l’occasion d’une réunion à la mi-mai du comité vitivinicole des coopératives agroalimentaires de Castille-La Manche, les premières perspectives pour la prochaine récolte dans la principale région productrice du pays ont été évoquées. S’il est bien trop tôt pour avancer des prévisions chiffrées, l’organisme prédit à l’heure actuelle des vendanges précoces et peu quantitatives, sécheresse et températures élevées obligent. « Il semble que la récolte ne sera pas très importante et que les viticulteurs s’attendent à ce que les prix augmentent », a confirmé le porte-parole du comité vitivinicole Juan Fuente. « S’il ne pleut pas, il est possible que les prix aient tendance à augmenter au fil des mois ».
Pour l’heure, les conditions météorologiques ont stimulé la demande au niveau national et international pour les vins espagnols en vrac, note le courtier international Ciatti. Tout en restant extrêmement compétitifs, les prix ont légèrement progressé à l’intérieur du pays pour afficher plutôt une stabilité à l’export, toutes les catégories de produits étant recherchées. Toujours est-il que certaines régions estiment que seule la distillation de crise pourra assainir le marché et réduire le poids des stocks. C’est le cas notamment de la Rioja et de l’Estrémadure. A la mi-mai, le gouvernement régional de la Rioja a annoncé allouer 15 millions d’euros d’aide à la distillation de crise. Priorisant les caves coopératives – et leurs quelque 6 000 adhérents – ainsi que les petites caves familiales, les autorités ont recensé 134 structures ayant des excédents à distiller sur les 384 caves actives que compte la région (soit 35%). Au total, 40 millions de litres seraient concernés sur plusieurs millésimes remontant jusqu’en 2010 et l’aide proposée par le gouvernement régional est de 1,13 €/litre. « Cette situation critique d’une partie très importante des vins d’appellation d’origine contrôlée de la Rioja montre que le système d’autorégulation ne fonctionne pas », a affirmé la ministre régionale de l’Agriculture Eva Hita lors d’une conférence de presse. Et d’ajouter que le gouvernement régional « ne répondra pas pleinement à ces situations ».
Son homologue dans la région d’Estrémadure, dans le Sud-Ouest du pays, a formalisé une demande de distillation de crise demandée par le secteur régional afin de pouvoir bénéficier des fonds de l’Union européenne. Le gouvernement de l’Estrémadure apporterait 1,3 million d’euros au financement de la mesure, sachant que 4,3 millions de litres seraient concernés. L’excédent de vin rouge dans la région est estimé à 22% par rapport à la moyenne des cinq dernières années. La distillation de crise ne s’appliquerait qu’aux vins rouges sans appellation ni indication géographique. Sur le plan national, le ministre de l’Agriculture Luis Planas serait plutôt favorable à une approche par région en fonction des besoins individuels. Son avis est partagé par le directeur de la Fédération espagnole du vin, José Luis Benitez. « Une distillation de crise généralisée comme celle qui a été mise en œuvre pendant la pandémie n’est ni nécessaire ni appropriée », a-t-il affirmé à l’agence de presse EFE, estimant qu’il s’agit d’une mesure « très coûteuse » car il faut « payer beaucoup pour la rendre attrayante ».
Le financement étant le nerf de la guerre, les professionnels italiens réunis au sein de l’Unione Italiana Vini ont exprimé de leur côté leur opposition « au détournement, en faveur d’une distillation de crise, des fonds déjà engagés pour la promotion et l’investissement ». L’UIV reconnaît que les stocks en Italie sont importants : « Le niveau des stocks au mois de mars (60 millions d’hectolitres) est le plus élevé des cinq dernières années, en hausse de 5,1% (+8,6% pour les AOP) par rapport à la même période de l’année dernière… Si la tendance se poursuit, en raison de la baisse des ventes, on risque d’arriver à la prochaine récolte avec un poids des stocks le plus élevé des 20 dernières années ». Toutefois, l’organisme professionnel estime que « la distillation ne résout que temporairement les fissures structurelles déjà présentes dans le système ».