es paroles aux actes… délégués. « C’est une bonne nouvelle, le ministère de l’Agriculture nous annonce que les États Membres [demandeurs, soit France, Espagne et Portugal] ont reçu ce 31 mai le projet d’acte délégué de la Commission Européenne pour la distillation » rapporte Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui s’est tenu ce premier juin. Annoncée ce début février par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, la distillation de crise des vins rouges et rosés ne trouvant plus de marché va se concrétiser de manière imminente. « Nous sommes proches de la mise en œuvre. C’est une question d’heures, de jours, au plus tard la semaine prochaine » se projette Jérôme Despey, qui, après quatre mois de patience, voit la filière « dans les derniers mètres de la négociation pour aboutir et lancer les opérations de distillation ».
Soit la phase de souscription, la réalisation d’une première tranche et la préparation de la deuxième. Doté de 160 millions d’euros par la France et l’Europe, la distillation de crise se déroulera en deux phases successives, ce printemps/été et cet automne/hiver. Un séquençage permettant de débloquer deux fois 40 millions € dans l’enveloppe annuelle de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole, l’OCM vin, selon le plafond annuel fixé par l’Europe du 15 octobre d’une année au 15 octobre de la suivante.


Dans sa proposition d’acte délégué unique pour ces deux phases, la Commission Européenne définit les modalités d’appréciation de l’aide à la distillation, sur des prix inférieurs à la référence moyenne par segment des prix du marché. « La méthodologie est confirmée, il n’y aura pas de difficulté pour les montants de 45 €/hl pour les vins de France (sans indication géographique), 65 €/hl pour les vins à Indication Géographique Protégé (IGP) et 75 €/hl pour les vins d’Appellation d’Origine Protégée (AOP), plus 5 €/hl pour les distillateurs » détaille Jérôme Despey, qui attend désormais l’issue des discussions entre la Commission Européenne et les trois États Membres (avec la réunion d’un groupe d’expert puis un conseil de gestion). Pour le vignoble français, ces ultimes négociations doivent aboutir à une mise en œuvre rapide et flexible, évitant de nouvelles pertes de temps et d’énergie. Un point clé serait le possible recul d’un mois de la date la réalisation des opérations de distillation, prévue le 15 septembre et qui pourrait être décalée au 15 octobre pour répondre à la pression des distilleries pour mener à bien cette campagne dans les temps.
Il reste une certitude « il y aura une distillation. Depuis ce 31 mai, nous avons un acte juridique sur la table » note Jérôme Despey, qui ne cachait plus son impatience. Un autre point est déjà acquis en la matière : « le caractère d’urgence a été reconnu avec un acte délégué qui sera d’application immédiate, une fois validé et publié, sans attendre deux mois pour validation » souligne Jérôme Despey. Recevant de nombreux appels de vignerons en difficulté, le viticulteur de Saint-Geniès-des-Mourgues (Hérault) ressent « la forte impatience dans le vignoble pour enclencher la distillation. Par rapport à l’attentisme du marché, l’approche des vendanges et la capacité des distillateurs à mener à bien la distillation. »
Reste un dispositif à obtenir : la demande d’une rallonge de 40 millions € venue des crédits de crise européens. Si le commissaire européen pour l’Agriculture, Janusz Wojcichowski, ouvre la possibilité d’utiliser les fonds de cette réserve de crise pour aider les filières agricoles en difficulté, pour l’instant rien n’est fléché pour les vins français. « Ce n’est pas acté » reconnaît Jérôme Despey, pour qui l’objectif est d’obtenir cette rallonge de 40 millions € pour la deuxième phase, afin de distiller 3 millions d’hectolitres en tout. « Le ministre de l’Agriculture m’a redit que la demande est maintenue. La réponse interviendra pour la deuxième phase de distillation. Le travail doit continuer pour arriver à 200 millions €. »
Alors que les critiques sur la distillation fusent du négoce, et même de vignobles pourtant susceptibles d’avoir recours en masse à la distillation, Jérôme Despey veut désormais passer aux travaux pratiques pour les réflexions stratégiques des vins français en 2040 : « beaucoup de débats ont eu lieu dans filière. Il faut maintenant passer à autre chose. Parler de marchés, de stratégies de conquêtes et d’adaptation de l’offre à la demande, on ne produit pas pour distiller : je veux sortir de cet état d’esprit où l’on distillerait tous les ans » conclut-il.