e pourrait être la définition d’un compromis : un soulagement d'avoir évité le pire, mais mâtiné du regret de ne pas avoir obtenu le meilleur. Dévoilés ce 16 février, les votes sur les amendements de compromis du Parlement Européen au rapport d’initiative de la commission de lutte contre le cancer (Beating Cancer, rapport BECA) ne répondent pas à tout ce que la filière vin souhaitait, mais évitent tout ce qu’elle pouvait craindre (voir encadré). Si l’introduction de la lutte contre les consommations excessives de boissons alcoolisées constitue une avancée attendue, l’idée que toute consommation est nocive pour la santé dès le premier verre n’a pas totalement supprimée. Parmi les amendements adoptés, et portés par plusieurs eurodéputés, le numéro 34 introduit la notion de « consommation nocive » (alors qu'il n'y a vait pas de distinction entre comportements raisonnés et excessifs) et le n°35 transforme l’idée d’absence de niveau de consommation sans risque en « le plus sûr niveau de consommation est nul ». Parmi les amendements rejetés, le 33 aurait retiré le rappel de l’étude du Lancet par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) qui « reconnaît qu’il n’existe pas de niveau de consommation d’alcool sans risque quand il s’agit de prévention ».
« C’est un peu du "en même temps", d’un côté on ne supprime pas une étude mise démocratiquement, mais cependant on fait bien la différence entre toutes les consommations et celle excessive » indique à Vitisphere l’eurodéputée de la majorité Irène Tolleret. Soulignant la mobilisation des parlementaires nationaux, la vice-présidente de l’intergroupe européen vin souligne qu’« il est important d’avoir un plan cancer au niveau européen qui se concentre sur la prévention d’addiction et des excès. Le rapport était déjà équilibré il l’est encore plus. » En direct du salon Wine Paris & Vinexpo Paris, « nous aurions aimé que l’amendement 33 soit adopté, nous n’y sommes pas arrivés alors qu’il est fait référence à une étude partielle et tronquée » analyse Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants, pour qui « le travail parlementaire a permis de trouver un juste équilibre pour promouvoir une consommation modérée et raisonnée. Cela va dans le sens d’une réduction des consommations à risque que la filière soutient »


En défendant ces amendements à Strasbourg, « il ne s'agit pas de lobbying, ni de dilution. Le point ici est simplement que nous pourrions travailler vers une consommation modérée. La politique de la prohibition ne nous a jamais fait de bien » indiquait ce 15 février en séance plénière l’eurodéputé italien Herbert Dorfmann (groupe du Parti Populaire Européen), ajoutant qu’« une consommation modérée de vins et de bières de qualité fait partie de l'alimentation de nombre de nos États membres depuis des siècles et fait partie de notre mode de vie. Et nous ne devrions pas dissuader les gens de prendre un verre de vin à midi ou une bière de vacances. »
« Non au zéro alcool » renchérit en séance l’eurodéputé alsacienne Anne Sander (PPE), pour qui « le vin et la bière font partie de l’art de vivre dans nos campagnes et sont des secteurs économiques essentiels, créateurs d’emplois dans de nombreux territoires. Alors, soyons ambitieux dans notre lutte contre la maladie, mais faisons-le de manière pragmatique. »
Si ce rapport d’initiative parlementaire n’est pas contraignant, il donne un cadre aux futures propositions de la Commission Européenne. En cas d’adoption du principe d’absence de « niveau de consommation sans risque », les instances européennes auraient pu retirer ses aides à la filière viticole pour ne pas soutenir une production jugée nocive pour la santé. Cette menace a mobilisé la filière vin, et le gouvernement français.
« Aujourd’hui, ce n’est pas une fin, c’est un début, parce que tout reste à faire » indique en conclusion du débat parlementaire l’eurodéputée Véronique Trillet-Lenoir, la rapporteure de la commission BECA. L’élue de la majorité présidentielle française indique que « la prévention, c’est le levier. Le cancer le plus simple à guérir, c’est celui qu’on n’attrape pas » et qu’« il faudra déployer ce plan. Pour le déployer, nous avons besoin de l’engagement collectif et solidaire des États membres, en particulier sur toutes les mesures qui sont des recommandations, et qui, sans votre appui, sans votre implication forte, resteront lettre morte. »
Dans un communiqué commun à l'ensemle de la filière vin, Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vins de FranceAgriMer souligne que « ce rapport sur la lutte contre le cancer représente une avancée pour la santé des citoyens européens. Dans son volet "alcool", il préconise de s’attaquer à la consommation nocive d’alcool. Notre filière souscrit pleinement à cette recommandation ». Pour Bernard Farges, président du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d’origine et à indication géographique (CNIV), « il faut assumer la place légitime de la modération ».