oire moins mieux. Longtemps la viticulture a mis un point d’honneur à travailler dans cette perspective. Désormais, elle en voit les limites. « Notre filière est en danger. On veut tirer la sonnette d’alarme, alerte Bernard Farges, président du Cniv (Comité national des vins interprofessions des vins à appellation d’origine et à indication géographique). Le sujet c’est la déconsommation de vin en France. Il n’est pas nouveau, mais il s’accélère. Un plan social massif et historique se prépare ».
Ce 15 février, le Cniv et Vin et Société ont convié une vingtaine de journalistes pour évoquer ce sujet dans le cadre chic et solennel d’un restaurant du 7ème arrondissement de Paris.
« En 60 ans, la consommation de vin a baissé de 70 % en France, martèle Samuel Montgermont, président de Vin et Société. Si elle ne se redresse pas, dans dix ans on va encore perdre 60 %. On assiste à une rupture générationnelle. On trouve majoritairement les consommateurs de vin chez les plus de 50 ans est très peu chez les moins de 40 ans. On a perdu la bataille de la transmission du vin. »
« On craint de perdre entre 100 000 et 150 000 emplois [directs et indirects, NDLR] dans les dix ans qui viennent », résume Bernard Farges. Pour une filière qui en revendique toujours 500 000, ce serait une hémorragie, d’autant plus qu’elle saignera des territoires dont le vin est l’une des principales ressources.
Après avoir dressé ce constat, les deux responsables en ont décortiqué les causes évoquant en premier lieu la stigmatisation du vin dans les campagnes de prévention de l’alcoolisme et de sécurité routière, puis les changements sociétaux qui voient le recul des repas à table et le développement des foyers monoparentaux alors que le vin est la boisson de partage lors des repas traditionnels et enfin l’élitisme de la filière.
Comment redresser la barre ? En attaquant la loi Evin, pour pouvoir promouvoir plus librement le vin a suggéré un journaliste. Hors de question pour Bernard Farges comme Samuel Montgermont. Ce serait aller au casse-pipe. Mais les deux hommes n’ont pas de solution miracle. Ils n’ont fait qu’évoquer des pistes : simplifier le discours sur le vin, valoriser l’ancrage local et la nature artisanale de la viticulture, tester d’autres formats que la bouteille de 75 cl, s’engager dans le réemploi du verre, essayer les vins sans-millésime…
Pour Samuel Montgermont, une chose est sûre : la filière n’est pas seule figée dans ses habitudes. La grande distribution l’est tout autant, avec ses rayons sempiternellement organisés selon l’origine des vins alors qu’elle est le principal canal de distribution des vins en France. « La clé d’entrée ça devrait être de répondre à la question : avec quoi je vais accompagner mon repas ? ».
Faute de voir les choses sous l’angle des consommateurs, la filière les verra se réduire comme peau de chagrin.