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La crise du vin rouge n’est pas que française
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Attention aux généralités
La crise du vin rouge n’est pas que française

Victime du clivage intergénérationnel ou plutôt d’une surproduction mondiale ? Les vins rouges sont en mauvaise passe à l'international, et ce n’est pas imputable au seul retournement de situation en Chine. Mais cette crise est-elle inévitable et irréversible ? Pas si sûr.
Par Sharon Nagel Le 06 janvier 2023
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La crise du vin rouge n’est pas que française
« Parmi les multiples styles de vins rouges disponibles, bon nombre d’entre eux sont très prisés », rappelle Richard Halstead de l’IWSR - crédit photo : Richard Mcall Pixabay
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ne simple visite du salon World Bulk Wine Exhibition en novembre à Amsterdam suffisait pour confirmer que les vins rouges posent problème dans de nombreux pays producteurs. « L’Afrique du Sud est assise sur des excédents de vins rouges datant de 2022 et de millésimes antérieurs », déplorait Ben Jordann, responsable des opérations auprès des Cape Wine Exporters. Et ne parlons même pas de l’Australie, où 30 % ou plus des raisins de cuve rouges pourraient être laissés sur pied ce millésime 2023.

« Une partie importante du secteur est à genou avec des excédents de vin rouge paralysants, d'autres ont été contraints à la liquidation et d'autres encore ont tout simplement cessé d'exister », expliquait récemment dans la presse Denys Hornabrook, fondateur de la plateforme Vinex. Ses propos sont confirmés par Wine Australia, qui fait état de la chute vertigineuse des prix des vins rouges australiens en vrac, que ce soit du shiraz, du cabernet sauvignon ou du merlot : les tarifs ont dégringolé de plus de 50% en deux ans pour passer en moyenne à 70 cts AUD le litre (soit 45 cts €) en octobre 2022.

Quid des blancs ?

Et il y a peu de chances pour que la Chine vienne à la rescousse, ni de l’Australie ni d’autres pays producteurs misant sur les vins rouges, du moins à court ou à moyen terme. Même si les tensions géopolitiques devaient se calmer, plusieurs millésimes se sont entassés dans les cuves et la consommation chinoise est en berne. Sans parler de la perte du marché russe pour bon nombre d’exportateurs. Pour le courtier international Ciatti, la forte demande chinoise de vins rouges dans les années 2010 n’était qu’un simple pansement sur la plaie de la baisse de la consommation de vin sur des marchés matures. Le courtier va même plus loin, suggérant que la relative bonne santé des vins blancs pourrait être la simple conséquence de faibles récoltes en 2021. « A plus long terme, il faut une meilleure compréhension de l’évolution des habitudes de consommation afin de rehausser l’attrait des vins parmi les jeunes générations et faire augmenter ainsi la demande globale ». 

Mais comment est-ce que les experts analysent le marasme sur le marché des vins rouges ? « Il semble y avoir des indications quant à une tendance à long terme à délaisser le vin rouge au profit du vin blanc et du rosé sur les marchés développés et matures », confirme Richard Halstead, directeur opérationnel chargé des tendances de consommation auprès de l’IWSR en Grande-Bretagne. Tout en nuançant ses propos : « Cette tendance est moins évidente sur les marchés émergents et en Asie, où le vin rouge reste plus prisé ». Certes, les jeunes ont tendance à consommer plutôt des vins blancs et rosés, tandis que le rouge est plébiscité par les consommateurs plus âgés sur des marchés développés et matures. L’absence de remplacement des Boomers pourrait donc expliquer une partie du phénomène. Mais la vérité semble beaucoup plus complexe, car tous les vins rouges ne sont pas logés à la même enseigne.

Le sucre résiduel fortement apprécié aux USA

Les opérateurs eux-mêmes ont tendance à déplorer un manque de cohérence entre l’offre proposée et la demande réelle. « Les profils de vins rouges sur des marchés comme les États-Unis sont en train de muter », estime Justin Moran, responsable commercial et marketing auprès de la société Limestone Coast Wines, autrefois deuxième exportateur australien de vins premium en direction de la Chine. « Les consommateurs recherchent des vins plus légers, moins boisés, avec moins d'alcool, comme le pinot noir ou les rosés. Ce sont les cabernets et les shiraz qui remplissent les cuves australiennes, et ce sont justement ces vins-là dont le marché ne veut pas ». Peut-être pas en tant que tel, mais le succès phénoménal des "red blends" ou assemblages de vins rouges sur le marché américain laisse envisager d’autres débouchés pour les vins rouges, n’en déplaise aux sommeliers et autres puristes.

« Il y a une dichotomie entre ce que les gens disent boire et ce qu'ils boivent réellement. Les Américains affirment apprécier les vins secs, mais les assemblages de rouges et le Chardonnay américain, pour ne citer qu’eux, contiennent du sucre résiduel », affirme Paul Wagner, fondateur de la société Balzac Communications en Californie. Et celui-ci d’expliquer que de grandes entreprises américaines investissent massivement dans ce segment : « Les assemblages de vins rouges présentent un énorme avantage : ils sont totalement libres. Il n’y a pas de contraintes au niveau du millésime ni du sourcing pour des vins qui se vendent à 28 dollars la bouteille ! »

…et dans les pays nordiques

Du sucre résiduel est également apprécié en Suède, selon les dires de Torbjörn Rolander, responsable de marque chez l’importateur nordique Enjoy Wines & Spirits : « Les vins rouges faciles à boire, dont la teneur en sucre est plus élevée que la normale – entre 10 et 15 grammes de sucre par litre – ont le vent en poupe. Ils présentent souvent des arômes boisés prononcés de pain grillé et des tanins, et ils se vendent bien ». Dans le même style des vins riches, le Valpolicella Ripasso et l’Amarone ne connaissent pas de désaffection des consommateurs, selon le Dr Luca Sabatini, directeur export de la Cantine di Soave : « Le Valpolicella affiche des hausses de prix à deux chiffres avec des stocks très bas. Tous les principaux marchés pour des profils comme le Ripasso continuent d’absorber des volumes et en redemandent ».

Que ce soit dans le segment du haut de gamme comme celui-ci ou bien en production de masse, mais très bien valorisée comme les "red blends" aux USA, le succès semble résider davantage dans la capacité du produit à se mettre au diapason des occasions de consommation que dans son profil intrinsèque. « D'une manière générale, nous pensons que le succès des vins rosés sur de nombreux marchés développés s'inscrit dans une tendance plus large où le vin s'invite de plus en plus dans les occasions sociales « rythmées », comme les événements où les groupes d'amis ou la famille élargie se réunissent, souvent en dehors des repas, et où les boissons de prédilection sont celles qui connaissent une popularité plus universelle », conclut Richard Halstead.

 

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Tous les commentaires (2)
Albert Le 07 janvier 2023 à 11:53:53
Réflexion simpliste que je fais. Imaginons que vous n'ayez jamais bu, goûté un vin rouge. On vous propose d'en goûter. Est-ce que vous seriez en mesure de prétendre avoir apprécié ce breuvage qui à coup sûr "accrochera" vos papilles et heurtera en bouche vos équilibres humides (on n'est pas tous en mesure, financièrement, de s'offrir le velours d'un grand Bordeaux, d'un Vieux Télégraphe qui se sera velouté avec le temps, d'un fantastique cru bourguignon au tarif désormais inapprochable pour le commun des mortels). Je vais probablement me faire des ennemis, mais la lucidité sur ce point ne s'impose-t-elle pas dans cette analyse des causes de la déconsommation du vin rouge ? .. m'est avis que le vin rouge sied largement à une vision embourgeoisée et gastronomique du repas (accord mets - vin .. et donc, budget) mais au quotidien, quand on n'accorde plus au moment du repas une grande place voire qu'on se satisfait d'une pizza livrée ou d'un click and collect McDo, à quoi bon encore se poser la question de la place du vin rouge ? .. J'entends bien que moult expert.e.s nous livrent leurs visions et prodiguent leurs conseils, mais à quoi bon manipuler toutes les données disponibles pour tenter de sortir du chapeau, une fois de plus, une "vérité" ? .. La question du "goût" du vin mériterait d'être posée : tanins, alcool et autres constituants du breuvage rouge proposent un mix au profil organoleptique qui peut ne pas plaire, voire ne plus plaire du tout. Je n'ai jamais lu un article abordant cet aspect.
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Pierre Le 06 janvier 2023 à 18:47:57
Cette publication montre des quantités importantes invendues d'une part pour certains cépages et des besoins qui évoluent chez des marchés moins matures. Néanmoins, j'avoue ne pas comprendre l'intérêt écologique et économique d'amener de l'irrigation dans les vignes dans le moyen et long terme : on voit bien que les années faibles en rendement ont le mérite de faire monter les prix et de vendre les excédents. en homogénéisant nos rendements, ne risque-t-on pas de laisser beaucoup de viticulteurs sur le chemin ? Merci pour votre éclairage, cher lecteur, sur cette question.
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