menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Politique / Tant qu’il y a trop de vigne, il y a peu d’espoir à Bordeaux  
Tant qu’il y a trop de vigne, il y a peu d’espoir à Bordeaux  
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

Prime à l’arrachage
Tant qu’il y a trop de vigne, il y a peu d’espoir à Bordeaux  

En préparation de la manifestation du 6 décembre, les débats vignerons s’accordent sur la nécessité de faire pression pour obtenir une prime à l’arrachage devenant vitale dans le vignoble girondin.  
Par Alexandre Abellan Le 29 novembre 2022
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
Tant qu’il y a trop de vigne, il y a peu d’espoir à Bordeaux   
Tout un symbole avec cette flaque et ce panneau dans l’entrée du siège du syndicat des vins d’appellation Bordeaux. « Le bateau prend l’eau » glisse un vigneron. « Tout cela est bien triste » soupire une viticultrice. - crédit photo : Alexandre Abellan (Vitisphere)
R

éunie ce lundi 28 novembre à Planète Bordeaux, la centaine de vignerons préparant la manifestation du mardi 6 décembre prochain à Bordeaux ne tirait pas de plan sur un hypothétique vin de la comète, mais alertait sur les risques d’extinction par la chute d’une météorite bien réelle : l’impasse socio-économique de vignobles sans avenir. D’abord pratico-pratique*, la réunion organisée à Beychac-et-Caillau par le collectif des viticulteurs de Bordeaux n’a pas manqué de s’échauffer dès qu’il a été question de l’objectif affiché : « soutien à la viticulture, arrachage primé et plan social pour Bordeaux » résume Didier Cousiney, le porte-parole du collectif.

Encore confirmée récemment par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, l’absence de perspectives pour un arrachage primé reste incompréhensible pour nombre de vignerons qui veulent des aides d’État, similaires à celles débloquées en début d’année pour la peste porcine (« plan de sauvetage » de 270 millions €). S’il n’y a pas d’argent magique, la filière girondine dégage 400 millions d’euros de TVA par an lance un vigneron participant à la réunion publique, notant qu’avec un arrachage de 15 000 hectares à 10 000 €/ha, « les 150 millions € ce n’est pas la moitié de ce qui est versé chaque année. Et l’état retrouverait assez vite ces fonds si les prix se retendent. »

Boîte à outils

L’alternative actuellement proposée par le gouvernement d’une aide à la reconversion des vignes via les Fonds Européens Agricoles au Développement Rural (FEADER) ne convainc pas. « Il ne faut pas croire qu’il suffit de mettre deux vaches sur un pré arraché pour s’inventer éleveur » rétorque un vigneron sous les applaudissements, expliquant avoir cessé son activité laitière faute de pouvoir mettre aux normes ses ateliers de vinification et de traite. Confirmant les limites de la diversification, Stéphane Gabard, le président du syndicat des vins d’appellation Bordeaux, souligne que cette aide « correspondra à peu d’exploitations. L’idéal, ce serait d’avoir une boîte à outils » pour répondre aux demandes des exploitants voulant réduire leurs surfaces, des vignerons souhaitant arrêter leur activité et des retraités récupérant des parcelles dont les fermages ne sont plus honorés. 

« Depuis trois ans, on parle d’arrachage. Il ne faut pas dériver sur d’autres sujets. Il faut d’abord arracher » recadre un vigneron. « Il y a une urgence sociale et on nous demande de nous concentrer sur un sujet microscopique, celui des fonds FEADER » rebondit Dominique Techer, le porte-parole de la Confédération Paysanne de Gironde, notant que « rien n’existe dans les dispositifs à part les aides nationales. Il faut faire sortir le ministre de sa zone de confort. »

Besoin d’une manifestation

Évoquant « une douche froide » lors des derniers échanges avec le ministère, Jean-Samuel Eynard, le président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA33) est catégorique : « il y a absolument besoin d’une manifestation de masse aujourd’hui. Sollicitez vos maires, les adjoints de vos communes, vos voisins… Même si vos voisins ont une entreprise qui fonctionne bien, il en reste quelques-unes et c’est heureux, il faut qu’il vienne : demain ça sera leur tour. »

Donnant rendez-vous à 9h30 à la place des Quinconces ce mardi 6 décembre, le collectif des viticulteurs appelle à la mobilisation de tous pour obtenir un rendez-vous à la préfecture de région avec la préfète, Fabienne Buccio, le président de la région, Alain Rousset, et le président du département, Jean-Luc Gleyze. Déclarée en préfecture, la manifestation annonce un millier de participants, mais espère en réunir bien plus. « La manif est sans drapeau. C’est le collectif des viticulteurs qui défile, avec les bio, les non-bio, les vignerons, les viticulteurs » annonce Didier Cousiney, qui tranche : « ceux qui ne sont pas au courant aujourd’hui ne veulent pas l’être ».

Mobilisation

« Plus il y aura d’écharpes, plus ça portera au niveau de l’État » ajoute le vigneron Bastien Mercier, membre du collectif, qui souligne qu’actuellement les discours varient entre les interlocuteurs (département, Région, pouvoirs publics…) qui renvoient inévitablement les blocages sur les autres institutions : « c’est pour ça que nous voulons les réunir autour de la table. Ils ne pourront plus se lancer la patate chaude. Quant il y a la volonté de résoudre un problème, il y a forcément une solution. » En l’état, la filière se heurte à « un mur du non » rapporte le vigneron Michel Jacquin, qui a interpellé le ministre sur le sujet de l’arrachage lors du salon des Vignerons Indépendants à Paris.

Quand il n’y a pas d’accord de toute la filière française derrière une demande, « il est facile pour le ministre de dire non pour l’arrachage » examine Bernard Farges, le vice-président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), qui semble toujours regretter la fin de non-recevoir apportée à la proposition girondine de financer son arrachage par les aides européennes de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin). À Bordeaux « nous sommes toujours les seuls à dire et à penser qu’il faut prendre l’argent là où il est » pointe Bernard Farges, alors que, pour lui, « si l’on avait eu la volonté et que toute la viticulture dise au ministre de l’Agriculture que c’est ce qu’il nous faut car […] en 10 ans on a perdu 30 % de commercialisation de vins rouges en France. Pas que de Bordeaux. Il y a un vrai sujet de restructuration. Nous ne sommes pas dans le déni, certains le sont encore. Cette piste européenne ne sera pas explorée. Mais c’est facile à dire pour le ministre, ce serait surprenant qu’il dise le contraire puisqu’il n’y a pas une vraie volonté nationale. »

Il faut éviter des suicides

Soulevant l’urgence des situations individuelles, Patrick Vasseur, vigneron tout juste retraité, estime que « ce n’est pas à nous de chercher l’argent. Il faut éviter des suicides avec un plan social accompagné. » Gagnant en vivacité, les interventions deviennent des prises à partie : contre les prélèvements, avec l’idée d’une grève fiscale, contre le négoce, qui se contente de prix bas pour les Bordeaux et alimente ses lignes de conditionnements en vins d’Espagne…

« Il faut avoir un discours uni » reprend Didier Cousiney, qui souffle cependant le chaud et le froid en la matière, remerciant d’un côté le soutien de toutes les institutions viticoles à la manifestation, pour mieux donner un coup de griffe : « ce n’était pas à nous [collectif vigneron] de le faire, mais vous [institutionnels] auriez déjà dû le faire depuis longtemps ». Assez rares dans l’histoire bordelaise récente, les dernières manifestations vigneronnes remontent à décembre 2004 : pour demander le tonneau à 1 000 € se souvient Didier Cousiney.

Les six prochains mois vont être terribles

« Et ça a marché ? » lui lance, mi-figue mi-raisin, un vigneron. « On l’a obtenu pendant quelques mois… On ne vendait pas cher le vin, mais à l’époque on le vendait. Aujourd’hui, même pas cher on ne le vend pas » soupire Didier Cousiney, annonçant des lendemains qui déchantent : « les six prochains mois vont être terribles. Il n’y a aucune visibilité à l’export et une forte déconsommation sur le marché français. C’est une catastrophe. » Comme l’impression de regarder une météorite s’approcher toujours plus près de la Planète Bordeaux.

 

* : De la mise en place de bus depuis l’Entre-deux-Mers à l’arrivée des tracteurs quai de la Souys, en passant par la gestion de la ventrèche pour le barbecue et l’approvisionnement en vin (l’apport de verre à vin est conseillé pour éviter les verres jetables).

 

La réunion publique se tenait ce lundi 28 novembre en fin de journée à Beychac-et-Caillau.

 

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Tous les commentaires (3)
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous
François Delpeuch Le 29 novembre 2022 à 17:32:22
@Luck L'énergie c'était 5% du chiffre d'affaires d'une boulangerie. Si le prix du MWh triple, moins les aides prévues (mini un tiers de l'augmentation), ça fait une part de l'énergie dans le prix de la baguette qui passe de 0.05? à 0,115, ça se gère. Quand tu perds du pognon depuis des années sur ton chai, que tu ne peux même plus vendre à prix bradé, t'aimerais être boulanger... De plus le dernier arrachage massif, dans les années 2007, c'était la profession elle-même, via le CIVB avec emprunt au CRCA, qui avait financé le merdier, pas "l'État".
Signaler ce contenu comme inapproprié
SEB33 Le 29 novembre 2022 à 16:14:24
Bien évidement, que l'état est responsable, au même titre que l'ensemble des vitis. Mais là on touche le fond. L'état aide les grandes entreprises et nous sommes une grande entreprise 90 000 emplois !!!
Signaler ce contenu comme inapproprié
Lucky33 Le 29 novembre 2022 à 13:44:28
Bonjour à tous, cette crise est grave pour les vignerons, mais pourquoi encore des aides à l?arrachage de papa et maman ÉTAT, plutôt des aides à la reconversion ou autres?.. il faut aussi au difficultés d?autres métiers, boulanger, restaurateur, Batiment?. etc il n?y a pas d?aides pour le maçon qui subit la crise qui arrive, l?électricité qui triple ou plus encore pour le boulanger? j?en passe et des meilleurs. Il faut repenser la société tous simplement et ce sortir des griffes de papa maman ´Etat qui prend prend pour ensuite redonner et avoir main mise sur les indépendants !!!!!
Signaler ce contenu comme inapproprié

vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Politique
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé