évoilant leur palmarès ce mardi 28 novembre sur le salon salon Sitevi (à Montpellier), les jurés des "Vignes d'Or" ont distingué sept pratiques vertueuses.
La cave de L'Ormarine a reçu le prix de l'innovation en viticulture. En effet, pour endiguer les attaques de Cryptoblabes, cette coopérative basée à Pinet est devenue site pilote, dans l’Hérault, de la lutte contre cette pyrale avec des trichogrammes. Cette année, une dizaine d'adhérents volontaires a employé cette stratégie sur une trentaine d'hectares. Tous les 10 m2, ils ont placé une plaquette enfermant des œufs de trichogramme, d’abord le 9 août puis le 23 août. A la vendange, pas de crypto dans ces parelles. Mais comme c’était une année de faible pression de ce ravageur, Virginie Berthuit, en charge de ces essais prévus pour trois ans, se garde de conclure. En attendant, elle pèse le pour et le contre. « Les tricho nous permettent de protéger les riverains et de préserver les eaux, mais ils coûtent cher -160 €/ha, pour un mois de protection alors que Proclaim, l’insecticide que nous utilisons, coûte 46 €/ha- et il faut attendre trois semaines avant de les mettre sur des parcelles qui ont reçu du soufre ou un insecticide ».
Le domaine du Mascareil a reçu le prix de l'innovation en oenologie. David Chateau, vigneron de 6 ha à Castelnou (Pyrénées-Orientales), voulait l’autonomie énergétique complète de son chai de 340 m2 qu’il a fait construire en 2022. Alors il a installé des panneaux solaires qu’il a dimensionnés après avoir calculé la consommation de tous ses équipements, de la réception vendange jusqu’à l’étiqueteuse, en passant par le pressoir et la thermorégulation. Selon ses estimations, il lui fallait 9 kilowatts-crête (kWc) pour les pics de consommation et 30 kW par jour. « Par sécurité, nous avons opté pour 36 panneaux photovoltaïques de 65 m2 au total, pouvant fournir 13,5 kWc », avance-t-il.
Pour stocker la production excédentaire et avoir du courant la nuit, il y a ajouté des batterie au lithium offrant 1 à 2 jours d’autonomie. Par sécurité, il a aussi acquis un groupe électrogène. En tout, David Château a dépensé 30000 €, à peu près la somme que lui aurait coûté le raccordement au réseau électrique, son chai étant isolé, « sauf qu'aujourd'hui je suis autonome en électricité », observe-t-il.
Le château de Lancyre à Valflaunès (Hérault) a reçu le prix de l'innovation commerciale. Ouverte depuis avril 2021, sa balade oenotouristique fait parler d’elle. « Nous avons créé 12 panneaux au long d’un sentier de 4,5 km pour raconter l’histoire et la géologie de notre domaine, pour expliquer la culture de la vigne, évoquer l’ancienne charbonnière présente sur le tracé et décrire la biodiversité que l’on rencontre dans nos vignes », détaille Chloé Cerdan, responsable communication et œnotourisme.
Pour cette balade d’environ 2 heures, le château a fait preuve d’originalité. « Tous les poteaux des panneaux sont d'anciens piquets de tête de vigne, détaille Chloé Cerdan. Et nous avons créé des bancs avec des pierres ramassées dans nos parcelles ». Les retombées sont multiples. « La balade attire une nouvelle clientèle plus familiale. Nous avons organisé un week-end portes ouvertes autour d’elle qui nous a ramené plus de 300 personnes. Nous avons créé une nouvelle cuvée à son nom ».
Le château Guilhem à Malviès dans l’Aude a reçu le prix de l'innovation marketing. En effet, depuis décembre 2022, il tire tous ses vins dans une bourguignonne de 425 g. « Chaque carton pèse 1,6 kg de moins qu’avant, affirme Bertrand Gourdou, le propriétaire de ce domaine. Nous produisons 150 000 cols par an. Nous avons économisé 25 t de verre. » Le reste est à l’avenant. Il n’y a plus de capsule de surbouchage. Les étiquettes sont en papier certifié FSC, imprimées avec des pigments naturels, sans dorure ni vernis. Les cartons se referment sans scotch. Le film qui couvre les palette est 100 % biodégradable. « Nous avons sélectionné tous nos fournisseurs à moins de 100 km de chez nous. Nous n’utilisons plus qu’une bouteille, un bouchon, un carton. Nous avons fait de véritables économies », déclare Bertrand Gourdou qui est en bio depuis 2007. Ses distributeurs, des magasins spécialisés dans le bio, l’ont suivi, renouvelant leurs commandes. Bertrand Gourdou veut encore renégocier les prix avec son transporteur, faire son bilan carbone et passer à la consigne, ce qui le tracasse un peu car il va devoir prendre des bouteilles plus solides, donc plus lourdes.
La distillerie de la Tour à Pons en Charente-Maritime a reçu la mention spéciale viti. En effet, elle n’attend plus que le feu vert de la Dréal pour finaliser son projet d’irrigation de ses vignes avec l’eau issue de l’épuration de ses effluents et vinasses. « Alors nous ne rejetterons plus rien en rivière », expose Loïc Guérin, responsable des exploitations de cette distillerie qui produit 10000 hl d’alcool pur de cognac par an, de l’alcool industriel et des vins de bouche. Toute cette activité génère 25 à 30000 m3 d’effluents par an qui sont déjà dépollués par une station mise en service avant les vendanges 2022. Reste à réutiliser ces eaux épurées. Ce que la distillerie compte faire en les utilisant pour irriguer 75 des 165 ha de vignes qu’elle cultive.
Le château Barrabaque à Fronsac (Gironde) a reçu la mention spéciale Commerce. Caroline Noël-Barroux, la propriétaire s’est lancée dans la vente de bougies issues du recyclage de ses bouteilles de dégustation vides. C’est lors d’un salon à Angers, qu’elle a rencontré l’entreprise Botel qui fabrique ces bougies en découpant les bouteilles pour les remplir de cire de soja et d’une mèche en coton bio.
Au passage, elle conserve les étiquettes. « Nous avons différents parfums : fleur de coton, fleur de vigne, feuille de tabac, figue-cassis… », énonce la vigneronne qui déjà repassé commande après avoir rapidement vendu ses 100 premières bougies au prix de 25 €. A terme, Caroline Noël-Barroux espère recycler ainsi les 300 à 400 bouteilles qu’elle débouche par an pour faire déguster ses vins.
Le prix du public revient aux Vignerons de Buzet. En 2019, ils ont planté un « vignoble new age » sur 17 ha d’un seul tenant où ils mènent une trentaine d’expérimentations, testant des cépages résistants et méditerranéens, des porte-greffes, des modes de conduite en agroécologie et agroforesterie, etc. « L’ambition de ce projet est de tester des itinéraires de production rentables permettant de tendre vers un vignoble agroécologique et régénératif, vers un vignoble « zéro phyto » avec des sols auto-fertiles, vivants, qui s’enrichissent naturellement chaque année, des écosystèmes résilients, notamment aux changements climatiques », explique Elisa Benech, chargée de communication. Deux unités de recherche de l’Inrae suivent ce vignoble. « Un tel dispositif d'expérimentation viticole est unique dans la coopération française » assure la coopérative.