e marché des colles animales faiblit, tous produits et tous fabricants confondus. Chez Sofralab, groupe propriétaire des marques œnofrance, Martin Vialatte et Station œnotechnique de Champagne, ces produits ont baissé de « 20 % environ depuis 2015, estime Arnaud Soulier, directeur marketing. Le décrochage date véritablement des années 2017-2018 et la tendance va s'accentuer ».
Arnaud Soulier (crédit photo DR)
Un phénomène encore plus poussé du côté de l'Institut œnologique de Champagne (IOC). « On a une diminution de l'ordre de 30 % de nos ventes de colles animales entre les millésimes 2018-2019 et 2020-2021 », indique Olivier Pillet, chef produit à l'IOC.
Dans cette tendance globale, les gélatines résistent assez bien. « Ce sont les colles animales les plus demandées par nos clients, loin devant la caséine et l'albumine d'œuf », assure Raphaële Verdier, directrice commerciale France chez Laffort.
Raphaële Verdier (Crédit photo Laffort)
« La gélatine représente environ les deux tiers de nos ventes de colles animales », abonde Olivier Pillet. Guillaume Comte, responsable œnologie chez Soufflet Vigne (marque Vinextase), le rejoint : « Nos gélatines sont toujours prisées par nos clients alors qu'on ne vend plus beaucoup d'albumine ni de colle de poisson. En revanche, on note un retour des caséines et caséinates depuis 2020, et encore davantage depuis 2021, sur les rosés. »
En parallèle, les ventes de colles à base de protéines végétales ou fongiques décollent, et ce, de manière spectaculaire. Dans toutes les entreprises, on se félicite d'une croissance à deux chiffres. Au sein du groupe Sofralab, « les ventes de colles végétales ont doublé depuis 2015. Une rupture est en train de se faire », assure Arnaud Soulier. À l'IOC, « l'augmentation avoisine les 30 à 40 % depuis 2018 », calcule Olivier Pillet, pour qui « on ne parle même plus de colles alternatives tant elles sont entrées dans les mœurs ».
À quoi ces fabricants attribuent-ils le succès de tous ces produits ? Principalement à « l'essor des vins vegans ainsi qu'à la volonté d'éviter les allergènes », analyse Guillaume Comte. Sur le terrain, les consultants avancent une autre explication. « L'utilisation des colles végétales est en plein développement car leur efficacité s'est améliorée, comme leur facilité d'utilisation », observe Hélène Bossan, œnologue-conseil à la chambre d'agriculture d'Alsace.
Cette croissance est largement portée par les colles à base de protéines de pois, avec des produits comme GreenFine de Lamothe-Abiet, Inofine V MES de l'IOC ou encore Natura Pro de Vinextase, « qui nous ont permis de prendre de grosses parts de marché sur les collages de moûts blancs et rosés pour remplacer la PVPP lors des débourbages statiques ou la gélatine lors des débourbages par flottation », détaille Guillaume Comte.
Autre colle en croissance : les chitosans ou dérivés de chitine, une substance d'origine fongique. « Avec leur action antioxydante, ces produits vont au-delà du simple collage, sur moûts comme sur vins, indique Olivier Pillet. Ils permettent de clarifier, d'éliminer les polyphénols les plus astringents et les polyphénols oxydables ou oxydés, tout en protégeant de l'oxydation. Ce qui fait leur succès. Les ventes de ce type de colles ont progressé au point de se placer au niveau des colles de pois. Régulièrement, on a proposé un nouveau produit à base de chitine : en 2012, Qi No[Ox] pour clarifier et restaurer la fraîcheur des vins légèrement fatigués ; en 2018, Qi UP XC en 2018 pour remplacer la gélatine en flottation et en 2019, Qi FINE en 2019 pour le débourbage statique. On a aussi été les premiers à commercialiser un extrait protéique de levures. Et on cherche à développer de nouvelles références dans cette catégorie. »
Sofralab mise également sur ces deux nouvelles colles. « À la Station œnotechnique de Champagne, nous proposons d'associer des protéines de pois et des dérivés de chitine pour conférer limpidité et brillance aux vins blancs en remplacement des mélanges de colles de poisson et de silice. Et chez œnofrance, nous avons sorti une association synergique de protéines de pois et d'extrait protéique de levure pour clarifier les moûts et éliminer leurs composés phénoliques oxydés ou oxydables », indique Arnaud Soulier.
Lamothe-Abiet n'est pas en reste. Guillaume Desport, chef de produits, constate « une croissance intéressante sur les colles de pois associées à des chitines ou à des levures inactivées pour améliorer leurs performances. Le pois seul agit surtout sur l'aspect phénolique. Mais en association avec des dérivés de chitine, on obtient un meilleur tassement des lies, et avec des levures inactivées, on apporte de la rondeur tout en accentuant l'effet sur les polyphénols. »
Même les Américains s'y mettent. « Ils viennent d'autoriser la protéine de pois, ce qui accroît le nombre d'utilisateurs », complète Guillaume Desport.
Arnaud Soulier rappelle que « Martin Vialatte a porté un projet sur les protéines végétales à l’OIV dès 1999 avec un produit à base de colle de pois que l’OIV a validé en 2004 ». Et « il a ensuite fallu dix ans pour que le produit s’intègre sur le marché ». De son côté, Laffort a travaillé sur les protéines de pommes de terre, dites patatines. « Nous avons commencé nos travaux en 2010 en collaboration avec l’Institut œnologique d’Avellino, en Italie. Le marché a répondu assez rapidement, avec des croissances de ventes significatives dès 2015, et surtout une demande nettement plus importante à partir de 2019 », rapporte Raphaële Verdier. Et la firme continue ses travaux, qui « portent essentiellement sur des solutions inspirées de la nature, issues du monde végétal et des biotechnologies ». Une volonté d’innovation présente aujourd’hui chez tous les fabricants.