C’est sans doute le facteur-clé : obtenir du volume en bouche nécessite des raisins de bonne maturité. « En Languedoc-Roussillon, il faut viser un minimum de 13,5 à 14 % vol., indique Jean-Christophe Martin, œnologue-conseil à l’ICV. On peut aller jusqu’à 14,5-15 % vol. pour les haut de gamme. Mais attention à ne pas atteindre des degrés excessifs qui font fuir les consommateurs. » « L’alcool a un côté enrobant qui amène de la sucrosité, abonde Sébastien Pardaillé, œnologue-conseil Natoli & Associés. Mais il faut également surveiller la maturité phénolique et veiller à avoir des tannins bien mûrs afin d’éviter l’astringence, qui nuit au volume en bouche. » Avec des raisins à 12 %, les vins manqueront de volume. « La thermo peut corriger cette lacune, poursuit Jean-Christophe Martin. En chauffant le moût entre 65 et 70 °C pendant 8 heures, voire davantage, on gagne en volume en arrondissant les tannins. »
« Je recommande des extractions douces, avec deux à trois remontages par jour, seulement en début de fermentation pour éviter d’extraire les tannins des pépins, précise Antoine Médeville, directeur du laboratoire Œnoconseil de Pauillac. À partir de 1030 à 1020 de densité, je conseille d’arrêter les remontages et de maintenir une température de fermentation entre 20 et 25 °C, afin d’obtenir une fermentation lente, qui amène plus de gras et de sucrosité. »
Christophe Coupez, œnologue-conseil et chargé de développement à la chambre d'agriculture de Gironde, privilégie les délestages. « Nous avons fait des essais comparatifs : le délestage donne plus de volume que le remontage, assure-t-il. Il fait monter le milieu de bouche. »
Une fois la fermentation alcoolique terminée, si le volume en bouche n’est pas satisfaisant, Sébastien Pardaillé recommande la macération post-fermentaire à chaud. « C’est une pratique bourguignonne qui fonctionne très bien, assure-t-il. En chauffant entre 28 et 32 °C les vins encore sous marc, on extrait des polysaccharides qui arrondissent les tanins et amènent du volume en bouche. L’effet est très significatif. »
Le travail des lies est un autre moyen de gagner du volume. « Il est possible de réaliser le bâtonnage sous marc ou après écoulage, soutient Antoine Médeville. Plus tôt on démarre, plus l’effet sera bénéfique. En bâtonnant deux à trois fois par semaine pendant dix à quinze jours, on gagne du gras qui emplit le milieu de bouche. » « On peut même ajouter des lies de vins blancs dans les rouges pour renforcer cet effet », ajoute Sébastien Pardaillé.
Christophe Coupez observe qu'« autrefois, on soutirait tous les deux mois. Aujourd’hui, on bouge beaucoup moins les vins, notamment quand ils sont en barriques. L’oxydation ménagée, combinée à l’apport du bois et à la présence des lies booste le volume ». La barrique, comme les alternatifs, amène de la sucrosité. S’agissant des alternatifs, les quatre œnologues recommandent plutôt le bois frais ou peu chauffé, et de chêne américain qui amène plus de rondeur.
« Il est fréquent que les presses intermédiaires issues de macérations courtes amènent du volume », observe Jean-Christophe Martin. Un avis que partage Antoine Médeville : « Il faut déguster les presses et les traiter selon leurs caractéristiques organoleptiques. Quelquefois, la P2 est la meilleure et peut apporter du volume ».
Avant la mise en bouteille, il est possible, afin de gagner encore en rondeur, d’ajouter des gommes arabiques ou du moût concentré. « Avec 2 à 3 g/l de MCR, si on veut rester discret ; et jusqu’à 8 à 10 g/l pour ne pas trop sucrer les vins, on gomme les tannins, souligne Sébastien Pardaillé. C’est la dernière touche qu’on peut actionner afin d’obtenir du “glissant” et de la sucrosité. »