’offrant un plaisir de vinificateur rompu aux chais d’Argentine comme d’Australie et du Chili, Jacques Lurton signe trois vins de cépages pour le moins inhabituels à Bordeaux : « il est rare de trouver un cabernet franc pur, personne ne fait de petit verdot et le carménère encore moins… » souligne Jacques Lurton, le PDG des vignobles André Lurton. Présentant discrètement ces trois microcuvées sur le salon Wine Paris & Vinexpo Paris (avec 3 200 bouteilles en tout, voir encadré), le président de l’AOC Pessac-Léognan propose aux consommateurs un aperçu insolite des vins bordelais et une démonstration aux opérateurs girondins.
« Des variétés bordelaises ont la capacité de produire des vins monovariétaux et de rentrer dans assemblages tout en restant dans style bordelais » pointe-t-il, soulignant « l’intérêt de chercher une solution au réchauffement climatique pour les assemblages. Bordeaux en a sous la pédale pour faire face ». Reconnaissant que la carménère est difficile à dompter (entre débordement de vigueur et déphasage de maturité entre les peaux et les sucres) et qu’il faut utiliser le bon clone de petit verdot (pour éviter une vigne « sauvage »), Jacques Lurton souligne que ces outils permettent d’enrichir la capacité d’adaptation du vignoble bordelais au changement climatique : « les vins de Bordeaux ne doivent pas perdre la palette d’ingrédients des cépages et ne pas se retrouver qu’avec le seul cabernet sauvignon ». Voyant des remplaçants possibles au merlot dans le cabernet franc pour la rive droite et le petit verdot sur la rive gauche, Jacques Lurton précise que « ce n’est pas le merlot qui doit être remis en cause à Bordeaux, mais la façon de le cultiver. Il faut changer les méthodes culturales pour éviter sa déshydratation. » Quant à la carménère, ce serait un cépage parfait pour les assemblages. Une cuvée malbec est désormais en projet.
Suivant son idée de se doter d’« ingrédients » pour remplacer des cépages qui ne seraient plus adaptées au climat de demain, Jacques Lurton va tester grandeur nature des cépages résistants au mildiou et à l’oïdium avec la plantation de 2 hectares qui perdront alors leur AOC Pessac-Léognan (les vignobles André Lurton en exploitent 280 hectares sur l’appellation). Ayant déjà planté de l’alvarinho l’an passé au château Bonnet (AOC Bordeaux), Jacques Lurton ne croit par contre pas que l’avenir du vin rouge de Bordeaux se trouve dans le Touriga Nacional, pour le connaître.
S’offrant un plaisir de créatrice, Claire Dawson, directrice marketing des vignobles André Lurton a conçu les identités des 3 microcuvées :
-"Cœur perdu : cabernet franc du château Barbe-Blanche 1 200 bouteilles Lussac-Saint-Émilion). En référence aux soldats américains soignés pendant première guerre mondiale à Lussac et ayant épousé des jeunes filles du cru.
- "Noroît" : petit verdot du château de Rochemorin (1 200 bouteilles Pessac-Léognan). Terme de marine pour désigner le vent de nord-ouest.
- "Tracé Carménère": carménère du château de Cruzeau (800 bouteilles en Pessac-Léognan). D'après le parcellaire de 10 rangées formant une ligne droite.
Le prix de vente consommateur est de 45 à 50 €, sur site de vente en ligne du groupe.