a parenthèse enchantée du covid, et des fermetures de restaurants en 2020 et 2021, est bel et bien refermée pour les ventes de vin en grande distribution en 2022. D’après les panels Nielsen, les ventes de vins tranquilles en grande distribution ont chuté de 5,3 % l’an dernier par rapport à 2021. La chute est de 8,2 % pour les rouges, quand les blancs se replient de 6,5 % et que les rosés affichent une augmentation de 0,7 % : « les Français ont boudé les vins en 2022 » résume Nielsen.
Communiquant pour sa part des données arrêtées au 9 octobre (avec pour l’ensemble des vins tranquilles des baisses de 6,5 % des ventes en volumes et de 3,9 % en valeur, pour une augmentation de 3 % du prix moyen*), le panel IRI confirme des « baisses très marquées, avec la méchante impression que l’on revient en 2019, une année très dure pour les ventes de vin » analyse Éric Marzec, le directeur de clientèle pour les liquides des panels IRI.


Pour l’expert, « les pertes de volumes ne sont pas étonnantes, étant dans la continuité de 2019, mais que l’on perde du chiffre d’affaires est inquiétant. L’augmentation du prix moyen payé en caisse c’est à 100 % l’inflation. Ce n’est pas par valorisation, parce que des consommateurs décideraient d’acheter plus cher. Les vins sont plus inflationnistes que les autres boissons alcoolisées (les bières sont aussi touchées, mais dans une moindre mesure). » Jugeant que les vins rouges reviennent aux chutes d’avant-covid, Éric Marzec estime que la croissance des vins rosés est en trompe l’œil cette année, bénéficiant conjoncturellement de l’effet météo, tandis que le repli des blancs est à pondérer comme ils augmentent par rapport à 2019 : « les vins blancs résistent mieux que la moyenne ».
En volumes et valeurs, les chutes sont généralisées pour quasiment toutes les appellations (au global -7,2 % sur les ventes AOP en volume, -4,8 % en valeur), entre déconsommation et décroissance des disponibilités (sur certains vins blancs notamment après le gel du millésime 2021). À l’exception de la Provence (+3 % en volume) et de la Corse (+5 %), les baisses tombent sur tous les vignobles : Alsace (-3 %), vallée de la Loire (-5 %), Sud-Ouest (-6 %), Vallée du Rhône (-7 %), Bordeaux (-9 %), Languedoc-Roussillon (-9 %), Beaujolais (-11 %) et Bourgogne (-21 %).
Il n’y a pas de report sur des vins plus abordables, les vins IGP étant aussi en baisse (IGP cépages avec -6,8 % en volume et -3,1 % en valeur) et comme les vins sans indication géographique (pour les VSIG étrangers, les vins de France se portant bien : +0,7 % volume, +4,5 % valeur). Les Marques De Distributeurs étant aussi à la peine (-6,7 % volume et -4,4 % valeur), Éric Marzec résume : « les MDD ne vont pas mieux que le reste ».


Pour Éric Marzec, ces tendances s’expliquent par le double effet de l’inflation sur les vins tranquilles. Premièrement, « quand les prix augmentent, ce sont les produits les plus accessibles qui perdent le plus de volume. Comme les premiers prix sont le plus sensibles à l’élasticité prix. Quand on passe de 2,90 à 3,10 € la bouteille, il y a un vrai impact » pointe l’expert. Le deuxième effet de l’inflation est l’arbitrage dans le caddy : vu que toute l’alimentation voit ses prix augmenter, « on dépriorise certaines boissons alcoolisées, dont le vin ». S’il est difficile de se projeter au vu du contexte économique incertain, il est encore plus ardu d’être optimiste sur un regain de volumes en GD : « cette déconsommation est liée à l’inflation, mais elle pourrait être crantée même en cas d’amélioration économique » avance Éric Marzec, jugeant la décroissance « structurelle avec la disparation des consommateurs quotidiens. Les jeunes générations sont plus attirées par les bières. Ce que l’on perd en ce moment, je ne vois pas pourquoi on pourrait le regagner. Le défi est celui de la valorisation. »
* : Sur la période, les vins rouges chutent de 10 % en volume et 8 % en valeur (pour +2,7 % de prix moyen), les vins blancs diminuent leurs ventes de 6 % en volume et 3,3 % en valeur (avec +2,9 % de prix moyen) et les vins rosés se replient de 1,8 % en volume pour une augmentation de 2,4 % en valeur (soit +4,3 % de prix moyen).