oup de froid sur les vignes la semaine prochaine : suivie comme le lait sur le feu dans le vignoble, les prévisions météo des prochains jours alimentent les spéculations, alors que les incertitudes restent grandes sur un gel printanier. « Il y a un risque modéré de gel la semaine prochaine en Bourgogne (à Chablis), en Val de Loire (notamment Chinon, dans la nuit du mardi 4 au mercredi 6 avril) et en Champagne (dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 avril) » indique Philippe Stoop, direction Recherche et Innovation pour ITK, qui se base sur l’outil Prevent (qui estime les risques à partir de données météorologiques et phénologiques. Pour le membre correspondant de l’Académie d’Agriculture de France, « les risques sont modérés. La vigne n’est pas aussi avancée cette année qu’en 2021 et les températures sont limites, proches de -1°C. Il est pour l’instant prématuré de lancer une alerte. »
Plus prudent, Emmanuel Buisson, directeur de la recherche et de l’innovation chez Weenat, pointe un « risque de froid avec des sensibilités variées selon les zones. Je ne mettrai pas ma main à couper qu’il n’y a pas de risque : je suis prudent au moins jusqu’à mercredi 5 avril. » L’expert note qu’aujourd’hui, vendredi 31 mars, il y a des certitudes jusqu’à mardi 4 avril et beaucoup d’incertitudes ensuite : « on voit lundi 3 avril une offensive de froid qui arrive du Nord Nord-Est (avec un bel anticyclone en train de se poser au Nord de l’Allemagne et en Scandinavie). Lundi le risque est modéré sur le Nord-Est (avec une vigilance sur Alsace et Champagne), mardi il y aurait une grosse offensive de froid qui pourrait aller sur tout le Nord de la Loire (avec des risques modérés en Alsace, Champagne, Val de Loire, Bourgogne…). »


La bascule sur cet épisode de froid est le mercredi 5 avril pour lui. Si les modèles météorologiques ne sont pas d’accord, celui allemand Icon l’inquiète : « sorti du risque de gel advectif de lundi-mardi, il est possible de passer mercredi à un gel radiatif (entre environnement atmosphérique froid et sol chauffé le jour par le soleil puis se refroidissant la nuit). Dans ce scénario, il pourrait y avoir un risque élargi de gelées radiatives localisées : Alsace, Champagne, Val de Loire, Bourgogne, Bordeaux, Sud-Ouest, Rhône, Provence… Mercredi est encore loin, il faut anticiper une situation plausible, à date, de gelées blanches. »
À Chinon, « on prépare déjà l’aspersion, les outils de contrôle… il ne faut pas crier au loup, mais être prêt à agir. Aucun vigneron ne prendra risque de ne pas lutter contre le gel » pose la vigneronne Cynthia Nolet, du domaine Fabrice Gasnier, ajoutant que si la météo change, le risque de gel est fort probable la semaine prochaine (tout en dépendant d’une parcelle à l’autre). Même réalité du risque à Bordeaux, où « les outils de protection sont à mettre en place : bougies, points de chauffe, éoliennes mobiles… il faudra être prêt à les utiliser » indique David Pernet, le directeur du service conseil du cabinet Sovivins, basé à Martillac (Gironde), qui rapporte que la majorité des modèles météo « annonce un épisode propice au gel sur Bordeaux : plutôt mardi et mercredi ». Mais avec des situations phénologiques contrastées selon les terroirs et les dates de taille. L’expert note que les parcelles taillées il y a plusieurs semaines sont au stade de réelle sensibilité sur une partie significative des bourgeons, entre pointe rouge et pointe verte, notamment sur merlot. Si la taille tardive sur les zones gélives permet de réduire la sensibilité à date, de prochains épisodes de gelées sont déjà craints. « On reste sur des conditions anticycloniques, on a l’impression d’être au début de la période de gel et pas seulement sur un épisode » résume David Pernet.
Exemple à Chablis avec la crainte du lundi de Pâques (ce 10 avril). Si actuellement les pieds de chardonnay sont à la pointe verte, la sensibilité au gel reste plutôt basse dans le vignoble indique Louis Moreau, le vice-président de la commission Chablis au sein de notre Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne (BIVB), pour qui le risque de gel est trop incertain la semaine prochaine. « Ça reste à confirmer : on voit retour du froid sans paniquer » résume le vigneron. Dans le Centre-Loire, c’est la mi-avril qui inquiète plutôt. « Les premières écailles s’écartent : il n’y a pas de risque la semaine prochaine et ça ne devrait pas trop bouger avec les températures qui redescendent » analyse François Dal, conseiller viticulture au Service Interprofessionnel de Conseil Agronomique, de Vinification et d'Analyses du Centre Loire (SICAVAC), qui note un retard de 15 jours par rapport aux précédents millésimes (ce qui repousse à mi-avril les craintes de gelées).


Docteur en agrométéorologie, le consultant Serge Zaka prévient : « ce n’est que le début pour le gel ». Pour l’expert, « la problématique c’est l’anticyclone qui se pose au Nord de l’Europe avec un flux d’Est jusqu’à la mi-avril au moins : il y a un risque de gels ponctuels sur cette période. Sans être massifs comme en 2021, mais en étant latents et permanents. Et à force de cumuler les petites pertes, il peut y avoir un impact massif. » Pour Serge Zaka, « on a un risque qui va durer au moins jusqu’à la mi-avril » à l’échelle nationale. En attendant, la semaine prochaine s’approche : « il y a encore beaucoup d’incertitudes, il faut rester prudent : c’est un encore un peu loin par rapport à la magnitude (l’étendue géographique) et l’intensité (les températures négatives). Les modèles actuels ne prévoient pas de gelées dramatiques, avec peut-être des pertes de rendements de 5 à 10 %, ce qui est loin des gels de 2021 et 2022 » note l’agrométéorologue, qui pointe l’incertitude sur le Sud-Ouest (incluant Bordeaux et Cognac) et sur l’arrière pays méditerranéen et la moyenne vallée du Rhône (selon le Mistral). Sachant qu’il y a « toujours une sécheresse marquée sur le Languedoc et le Roussillon. La première cause de pertes de récolte sera la sécheresse » conclut Serge Zaka.