u regard de chiffres de sorties de chai et de commercialisation en recul, le conseil d’administration de l’Organisme de Défense et de Gestion de l’appellation côtes de Provence a entériné, le 22 août, la décision d’abaisser de 10 % le plafond de rendement de la couleur rosé pour le millésime 2023. Celui-ci est donc ramené à 50 hl/ha, mais le président de l’ODG, Eric Pastorino, rappelle immédiatement que « les producteurs peuvent continuer à récolter 55 hl/ha, à condition de placer les 5 hl/ha complémentaires en réserve de Volume Complémentaire Individuel (VCI) jusqu’à la prochaine campagne ».
« C’est une décision collective du conseil d’administration qui n’a pas été prise à la légère, mais au regard de chiffres en baisse qui nous parvenaient depuis mai. Les mois d’été étant très importants dans la consommation de nos vins, nous avons attendu au plus tard pour prendre une décision qui s’est révélée inéluctable avec les chiffres qui nous sont parvenus en juillet », développe Eric Pastorino.
En cause, donc, « un rythme de sorties de chais en baisse de 5 % à fin juillet », décline le directeur de l’interprofession des vins de Provence (CIVP), Brice Eymard, ainsi « qu’un recul de 16 % des ventes des vins de côtes de Provence en grande distribution et une baisse de 5 % à l’export ». En l’état, le service économique du CIVP extrapolait des projections de sorties de chais « de 800 à 810 000 hl sur l’année, pour une récolte 2023 qui tendrait plutôt vers 830 à 850 000hl », poursuit Brice Eymard. D’où la décision du syndicat de jouer sur le levier du rendement pour ajuster l’offre. Inflation, déconsommation, destination touristique provençale moins prisée, conditions climatiques moins favorables à la consommation de rosés… les raisons de cette diminution sont présentées comme multiples par les responsables de filière.
Eric Pastorino espère néanmoins que ce mélange d’ingrédients ne se limite qu’à une conjoncture défavorable, sans être un signal précurseur d’une baisse structurelle sur les vins rosés de Provence. Brice Eymard souligne encore que cette baisse se place dans un recul global de 6 % de la vente de rosés en grande distribution. « Il semble qu’après deux années post-Covid où le consommateur s’est orienté vers des achats plaisir plus chers, le contexte d’inflation ramène vers un arbitrage du client vers des vins moins chers », appuie le directeur du CIVP.
Cette décision collective n’emporte pourtant pas les suffrages de tous dans le vignoble. Philippe Morin, à la tête du domaine de Marchandise, domaine varois de 40 ha, fait partie de ceux-là, estimant que cette décision va à l’encontre des intérêts de son entreprise. A commencer par la temporalité de celle-ci, « après s’être battus toute la campagne pour amener une récolte de qualité à son terme, et se voir amputer de 10 % du rendement au moment des vendanges ». Annonçant la vente de l’ensemble de sa production depuis 30 ans, Philippe Morin estime injuste de se voir amputé de 10 % de son chiffre d’affaires « qui représentent ma capacité d'investissement, de primes pour mes salariés, alors que nous avons fait un effort considérable de restructuration et replantation du vignoble depuis 12 ans, accompagnés d’une politique tarifaire raisonnable qui a fidélisé notre clientèle ». Le vigneron se dit donc « victime d’une décision politique qui aurait dû être adaptée à chaque entreprise, au regard de ses antécédents de commercialisation ».
Le courtier varois Pierre-Jean Bertri voit dans cette décision « un bon moyen d’ajuster l’offre des côtes de Provence alors que la distillation permettra d’évacuer du marché les stocks résiduels de millésimes anciens ». Il reconnaît que la décision prise par les voisins des coteaux varois de baisser eux aussi les rendements, mais en ajustant ceux-ci aux capacités de commercialisation des entreprises, « peut servir d’exemple aux côtes de Provence pour les campagnes à venir ». Le courtier rappelle néanmoins que la moyenne de production de l’AOC côtes de Provence oscille habituellement « entre 45 et 48 hl/ha, et compte tenu des épisodes de grêle et de mildiou de l’année, beaucoup seront probablement contents d’arriver jusqu’à 50 hl/ha ».
Si l'AOC Coteaux d'Aix en Provence ne baisse pas ses rendements 2023, les Coteaux Varois baissent à 42 hl/ha leur rendement (contre 55 hl/ha, sauf en cas de marchés), la plus petite appellation provençale étant en pleine réflexion stratégique (alors que la distillation de crise y est démandée pour apurer des stocks anciens).