer ou ne pas aimer, on cherche à marier des terroirs avec des qualités différentes. »
« On prend le meilleur de chaque vignoble. On se fiche de l’appellation, on peut aller en vin de France ou vin de la communauté européenne » résume James de Roany, le PDG de la maison Wessman, qui applique le souhait de Róbert Wessman : transposer la cuisine fusion aux vins : « sortons des frontières traditionnelles pour cibler le plaisir du consommateur ». Iconoclaste dans le monde des vins premiums (la première édition de "la folie" était vendue 25 €, avec merlot de Bergerac et syrah du Languedoc), cette démarche se veut dans la continuité des vins du Médoc hermitagés pointe James de Roany. Elle pourrait aussi s’inscrire dans l’héritage des entrepôts de Bercy où s’assemblaient vins d’Algérie, d’Espagne, de Bordeaux, du Midi, du Rhône… Mais alors que ce début 2024 a été marqué par des citernes de vins espagnols vidées dans le Sud de la France, la maison Wessman propose une approche différente des habituels "Vins de la Communauté Européenne".
Mais même ce cadre lui semble étroit. Réalisés pour l’expérience, des assemblages avec des vins sud-américains (carménère du Chili et malbec d’Argentine) intéressent Róbert Wessman. L’idée pouvant être de proposer une expérience de réunion dans la bouteille de cépages originaires du Sud-Ouest et devenus internationaux depuis. Avec une proposition d’assemblage 50 % français et 50 % sud-américain, on a un vin du Sud-Ouest par les cépages note Andreas Larsson. Si James de Roany pointe que de tels assemblages ne peuvent être réalisés en Europe, il glisse que cela pourrait se faire en Suisse ou en Grande Bretagne… Si la Folie pourrait continuer de gagner la gamme Wessman, les volumes prévus sont limités entre 6 et 12 000 cols (le premier essai l’an passé s’étant écoulé à 1 200 cols), soit 1 à 2 % des volumes commercialisés pondère James de Roany.
De quoi nourrir des dégustations à l’aveugle pour le moins ardues… Avec un verre de la Folie, « à l’aveugle, on pourrait techniquement trouver qu’il s’agit d’un assemblage avec une typicité de cépages ou de régions : syrah, cabernet… On peut s’approcher d’un style, mais pas trouver le détail » reconnaît Andreas Larsson.